Paris, deux ans plus tard
Je regarde le courrier qui vient d’arriver de la Préfecture. Je n’ose pas l’ouvrir même si je sais déjà ce qu’il contient, mon avocat m’a prévenue. Je n’arrive pas à franchir ce dernier pas parce que j’ai un peu l’impression que ça annonce la fin du voyage. Suis-je prête à laisser de côté tous ces visages qui m’ont accompagnée depuis mon départ du village ? Suis-je prête à tourner la page ?
Partir comme je l’ai fait, je ne suis pas sûre que je le referais. Je regrette tellement de choses. Le silence de ma famille d’abord. J’ai réussi à les prévenir que j’étais en vie et en France, mais jamais personne ne m’a répondu. Ensuite, il y a l’absence de Jojo. Il devrait être là, à mes côtés plutôt qu’en train de pourrir au fond de l’eau. Je me suis rapproché d’un collectif de bénévoles et nous avons organisé une petite cérémonie pour lui. Cela m’a beaucoup aidée à tourner la page, mais il me manque. Je pense qu’on aurait pu former un beau couple, tous les deux. Hélas, la mer en a décidé autrement.
Je soupire et me dis qu’il est temps désormais de prendre un nouveau départ. J’ai été reconnue comme réfugiée, il faut que j’en profite pour vivre la vie que je m’étais promise. L’année prochaine, j’irai à la fac pour étudier le droit. Dans quelques années, je me le promets, je deviendrai avocate. Et j’aiderai les autres pour que le malheur ne les submerge pas comme il m’a submergée. Partir à nouveau dans cette direction, il le faut, je dois être courageuse. Les risques sont moindres que la dernière fois que j’ai décidé de me mettre en mouvement, mais je sais que le voyage me fera changer tout autant. Avec Jojo qui veille sur moi où qu’il soit, je peux y arriver. Je vais y arriver.
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