Chapitre 3 - Troublante Illusion
Aiden, épuisé et meurtri, luttait pour repousser l'agonie qui étreignait son corps affaibli. La forêt, témoin silencieux de la danse mortelle qui s'était déroulée un instant auparavant, semblait se refermer sur lui, créant une atmosphère lourde et chargée. La démone avait choisi de le laisser en vie, du moins pour l'instant. Malgré la douleur et la confusion, il percevait une mince opportunité de quitter cette forêt maudite dans laquelle il s'était aventuré par un défi insensé entre amis.
Les souvenirs du défi tournoyaient dans son esprit comme des spectres du passé, accentuant le poids de la culpabilité. Il se reprochait chaque décision qui l'avait conduit à ce moment précis, chaque choix qui l'avait éloigné du sentier de la sécurité. La forêt, qui l'avait autrefois attiré, était maintenant le théâtre d'une réalité cauchemardesque, animée de présences invisibles et malfaisantes. Chaque bruissement de feuille, chaque craquement de branche prenait une signification sinistre à ses oreilles.
Son défi insensé l'avait conduit à s'aventurer dans une forêt interdite, où peu de personnes croyaient encore en la rumeur d'un démon à l'allure de femme. Un interdit avait été instauré après des témoignages et des traques infructueuses. Ses amis n'avaient pas eu le courage de le suivre dans cette escapade. Il était seul, perdu dans cette forêt hantée par une créature diabolique.
A bout, il s'efforçait de rester debout, ignorant la douleur qui pulsait dans chaque fibre de son être. La faim le tiraillait, mais l'idée de se nourrir de la viande crue du loup était tout aussi dérangeante que les ombres qui se glissaient entre les arbres.
Un grondement sourd émanant de son estomac le tira brusquement de la torpeur qui avait suivi son égarement. Depuis son errance, il n'avait rien trouvé pour apaiser sa faim persistante. Ses doigts explorèrent fébrilement ses poches, confirmant avec soulagement la présence de sa dague et de son briquet à essence.
Il entreprit de faire rouler la molette du briquet, libérant les vapeurs inflammables avec l'espoir qu'il ne lui fasse pas défaut. Fort heureusement, l'objet fonctionnait encore. Scrutant autour de lui, il se donna la peine de rassembler laborieusement plusieurs branches afin de préparer un modeste feu de camp. La viande de loup, obtenue aisément, allait devenir son repas du moment, bien que dépecer une telle bête ne soit pas une tâche aisée dans son état actuel.
Son soulagement fut cependant de courte durée. Au moment d'embraser les branchages, il réalisa que la tâche serait plus ardue que prévu. Le bois ne faisait que mousser en raison de la trop grande humidité emprisonnée à l'intérieur. Aiden, conscient de la nécessité d'économiser son briquet, persista dans ses efforts. Mais le feu, obstinément récalcitrant, refusait toujours de briller dans cet environnement humide.
N'ayant d'autres choix, il se résigna à la manger telle quelle, chaque bouchée ravivant le souvenir de la lutte entre la démone et l'alpha. Ses dents s'enfoncèrent dans la viande, une expérience à la fois nécessaire et indéniablement repoussante. Les frissons dus au froid et à l'anémie persistaient, et la douleur lancinante de sa blessure accompagnait chaque mouvement. Aiden luttait avec son repas. Les larmes lui montèrent aux yeux ; l'odeur, le goût, et la chaleur encore présente de l'animal fraîchement tué lui inspirait un dégoût si puissant qu'il avait envie de vomir. Il se décida même à découper plusieurs autres morceaux qu'il dévora, toujours réticent face aux sensations que son repas lui procurait.
Enfin repu, l'épuisement le submergea, ses forces s'épuisaient. Bien que conscient du danger qui l'entourait, il s'assit, dos contre le tronc du plus proche arbre qu'il put trouver, et ferma les yeux sans même s'en rendre compte, plongeant dans un sommeil aussi profond que ses songes furent agités.
