DIANE DE POITIERS
Je me souviens.
Si triste, si belle, dans sa longue robe noire rayée d'or et d'argent, robe de veuve qu'elle portait depuis vingt ans, Diane souriait de son demi-sourire.
Si triste, si belle, pensive, Diane marchait dans les allées de son parc.
Elle se souvenait du temps passé et je marchais dans ses pas.
Diane de Poitiers. Diane chasseresse. Diane la favorite royale. Diane la putain du roi.
Que n'ai-je entendu dire sur Diane ?
Jalousie et insultes. Panégyrique et odes.
Mais qui se souvient de Diane ?
Un femme de caractère, forte et sûre.
Une femme de goût, mécène et protectrice.
Une femme amoureuse, amante et aimée.
Maîtresse d'un roi de vingt ans son cadet ou simple gouvernante d'un prince trop candide ?
Henri II et Diane de Poitiers ?
Qui connaît les secrets des alcôves ?
Je me souviens.
Si forte, si belle, Diane regardait les fleurs bien alignées de ses jardins et soupirait.
Si forte, si belle, solitaire, Diane murmurait des poésies de son cher Ronsard.
Elle se tournait alors vers moi, les yeux brillants de plaisir et me lançait :
" Mignonne, allons voir si la rose..."
La rose ne durait qu'une journée, ma Diane durerait éternellement.
Diane de Poitiers se maria à quinze ans et se retrouva veuve à trente ans.
Une jeune et jolie veuve et d'un esprit merveilleux.
Une poétesse et une femme de culture.
Une Dame de la Renaissance.
« Voicy vraisment qu'Amour un beau matin
S'en vint m'offrir fleurette très gentille ;
Là se prit-il à orner votre teint
Et vistement marjolaine et jonquille,... »
Oui, ma Diane était une femme de lettres et d'amour.
Je me souviens.
Jeune roi de vingt ans, Henri II couvrait sa favorite de bijoux et de cadeaux.
Diane souriait et remerciait, humblement et posément.
Puis, elle regardait le roi, portant ses couleurs en tournoi, prenant pour emblème le croissant de la lune, symbole de Diane, déesse de la chasse.
Elle voyait le roi recevoir les ambassadeurs en sa compagnie.
Elle se voyait partout, son portrait, en pierre, en vitrail, en céramique...
Son initiale était accolée à celle du roi.
Et la reine Catherine de Médicis ne disait rien, mais ses yeux sombres d'Italienne brûlaient de rage.
Diane de Poitiers, favorite du roi, femme de lettres, mécène et esprit éclairé souriait de son demi-sourire...un peu hypocrite peut-être ?
Si seule, si belle, Diane se sentait fatiguée d'une longue vie.
Si seule, si belle, mélancolique, Diane parlait du roi Henri II et du merveilleux souverain qu'il était.
La favorite du roi avait fait de ce jeune prince, si candide et si timide, un troubadour, un poète, un cavalier, un monarque.
Je l'écoutais et l'approuvais sans mot dire.
Je me souviens.
Ce jour funeste, l'accident du roi.
Nostradamus l'avait prédit.
"Le lyon jeune le vieux surmontera,
En champ bellique par singulier duelle,
Dans cage d'or les yeux luy crevera,
Deux classes une puis mourir mort cruelle."
(Centurie I – Quatrain 35)
Et le monde s'effondra pour Diane de Poitiers.
Elle portait la robe de veuve pour la deuxième fois.
Le roi, mort durant un tournoi, une lance transperça son oeil.
Accident, tragique, tragique, accident.
Diane de Poitiers n'eut pas le droit de le pleurer.
Si triste, si belle, Diane pleurait son roi dans la solitude de son château d'Anet.
Si triste, si belle, abandonnée, Diane lisait la poésie et se promenait dans ses jardins.
Diane de Poitiers pleurait son roi et je l'accompagnais dans son chagrin.
Elle mourut à l'âge de 66 ans.
Seule mais toujours aussi belle.
Interdite de reparaître à la cour.
Des rumeurs d'empoisonnement parvinrent dans ce Blois qui l'avait chassée.
Mais le secret de la beauté de Diane ne résidait-il pas dans son "or potable" qu'elle buvait chaque jour pour conserver beauté éternelle et éternelle jeunesse ?
Ou alors...la vie était trop longue pour ma Diane...
La rose peut-elle survivre longtemps quand son soleil s'est éteint ?
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