Chapitre 1
Du feu dans les veines
Ma jeunesse a toujours été peuplée de garçons : les filles m’ennuyaient plus qu’autre chose, avec leurs discussions sur les mecs, leurs sorties shopping et leurs soirées pyjama… à croire que le monde ne pouvait que graviter autour de ces points !
Pour elles, j’étais bizarre. En soi, elles n’avaient peut-être pas vraiment tort. Je m’attardais toujours sur les automobiles, les moteurs, la graisse et l’huile bien crades, sans oublier que je ne traînais qu’avec mon père dans les voitures, à l’époque. À leurs yeux, j’étais un vrai garçon manqué. Leurs centres d’intérêt ont toujours divergé des miens.
Quant aux garçons, ils m’ont toujours considérée comme un très bon pote, et même parfois comme un meilleur ami, mais jamais comme une fille. Je n’étais pas la source de leurs convoitises. Je ne suis pas le genre raffinée, maquillée élégamment et qui passe plus de temps sur son vernis à ongles que sur quoi que ce soit d’autre, obnubilée par ma coiffure et en crise d’hystérie pour un ridicule petit bouton sur le nez ou quelques points noirs.
J’assume fièrement chaque choix que j’ai fait et ne regrette absolument rien, mais il faut bien reconnaître que oui, je suis effectivement différente des autres filles. Ces dernières ne m’ont jamais véritablement porté le moindre intérêt, et je dois bien avouer qu’au fond, ce n’est certainement pas plus mal comme ça, car mon caractère est à des kilomètres de celui de ces bimbos superficielles.
Et pourtant, un beau jour, contrariant mes habitudes, j’ai décidé de me rendre dans une boîte de nuit à l’enseigne éblouissante clignotant de mille feux : le Métropolis. D’ordinaire, le lieu le plus branché que je fréquente est le garage de mon père, et rien d’autre n’attire mon attention !
Sur le parking, immobile et droite comme un i, je fixe l’enseigne avec un air accusateur, malgré la douleur que me provoque l’éclairage : l’angoisse me saisit aux tripes et je fais tout mon possible pour me convaincre de donner une chance à cet endroit.
Finalement, dans un soupir, je détourne mon regard de l’écriteau et observe les alentours. Je suis entièrement seule, et pour me donner du courage, je me concentre sur les voitures garées tout autour de moi, unique chose qui puisse faire envoler toutes mes craintes. Il y a de nombreux modèles, dont certains sont vraiment magnifiques. Je me sens bien mieux, tandis que je repense brièvement à mon rêve de posséder un jour une Ford Mustang en admirant les plus beaux spécimens présents sur le parking.
Ragaillardie, j’ose enfin passer l’entrée de cette fameuse boîte, refusant de me laisser intimider par les deux gorilles qui me toisent de haut en bas.
— Bonsoir, une personne, merci.
Derrière la vitre de son comptoir qui m’évoque un aquarium, la guichetière, qui semble peu ravie d’être à son poste, continue à se limer les ongles sans relever la tête vers moi et grogne :
— Quinze dollars…
Je m’empresse de payer pour ne plus avoir à faire à elle dès que possible. Elle me donne un ticket et m’appose un tampon à encre invisible sur le dos de la main.
Je pousse alors les portes de ce lieu mystérieux, prête à faire le grand saut dans l’inconnu.
Une épaisse fumée me surprend, et je suis prise d’une quinte de toux. Les odeurs de sueur, d’alcool, d’effluves de parfums variés, de cigarette et d’herbe mêlées imprègnent mes vêtements et envahissent mes narines. La musique tambourine dans ma cage thoracique et mon cœur subit de nombreux chocs tant les basses sont présentes et font vibrer le sol ainsi que mon corps entier.
Alors qu’une sensation de nausée m’étreint et que le malaise et l’angoisse que j’ai au fond de moi se rappellent à ma mémoire, je prends mon courage à deux mains et me hâte en direction du bar avec l’intention de commander un verre de rhum. Et ce verre, personne n’a le temps d’en voir la couleur, car je l’engloutis pour m’aider à me détendre.
Un second verre en main, déterminée à en profiter pleinement cette fois-ci, je suis prête à me laisser aller. Je m’ouvre à la découverte d’une ambiance très particulière à laquelle j’étais jusqu’à présent totalement hermétique. Je m’accoutume rapidement à l’endroit dans lequel, à ma plus grande surprise, je me sens extrêmement bien : la musique, qui bat son plein, est de qualité, et la fumée et les lumières me séduisent. Le tout me donne envie de me lâcher et de danser. Des mains trouvent régulièrement le chemin jusqu’à mes fesses, et même si une moitié de moi s’offusque et crie au scandale, la seconde est flattée de pouvoir se sentir femme et d’attiser les désirs des mâles alentour.