Une pièce luxueuse se matérialisa, baignée dans une lumière chaleureuse. Les ombres dansaient sur les murs, créant une atmosphère sensuelle et envoûtante.
Au centre de la pièce, la démone aux longs cheveux noirs apparut, ses mouvements fluides invitant à la tentation.
Le désir s'empara de lui alors qu'il observait la femme évoluer gracieusement dans cette scène onirique. Ses courbes sublimes semblaient être une invitation à l'érotisme, et chaque regard échangé intensifiait ce sentiment. Une chaleur sensuelle flottait dans l'air, amplifiant les battements de cœur d'Aiden.
Cependant, une nuance d'ombre s'insinua dans le tableau, transformant la danse en un mystère déroutant. Cette femme, autrefois objet de ses désirs, préservait son charme séduisant, mais une lueur démoniaque émanait de ses yeux. Les bougies, autrefois témoins d'une séduction enivrante, projetaient maintenant des ombres énigmatiques, suggérant une duplicité cachée.
Le désir initial se mua en une tension palpable. Les murmures suggestifs se transformèrent en chuchotements inquiétants. Aiden se retrouva pris dans un étau d'émotions contradictoires, déchiré entre l'attraction magnétique envers cet être et l'inquiétude face à sa nature démoniaque.
Le rêve se transforma en un tableau malaisant, où chaque étreinte passionnée était imprégnée d'une aura démoniaque troublante.
Il s'éveilla en sursaut, son cœur battant la chamade, hanté par les vestiges troublants de ce rêve qui avait brouillé la frontière entre le désir et la peur. La pleine lune projetait à présent son éclat à travers les feuilles, révélant deux yeux fixés sur lui. La silhouette familière de la démone se dessinait dans l'ombre devant lui.
Un frisson parcourut le jeune homme, le poussant à se relever pour faire face à cette vision nocturne. Cependant, la douleur implacable qui martelait sa tête le stoppa dans sa lancée, le forçant à retomber au sol dans une impuissance totale en se tenant sa tête entre les mains. La faiblesse l'envahissait, son corps réclamant le repos. L'angoisse persistante se mêlait à une soif épouvantable.
"Lève-toi, humain."
Le son de la voix de la démone, aussi enchanteur soit-il, laissait transparaître son mépris le plus total. Le jeune homme rouvrit péniblement les yeux pour découvrir que celle-ci s'était approchée, si bien que leurs visages n'étaient à présent qu'à quelques centimètres l'un de l'autre. Son visage d'une beauté captivante. Ses yeux d'émeraude brillaient d'une lueur mystérieuse à la lueur de la lune, son nez finement sculpté et ses lèvres charnues la rendaient presque indécente à dévisager.
"Humain," répéta-t-elle, "Tu ne peux pas rester ici. La nuit est encore plus dangereuse. Je ne souhaite pas ta mort ce soir."
Sa présence, bien que... apaisante ? Portait également un poids insaisissable. Aiden ressentait le tiraillement entre la terreur et la méfiance envers cette créature énigmatique. Hana s'accroupit à ses côtés, ses mains étrangement douces touchant son front brûlant.
"Tu es plutôt résistant pour un simple humain," dit-elle, son regard plongé dans le sien. "Mais ne te trompe pas. Ce n'est pas par bienveillance que je te dis ça. Ta survie m'importe peu, mais ton agonie serait trop rapide. Lève-toi."
Tiraillé entre sa méfiance envers le démon et le besoin d'aide, Aiden prit appui sur ses bras tremblants et se redressa lentement. La forêt, toujours imprégnée de mystères, semblait réagir à la présence conjointe de ces deux êtres que tout opposait.
