Je me souviens.

Les cloches des églises de Clermont sonnaient à toute volée.

Appel à la croisade !

Appel à la guerre sainte !

La foule était innombrable et regardait le pape Urbain II traverser la ville d'un pas majestueux, accompagné de sa suite.

Appel à la croisade !

Et le pape s'en allait après avoir convoqué l'Ost au nom du Christ.

Eudes de Chatillon, né à Châtillon-sur-Marne, avait été élu pape par les cardinaux sous le nom d'Urbain II.

Le pape de la Première Croisade !

L'appel du 27 novembre 1095 résonne encore dans les mémoires de ce monde.

Né dans une famille noble de Champagne, Eudes de Chatillon choisit la carrière ecclésiastique.

Très jeune, il se disait appelé au service de Dieu !

Il fut formé comme moine bénédictin, il devint chanoine, archidiacre de Reims puis entra à l'abbaye de Cluny où il termina enfin comme grand prieur.

C'était le temps de la grande réforme du pape Grégoire VII et Eudes de Chatillon fut convoqué à Rome.

Je me souviens.

La foule était si nombreuse qu'on ne pouvait avancer.

Appel à la croisade !

Appel à la guerre sainte !

Les hommes, les femmes, les enfants, tous acclamaient le pape Urbain II qui bénissait la foule avec un sourire bienveillant.

Appel à la croisade !

Et les hommes se croisaient pour partir au secours des frères d'Orient que le pape annonçait en grave danger.

Eudes de Chatillon resta à Rome où il devint cardinal-évêque d'Ostie et conseiller intime du pape Grégoire VII.

Il soutenait la papauté et la réforme grégorienne.

Il soutenait l'Eglise dans sa confrontation avec l'Empereur du Saint-Empire Romain germanique, Henri IV.

Le pouvoir spirituel contre le pouvoir temporel.

Ce fut le temps des antipapes et des synodes où chacun prenait partie, soit pour le pape officiel, Grégoire VII, soit pour l'antipape nommé par l'Empereur Clément III.

Je me souviens.

Les hommes se croisaient en grand nombre et quel que soit leur statut social.

Appel à la croisade !

Appel à la guerre sainte !

Le pape Urbain II voyait fleurir les croix cousues sur les baudriers et les tuniques de lin et approuvait.

Appel à la croisade !

Il fallait défendre les frères d'Orient et délivrer le Tombeau du Christ à Jérusalem.

Eudes de Chatillon fut élu pape sous le nom d'Urbain II.

Il poursuivit la réforme de Grégoire VII et apaisa les conflits entre les Etats et les Eglises, que ce soit en Espagne ou en Angleterre.

Il reprit Rome et en fit chasser l'antipape Clément III.

Ce fut un échec pour l'Empereur d'Allemagne Henri IV.

La papauté et le pouvoir spirituel se retrouvèrent indépendants du pouvoir temporel.

Puis le pape affirma son pouvoir.

Les abbayes furent placées sous son autorité, les rois durent obéir aux serments de leur sacre : maintenir la justice et défendre les faibles pour ne pas être révoqués, la Paix de Dieu et la Trêve de Dieu interdirent les pillages et guerres privées.

Il ne manquait qu'une action d'éclat pour montrer la toute-puissance du pape Urbain II sur l'ensemble des chrétiens.

Je me souviens.

L'empereur byzantin Alexis Ier Comnène avait demandé aux chrétiens d'Occident de venir au secours de leurs frères d'Orient.

Appel à la croisade !

Appel à la guerre sainte !

Le pape Urbain II était venu relayer cette demande en appelant à partir en croisade.

Appel à la croisade !

Il fallait quitter l'Europe pour aller combattre les musulmans.

Le départ de la croisade fut fixé au 15 août 1096.

Adhémar de Monteil, évêque du Puy, en prit la direction spirituelle et Raymond IV de Toulouse le commandement militaire.

Le pape Urbain II parla aussi de l'Espagne et encouragea les chrétiens à s'engager dans la "Reconquista" ou reconquête de l'Espagne occupée par les Maures.

Urbain II a dit :

« De même que les milites d'autres terres ont unanimement résolu de partir à l'aide de l'Église d'Asie et de libérer leurs frères de la tyrannie des Sarrasins, ainsi vous aussi, conformément à nos exhortations, efforcez -vous d'aller secourir l'Église qui est proche de vous contre les assauts des Sarrasins. Dans cette expédition si quelqu'un vient à tomber pour l'amour de Dieu et de ses frères, qu'il ne doute pas s'acquérir ainsi le pardon de ses péchés et la vie éternelle par la grâce miséricordieuse de Dieu. Si l'un d'entre vous a résolu d'aller en Asie, qu'il s'applique plutôt à accomplir son pieux dessein ici. Car ce n'est pas faire merveille que de libérer les Chrétiens des Sarrasins en un endroit, et de les livrer ailleurs à la Tyrannie et à l'oppression sarrasine. »

Cette croisade était surtout une volonté de montrer la puissance de l'Eglise et son émancipation du pouvoir religieux sur les laïcs. Le pouvoir spirituel l'emportait sur le pouvoir temporel.

C'était l'extrème conclusion de la réforme grégorienne.

Urbain II mourut à Rome le 29 juillet 1099, peu après la conquête de la ville de Jérusalem (15 juillet).