Le rose aux joues mais un sourire satisfait sur les lèvres, je monte au premier étage. L’alcool a déjà de l’effet sur moi, et je suis emportée dans le tourbillon de chansons que je ne connais que trop. C’est incontrôlable et irrépressible : j’ondule mon corps sur la piste de danse aux rythmes des mélodies, tel un diable sorti de sa boîte.
Je suis détendue. Je n’ai pas envie de me prendre la tête et d’être responsable, ce soir. Pourtant, dès que des mains se posent sur mes hanches, je m’éloigne en frissonnant. Je ne suis pas intéressée.
La nuit défile à une vitesse hallucinante, et il est déjà tard lorsque je vais au deuxième étage.
Les faisceaux lumineux sont encore plus présents, et la musique techno et électro ravit mes oreilles. Je reconnais plusieurs morceaux de Dimitri Vegas et de Like Mike. Ce style de musique a toujours eu ma préférence, et je commence à me déchainer, sans retenue, inconsciente de la foule qui m’entoure et comme seule dans l’univers.
Cette sensation, habituellement, je la ressens uniquement quand je pense à l’asphalte et à l’odeur de brûlé que dégagent les pneus suite à un drift.
C’est à cet instant précis, alors que je dois très certainement paraître ridicule avec mes bras en l’air et mes mouvements maladroits, que je me fais accoster par un jeune homme très séduisant aux yeux marron et aux cheveux bruns. Il est beau comme un camion : il n’a pas besoin d’en faire des caisses et il en est conscient. Bâti comme une armoire à glace, il est plutôt intimidant. Son impressionnante musculature pourrait faire pâlir Chuck Noris, ses yeux vous transpercent et vous emportent dans un tsunami d’émotions, son assurance vous pousserait à détourner le regard, s’il n’était pas aussi fascinant et agréable à regarder. Une aura mystérieuse semble planer autour de lui et immédiatement, on veut en découvrir davantage sur sa belle personne : qui est-il ? quel métier exerce-t-il ? est-il célibataire ?
Le tatouage qu’il porte fièrement sur son bras droit, en plus d’ajouter au mystère, n’ôte rien à son charme et à son extrême beauté, pour moi qui ai toujours aimé les tatouages et les piercings.
Malgré le niveau sonore de la musique, il me murmure quelque chose à l’oreille en me saisissant par les hanches. Je fronce les sourcils : je n’ai rien entendu. Pourtant, je ne pose aucune question, troublée par son souffle chaud, ne pouvant lui offrir qu’un simple haussement d’épaule en réaction.
À bien y repenser, avec le recul que j’ai désormais, je n’aurais jamais dû accepter de lui offrir mon temps et ma présence. Je ne me serais pas contentée de hausser les épaules. J’aurais pu être plus maline et partir sans demander mon reste, comme je l’avais déjà fait avec tous les autres au fil de la soirée. Mais non, il avait fallu que je succombe à son charme et reste afin de faire plus ample connaissance avec lui, le bellâtre sans nom.
Son nom pour être honnête, je ne l’ai appris que plus tard sur le parking du Métropolis.
Ah, bon sang, que l’amour fait mal… et se le refuser, c’est rejeter la souffrance ! Je l’ai découvert à mes dépens.
J’ai découvert aussi qu’il ne faut jamais sous-estimer une femme qui tente de se persuader qu’elle peut encore séduire et attirer l’attention des hommes : elle pourrait vous surprendre à plus d’un titre !
Ainsi, malgré l’heure tardive, mes pensées vagabondent. Je soupire, résignée : il est l’heure de rentrer. Lentement, perchée sur mes talons, je sors sur le parking, quelque peu chancelante. J’ai bien fait de venir en bus, mais je n’en suis pas plus réjouie de devoir marcher maintenant.
— Princesse, attends ! Je te ramène ? m’interpelle-t-il.
Je ne réponds pas immédiatement. Je reste immobile, à le fixer intensément, deux parties de moi luttant l’une contre l’autre.
« J’ai mal aux pieds, je devrais accepter !
Je le connais à peine, je ne vais pas monter dans sa voiture, c’est peut-être un fou furieux ! »
Las d’attendre ma réponse, il se dirige vers sa voiture. Je change instantanément d’attitude. J’ai des étoiles dans les yeux.
— Une Lamborghini Gallardo, sérieusement, hum… ? J’hallucine !
L’intéressé s’arrête de marcher, son bras toujours tendu vers la portière de son bolide. Il se retourne et hausse les sourcils avec un grand sourire charmeur.