Hana l'observa avec une indifférence déroutante. Bien qu'elle n'éprouvait aucun sentiment positif envers lui, elle lui indiqua le chemin du ruisseau d'un geste impérieux. La lueur de la lune révélait la démone dans toute sa splendeur ténébreuse, ses cheveux noirs cascadaient autour de son corps nu, accentuant son aura mystique. Ensemble, dans le silence de la nuit, ils s'enfoncèrent lentement plus profondément dans les ténèbres des bois.
L'homme, chancelant, mais guidé par la démarche enchanteresse de par la grâce féline de la démone, la suivit à travers les arbres, les racines végétales manquèrent de le faire s'écrouler à de nombreuses reprises. Le murmure du ruisseau grandissait à mesure qu'ils s'approchaient. Hana s'agenouilla au bord de l'eau dont la clarté de la lune s'y reflétait. Ses mains délicates puisèrent de l'eau qu'elle lui présenta.
"Bois." ordonna-t-elle d'une voix froide, mais la douceur de l'acte trahissait malgré tout une certaine ambiguïté. Les lèvres d'Aiden touchèrent l'eau fraîche, apaisant sa soif dévorante.
Relevant la tête, il observa Hana remettre ses vêtements qu'elle semblait avoir lavé et fais sécher, pendu à une branche. Le tissu s'ajustait à sa silhouette gracieuse, mais aucun sentiment chaleureux n'émanait de ses yeux. Son regard était tout simplement indéchiffrable. C'était le même regard qu'abordaient les animaux sauvages, profond et insondable. Ses songes lui revinrent soudainement à l'esprit, il secoua sa tête, ravivant davantage ses douleurs. Ce n'était pas le moment de divaguer, et pourtant, chaque fois qu'il posait les yeux sur le prédateur, la vision de celle-ci lui souriant et l'invitant à la serrer délicieusement dans ses bras se mêlait à la réalité. Sûrement étais-ce le résultat de sa fièvre, pensa-t-il.
"Nous devons continuer," annonça Hana, se relevant avec une fluidité féline après qu'elle eut terminé d'enfiler ses bottines.
Elle s'éloigna, Aiden la suivant en silence. Chaque pas dans la forêt résonnait d'une symphonie de murmures, comme si les arbres eux-mêmes commentaient leur passage. Leurs chemins s'entrelaçaient entre les ombres, Hana marchant avec assurance sans se retourner, Aiden tentant de la suivre malgré ses jambes faiblissantes. La démone, même dans sa froideur évidente, lui avait offert une chance de prolonger son agonie.
La question persistait dans l'esprit tourmenté de l'homme : Pour quelle raison tenait-elle à repousser sa mise à mort ?
Après de longues minutes de marches qui semblaient avoir été des heures, la jeune femme se retourna enfin vers lui, le scrutant de la tête au pied sans bouger avant de soupirer lourdement.
"C'est mon territoire. Aucun prédateur ne s'en approche. Maintenant dors avant que je ne change d'avis, et ne me réveille pas, j'ai horreur d'être dérangée pendant mon repos."
Elle marqua une pause et s'éloigna de quelques pas.
"Et n'essaie pas de t'enfuir, l'humain. Dans ton état, c'est surprenant que tu aies survécu déjà une nuit," reprit-elle d'un ton faussement amusé, avant de disparaître dans le amas de branchages d'un buisson dont l'espace pour s'y faufiler était tout juste assez large pour elle. Aiden haussa un sourcil en constatant cela, mais il ne voulut pas se risquer à éveiller la colère de la démone en empiétant davantage qu'elle ne l'avait autorisé dans son territoire. Il choisit donc de l'écouter pour l'instant et s'allongea sur le dos à même le sol.
Etendu sur le sol humide, il fixait le ciel étoilé à travers les branches. Les murmures de la nature nocturne berçaient ses pensées tumultueuses. La présence de la démone, même éloignée dans le buisson, éloignait le sentiment permanent de solitude qu'il ressentait depuis qu'il s'était égaré l'avant-veille.
