L'annonce
— Mina, quand tu auras fini de préparer les feuilles de Manioc, il faut que tu ailles voir Pa. Il t’attend près de l’enclos à moutons.
— Oui, Ma, je vais le voir au plus vite.
Je n’aime pas du tout ça, ce n’est jamais bon signe quand le patriarche de notre village demande à nous voir. Même si Ma est sa première épouse, ça ne veut pas dire que nous sommes privilégiées. Au contraire, souvent, il nous faut montrer l’exemple. Je termine donc rapidement ma préparation et je réarrange mon boubou pour bien me couvrir la tête. Je traverse ensuite le village, les yeux baissés pour n’offenser personne, jusqu’à l’enclos devant lequel Pa est assis. Il ne lève pas les yeux quand je m’approche mais il sait que c’est moi qui suis là.
— Mina, j’ai discuté avec ta mère. Elle m’a dit que cela faisait quatre étés que tu étais une femme. Il est donc grand temps de te marier avant que tu ne sois flétrie. J’ai choisi ton mari et il est d’accord pour nous payer la dot. Il est très honoré que nous l’ayons choisi pour toi. Demande à ta mère de te préparer, la cérémonie aura lieu dans dix jours, lors de la nouvelle lune.
Je reste un instant interloquée devant son annonce. Ce n’est pas inhabituel que de tels mariages soient organisés mais là, tout cela me semble précipité.
— Pa, je peux te poser une question ? demandé-je humblement.
Il ne me répond que par un grognement que je prends pour un accord et je n’hésite que peu avant de me lancer. Bientôt, je ne serai plus sous son autorité, je n’ai plus grand-chose à perdre.
— Puis-je savoir qui est mon mari ?
— Bien sûr, c’est Mamadou le Barbu. Tu verras, ses autres épouses ne se sont jamais plaintes de lui. Tu seras heureuse dans son foyer.
— Merci Pa. Dieu te bénisse.
— Et toi aussi, Mina. Dieu te bénisse, dit-il de sa voix grave et puissante qui sonne là comme la conclusion de mon arrêt de mort.
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