— Eh oui, poulette ! C’est ça la vie ! Alors, j’en déduis que tu montes ? Et je m’appelle Daryl, Daryl Ortega ! s’exclame-t-il en roulant des mécaniques
— Oui… d’accord ! Moi c’est Cécile, ai-je répondu en piquant un fard.
Malgré ma gêne, je ne me fais pas prier plus longtemps et me cale dans le siège passager en cuir. Il fait ronronner le moteur, et mes tripes font des sauts périlleux : ce son est tellement mélodieux à mes oreilles !
Il s’en rend compte et, espiègle, il le fait gronder plus intensément alors qu’une sensation de chaleur monte le long de mes joues : je rougis de plaisir ! On peut ressentir la puissance des chevaux qui se cabrent sous le capot, c’est sensationnel ! Mon père disait souvent qu’il n’y a rien de tel qu’un grondement de moteur pour rendre le sourire, et j’admets volontiers qu’il avait parfaitement raison !
— Accroche-toi ma belle, on va décoller !
Je suis comme emportée : les sensations dans cette voiture sont hallucinantes. Le temps est comme suspendu. Je vis un rêve éveillé. Comment peut-on se sentir aussi bien dans la réalité ? C’est forcément un songe !
Mais tous les rêves ont une fin, n’est-ce pas ? Et j’essaye de me dire que les plus courts sont les meilleurs, comme les blagues, mais c’est très difficile, et j’ai presque les larmes aux yeux lorsque je réalise qu’il est temps de sortir du véhicule. Je me visualise en train de m’agripper de toutes mes forces au siège passager pour ne jamais quitter l’intérieur de cette pure merveille. Et puis, je refuse de l’admettre à ce moment précis, mais je n’ai aucune envie d’écourter ma soirée avec Daryl. Pourtant, nous n’avons pas beaucoup discuté, ni en boîte, ni dans l’habitacle. Nous avons surtout dansé et bu. Comme quoi, il sait faire tourner les têtes !
Avec un petit sourire, je lui fais une bise sur la joue, un peu trop près de ses lèvres à mon goût, car je ripe, encore désorientée par l’alcool, sans toutefois être vraiment saoule.
— À la prochaine, Daryl. Et merci pour cette escapade, dis-je timidement, reconnaissante.
Alors que je pose ma main droite sur la poignée de la portière pour l’ouvrir, ma gauche est retenue par celle de Daryl. J’interromps mon geste et me retourne pour le regarder dans les yeux.
— Tiens, ma belle. Sonne-moi demain.
Il me fait un clin d’œil en se passant une main dans les cheveux, révélant davantage son magnifique tatouage. Perplexe, je fixe le morceau de papier qui est désormais dans ma main tandis que je sors de la voiture, relisant le numéro qui y est inscrit encore et encore. Je le connais déjà par cœur lorsque je déglutis puis demande :
— Euh oui, et je te dis quoi ?
Je suis mal à l’aise, et cela l’amuse. C’est avec un air taquin qu’il me répond.
— T’inquiète pas ma poupée, tu vas trouver !
Il éclate de rire en démarrant la voiture : je n’ai pas le temps de lui annoncer que ce n’est pas dans mes habitudes d’appeler des garçons, et encore moins des inconnus rencontrés en boîte !
Notre rencontre tourne en boucle dans ma tête le reste de la nuit. Et finalement, au petit matin, je prends une grande inspiration pour me donner du courage et compose son numéro. Mon cœur s’accélère et je panique : il a répondu à la première sonnerie et je n’ai pas eu le temps de réfléchir à ce que je vais dire !
— Euh, Salut… C’est Cécile… Comme tu vois j’ai rien à dire, hein. Je sonne pas des mecs tous les quatre matins, moi !
Son rire communicatif résonne dans le combiné.
— Écoute, j’ai des voitures à te montrer, ma beauté ! Je t’ai vue lorgner sur celles du parking de la boîte ! Et puis ce serait l’occasion de faire connaissance pour de bon, non ?
— Ouais, d’accord ! m'écriai-je, faussement sûre de moi.
Ce mec m’intrigue au plus haut point, et pas uniquement pour ses bijoux sur roues. Il m’a observée, avec un réel intérêt. Il ne cherche pas en moi la femme superficielle et sans cervelle. Il a fait jouer la corde sensible en mettant sur le tapis mon amour inconditionnel pour les automobiles en tous genres. Et surtout, il ne me traite pas comme un super pote, mais vraiment comme une femme pour qui il ressent de l’attirance. Ma belle par-là, poupée par-ci… et j’adore ça, même si je ne l’avouerai jamais à quiconque !
— Je passe te prendre à onze heures, sois prête !
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On remercie la sublime, la merveilleuse, l’incroyable, la sensationnelle, la talentueuse, @je suis une loutre@. pour sa collaboration
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