Premier jour à l'Inexistante. J'ai la sensation de m'être plongé dans un rêve éveillé. Pourtant le badge posé sur mon bureau en est témoin : je ne suis pas embauché à la DGSI mais dans une agence gouvernementale encore plus secrète. Son rôle est d'enquêter sur les phénomènes paranormaux survenant dans le pays et de gérer les créatures résidant parmi nous.

Il m'a fallu un peu de temps pour l'accepter. J'ai d'abord cru à une blague. Puis un de mes interlocuteurs a retiré son espèce de béret pour dévoiler ses lobes d'oreilles très allongés. À peine ai-je eu le temps de penser que cela pouvait être une malformation, que l'elfe a fait apparaître une lumière au bout de ses doigts. J’ai très envie d’y croire. Et puis, si j’ai été illusionné, je m’en rendrai bien vite compte.

Non seulement le paranormal existe, mais les mondes parallèles aussi. Plus précisément, on m'a expliqué que deux mondes – Junsîl et Rasîl – communiquaient par le biais de portails identifiés et protégés. Le nôtre, Junsîl, où la magie n'existe que dans l'imagination et les humains sont la seule espèce «  intelligente  ». Dans l'autre, Rasîl, coexistent humains, elfes, nains, vampires, lycanthropes et tant d'autres. La magie y est présente sous diverses formes, parfois spécifiques aux espèces. Il paraît que la plupart des manifestations dites paranormales proviennent en réalité d'intrusion d'êtres de Rasîl par le biais de portails ou de failles inconnues.

En somme, nous devons également veiller sur l'apparition inopinée de ces passages et les refermer. On ne m’a pas expliqué encore comment faire l’un et l’autre…

Sinon, l'autre monde est également organisé en régions et celle avec laquelle nous traitons correspond à peu près à l'Europe de l'ouest et se nomme Arranë. Je me demande comment cela se passe sur les îles, avec quelles régions et quelles créatures travaillent-ils ? Je demanderai plus tard.

L'Inexistante enquête également sur d'autres mondes possibles. Pour l'heure, l'agence est européenne, mais elle a des contacts avec des agences internationales équivalentes. Cependant, la collaboration semble plus forcée qu'autre chose et peu d'informations filtrent. Nos filiales insulaires ont davantage de contacts avec eux, sans pour autant en savoir plus que nécessaire.

(Du coup, je me demande : les djinns existent-ils réellement ? Et les dieux ou un dieu unique ?)

Nous traitons principalement avec une nation en Rasîl. Il s'agit de la Ragguî, une sorte d’État fédéral avec son territoire propre  : les peuples qui le composaient à sa création appartenaient à des nations frontalières, aujourd’hui il existe une nationalité raggienne. De ce fait, son gouvernement inclut des consuls venus des civilisations fondatrices afin de les encourager à continuer à respecter l'alliance. C'est elle qui protège notre monde, Junsîl, car elle interdit le passage par des portails non répertoriés et pénalise toute agression sur un de nos ressortissants. Ainsi, lorsqu’un hominidé d'Arranë commet un crime ou un délit chez nous, l'Inexistante l'intercepte et le renvoie en Ragguî qui appliquera la condamnation adaptée à sa nature et à son statut.

D'ailleurs, une des raisons qui pousse l'Inexistante à cacher son existence aux yeux du grand public est la crainte que nos congénères veuillent traverser par des portails non contrôlés. Ils se mettraient à rechercher des passages et cela nous ferait des disparus à la pelle… J’ai cru entendre qu'il y en avait toujours un ou deux par an.

Je vais travailler avec un certain Schillig. Il est dans l'Inexistante depuis un peu plus de vingt ans et occupe un poste d'enquêteur à plein temps aujourd'hui. Apparemment, en raison d'effectifs restreints, les nouveaux endossent plusieurs fonctions, notamment administratives. Ma carrière policière m’a formé à être dans l’enquête, l’action et à remplir des paperasses à côté.

Mon premier ordre de mission vient d’arriver : je ne vais pas être dépaysé, un cadavre a été trouvé avec des mutilations qui montrent à la fois de la torture et du cannibalisme… Ou de l'anthropophagie !