Épuisé, le jeune homme tenta de faire abstraction de la douleur lancinante qui pulsait à travers son corps meurtri. Les événements de la soirée tournaient en boucle dans sa tête, créant un labyrinthe de regrets et de questions sans réponses. La lueur mystérieuse dans les yeux de la démone, son offre ambiguë de sursit, tout cela s'ajoutait à l'incompréhension de la situation.
Le sommeil, bien que fuyant, finit par l'emporter sur Aiden. Ses paupières se fermèrent lentement, plongeant son esprit dans un monde onirique où les frontières entre réalité et illusion s'estompaient.
" Soudain, l'atmosphère changea. Le paysage autour de lui se métamorphosa, évoquant une scène surréaliste. Une clairière baignée dans une lueur argentée se matérialisa, les contours flous conférant au lieu une aura de mystère. Au centre de la clairière, Hana émergea des ténèbres, ses yeux d'émeraude éclatant d'une lueur hypnotique.
La démone s'avança avec grâce, laissant derrière elle des ombres envoûtantes qui dansaient dans son sillage. Aiden se leva lentement, hypnotisé par la scène qui se déroulait devant lui. La tension palpable entre eux ne pouvait être ignorée, une connexion étrange mêlant la fascination à la méfiance.
Hana, d'une voix envoûtante, rompit le silence qui enveloppait la clairière.
"Tu es dans mon monde, humain. Un monde où les règles sont dictées par les ombres et les désirs inavoués." Ses yeux brillaient d'une lueur malicieuse. "Que cherches-tu ici, perdu entre les songes et la réalité ?"
Aiden se sentit tiré vers elle, happé par une force magnétique. Ses propres pensées semblaient étrangement transparentes, exposées aux yeux scrutateurs de la démone.
"Je ne sais pas... Je ne sais plus. Qui est-tu vraiment ?" demanda-t-il, ses propres mots résonnant étrangement dans l'atmosphère onirique.
Hana esquissa un sourire énigmatique.
"Je suis celle qui hante tes nuits, le reflet de tes désirs et de tes craintes les plus profonds. Ton existence est une danse entre les ténèbres et la lumière, et je suis la compagne de cette valse."
La clairière se teinta d'une lueur rougeoyante, accentuant la dualité qui caractérisait leur interaction. Le rêve semblait glisser entre les doigts d'Aiden, échappant à tout contrôle.
"Pourquoi me laisses-tu survivre ?" interrogea-t-il, sa voix révélant une vulnérabilité qu'il peinait à dissimuler.
Hana s'approcha, encerclant Aiden d'un regard perçant.
"Il semblerait que cette bouche ne serve qu'à dire des choses étranges humain. Tu n'es rien de plus qu'un divertissement à mes yeux."
Avant qu'il ne puisse formuler une réponse, l'environnement onirique vacilla, se fondant à nouveau dans l'obscurité de la forêt réelle. Aiden s'éveilla en sursaut, laissant derrière lui les échos d'un rêve qui résistait à l'oubli. La silhouette de Hana accroupie à ses côtés lui provoqua un second sursaut. Les yeux perçants de celle-ci l'observaient comme s'il n'était rien de plus qu'une créature insignifiante. Cependant, derrière cette façade glaciale, quelque chose semblait s'éveiller, un intérêt furtif qui suscita un frisson d'appréhension dans l'échine d'Aiden. La démone se leva, et sans un mot, elle se mit à marcher en direction de l'épaisse obscurité de la forêt, laissant le jeune homme perplexe et désemparé.
"Viens, humain," ordonna-t-elle sans se retourner, laissant flotter ses paroles dans l'air nocturne.
Tiraillé entre l'instinct de fuir et la curiosité incontrôlable qui s'éveillait en lui, il se leva avec moins de difficulté en comparaison des heures précédentes et la suivit. La forêt s'étendait devant eux comme un labyrinthe mystique, chaque pas les enfonçant davantage dans les méandres de l'inconnu.
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