Matin
La sonnerie du réveil me sort du sommeil profond. La lumière jaune filtre à travers mes paupières. Je me retourne sur le dos. Je sens dans mon bras une vibration saccadée. J'ouvre enfin mes yeux. Le plafond éclairé projette déjà des publicités pour un shampooing aminciçant. Impossible à passer, évidemment. Complètement, réveillé, j'éteins la puce qui continuait à vibrer. Le programme de la journée apparaît sur l'écran mural de ma chambre. Etabli par l'entreprise qui m'emploie, Futechnics, je remarque que je suis déjà en retard. Mes implants aux genoux commençant à émettre un son strident, je me lève pour le faire arrêter. J'aurais problablement eu la vue embrouillée, si mon auto-correction n'avait déjà remodifié celle-ci. Dans le coin droit de mon champ de vision, le programme de la journée commence à pulser en rouge, pour me faire comprendre que je n'ai bientôt plus le temps de prendre mon petit-déjeuner. Dans le coin gauche, encore des publicités, cette fois pour un hélicoptère portatif, que je n'ai absolument pas les moyens d'acheter. J'enfourne une barre énergétique fade, sensée me faire tenir la matinée. Je sais déjà que dans quelques heures, mon ventre criera famine. Pas le temps de se morfondre, j'enfile ma combinaison moulante. Fournie par Futechnics, elle régule ma température, protège mes implants des tempêtes de sable et des pluies corrosives. Je me brosse les dents distraitement, mon miroir me proposant des opérations de chirurgie esthétique personnalisées. Je mets mon masque à gaz, qui se moule automatiquement sur mon visage. Une odeur préenregistrée de café et de croissant emplit mon nez. Je bipe ma carte d'employé, et ma porte s'ouvre sur un chuintement pneumatique. Le programme sonne joyeusement, indiquant que je suis dans les temps pour aller travailler. Sans ma combinaison et mon masque, je me serais consumé sur-place à cause de la température. Je traverse la route poussièreuse et rouge pour attendre mon transport. L'atmosphère est lourde, l'horizon invisible. Ma rue est un enchaînement interminable de caissons rectangulaires et gris. Fabriqués à la chaîne, ils s'emboîtent comme des briques et peuvent loger des milliers de personnes en un espace limité. Plusieurs voitures autonomes à hydrogène passent, les vitres teintées, soulevant des nuages de poussière. Tentant vainement de calculer combien de siècles il me faudrait pour m'acheter de tels véhicules, je remarque que l'auto-bus est arrivé. Silencieux et électrique, il est déjà surbondé. Je me fraie une place, m'excusant à mi-voix. Personne ne me prête la moindre attention. Ils ont tous le regard dans le vide, regardant des films, des vidéos ou jouant à des jeux. Certains fixent les fenêtres, admirant les faux paysages verts et remplis d'animaux. Après une vingtaine de minutes, d'un silence de plomb, le véhicule s'arrête. Je sors, et face à moi, un immense bâtiment de béton gris se perd dans les nuages verdâtres de l'atmosphère. Je me dirige vers l'entrée, vers un boulot abrutissant, vers un lundi habituel.
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