SOLIMAN LE MAGNIFIQUE
Je me souviens.
Le palais de Topkapi et les voiles descendant le Bosphore.
La Corne d'Or et les jardins du serail.
Soliman le Magnifique souriait tandis que la belle Roxelane lui parlait politique.
Une main, joliment sculptée, se posa sur son bras, et le sultan hocha la tête.
Soliman promettait d'y penser à la plus belle de son harem.
Soliman Ier, sultan tout-puissant de l'Empire Ottoman.
Souverain sans pareil de l'imposante Turquie.
Grand conquérant de la Hongrie et maître de la Méditerranée.
Et cependant, assis aux pieds d'une femme.
Roxelane, la chrétienne, aux yeux de velours et à la voix de miel.
Je me souviens.
Soliman le Magnifique était le dixième sultan de la dynastie ottomane.
Il fit de l'Empire ottoman une puissance économique, politique, culturelle, militaire de l'Europe, de l'Afrique et de l'Asie.
Il conquit les terres chrétiennes des Balkans, de Rhodes et de la Hongrie mais dut s'arrêter aux portes de Vienne.
Il conquit le Moyen-Orient, une grande partie de l'Afrique du Nord mais dut s'arrêter aux portes d'Alger.
Il domina la mer Méditerranée, la mer Rouge et le Golfe Persique.
Soliman le Magnifique méritait son surnom.
Les fourberies du palais et les sourires hypocrites des courtisans.
Les jardins du palais de Topkapi et les appels du muezzin.
Soliman le Magnifique tenait la main de Roxelane et conversait avec elle.
Une voix si douce et des paroles si dures. Charles Quint qu'il ne fallait pas négliger et les Perses qui se soulevaient contre la Turquie.
Soliman le Législateur promettait de faire attention à son empire et aussi à sa vie.
Je me souviens
Soliman le Magnifique, roi conquérant.
En guerre en Méditerranée, dans l'Océan Indien, en Afrique, en Europe...
Et cependant, amoureux d'une femme, chrétienne et douce.
Roxelane, qui le couvait de ses yeux inquiets et infiniment tendres.
Soliman détacha une flotte de 400 navires tout en menant personnellement une armée de 100 000 hommes pour se battre contre les Perses, contre les Indiens, contre les Hospitaliers de l'Ordre de Saint Jean de Jérusalem...
Il mena des relations commerciales et diplomatiques avec l'empereur moghol Akbar et avec le roi de France, François Ier.
Son grand amiral, Khayr ad-Din Barberousse, se battit contre les Espagnols et les Portugais, faisant de la Turquie le maître de la Méditerranée pour de longues années.
Son armée avait conquis les grandes villes musulmanes de La Mecque, de Médine et Bagdad, de nombreuses régions dans les Balkans jusqu'en Autriche, la plus grande partie de l'Afrique du Nord.
L'Empire ottoman faisait si peur qu'un ambassadeur de Charles Quint, Busbecq, avertit l'Europe : « Les Turcs ont pour eux un puissant empire, des ressources inégalées, l'expérience des armes et surtout l'habitude de la victoire… Pouvons-nous douter de l'issue à venir ?… Lorsque les Turcs se seront entendus avec la Perse, ils voleront jusqu'à nos gorges portés par la puissance de tout l'Est ; je ne puis dire ô combien nous ne sommes pas préparés. ».
Je me souviens.
Roxelane, sa favorite, secouait la tête en souriant tandis que le sultan lui composait des poèmes, sous son nom de plume, Muhibbi :
Trône de mon mihrab, ma richesse, mon amour, mon clair de lune.
Ma compagne intime, ma confidente, ma toute chose, mon seul et unique amour.
La plus belle parmi les admirables…
Mon printemps, source de toutes joies, source de lumière, mon étoile brillante, lumière de ma nuit…
Mon doux sucre, mon trésor, ma rose, la seule qui ne me désole pas dans ce monde…
Mon Constantinople, mon Caraman, le centre de mon Anatolie
Mon Badakhchan, mon Bagdad et mon Khorasan
Mon amour aux cheveux noirs et aux beaux sourcils, aux yeux langoureux et perfides…
Je chanterais toujours tes louanges
Moi, amoureux au cœur tourmenté, Muhibbi aux yeux pleins de larmes, je suis heureux.
Roxelane souriait et embrassait les mains de son souverain et tendrement aimé.
Je me souviens.
Soliman Ier était connu sous le nom de Soliman le Législateur.
Car il ne suffisait pas à ce puissant seigneur de conquérir et de diffuser la religion de ses pères, l'Islam.
Soliman Ier instaura des changements concernant tout l'empire Ottoman.
Que ce soit la justice, l'éducation, l'économie, la culture... toute la société fut transformée par d'importants changements législatifs.
Soliman était non seulement un poète et un orfèvre, mais également un mécène, l'art et la littérature connurent un âge d'or.
Les minorités religieuses furent plus particulièrement protégées.
Gageons que la main et le sourire de Roxelane y furent pour quelque chose, mais pas seulement.
Soliman le Magnifique était aussi Soliman le Bienveillant.
Le Code Civil de Soliman, le Kanun, fut respecté pendant plusieurs siècles en Turquie.
En totale rupture avec la tradition, Soliman épousa Roxelane, sa favorite devint la sultane, Hürrem Sultan.
Ils eurent un fils, Sélim II.
Ils durent faire face à de nombreuses intrigues de palais et de harem.
Puis Soliman mourut loin de sa chère épouse et loin de sa chère Turquie, en terre hongroise en 1566, à cause des maladies, de l'âge, de la fatigue...
On ramena son corps et Roxelane demeura inconsolable.
Annotations