La Cabane aux oiseaux
Hey viens tu sais c’est normal d’avoir peur. Enfin je crois…
Je dois sûrement être mal placée pour te parler, parce que j’ai littéralement passé ma vie entière à m’en vouloir d’avoir peur, à m’énerver contre moi-même d’être ce que je suis, c’est à dire une gamine terrorisée et perdue - entre tant d’autres choses.
Maintenant je te vois, je veux dire, je te vois vraiment. Je laisse pas juste passer mes yeux sur toi comme si tu étais rien de plus qu’un vulgaire détail d’un monde dont je refuse formellement de prendre partie. Enfin, j’essaie. Tu comprendras je crois. C’est si compliqué de regarder quelqu’un quand on tremble soi-même de peur. Du coup on trouve toujours des techniques. On regarde de dos, on regarde à la dérobée ou bien quand on sait pertinemment qu’on ne sera pas vu à regarder. J’ai personnellement un coup de coeur pour la technique du reflet dans les vitres ou bien observer le jeu des ombres sur le bitume si tu veux tout savoir.
Je te regarde de loin comme une enfant qui se cacherait les yeux devant un film d’horreur. J’ai peur de toi et peur de te connaître et peur de te connaître, alors je m’invente des rencontres à distance, des que tu ne peux pas voir, des qui ne permette pas que tu te rendes compte que j’existe. Et, j’écoute tout le monde parler de toi, me raconter qui tu es.
Finalement, je t’apprends de loin, je te découvre en ombres chinoises, je te lis en braille, je te rencontre en filigrane, tu sais, comme lorsqu’on écrit trop fort sur un cahier, et que la page suivante en est marquée.
À force de te rencontrer à demi, comme à caresser a table par les trous de la nappe en dentelle, j’en suis arrivée à la conclusion qui me terrifie un peu de me dire qu’on se ressemble plus que je ne voudrais le croire, toi et moi ; et que de te regarder dans un miroir.
Je crois que je vais rester dans le déni encore un peu. Je veux dire, ça me fait mal de croire que quelqu’un puisse être aussi brisé que moi… Et ça me rend vraiment triste que ce soit toi.
Je voulais juste te dire, que si on est toi et moi, marqués des mêmes cicatrices en forme de sourire-croissant-de-lune et des mêmes pansements maladroits parce que c’est si compliqué de panser ses plaies tout seul mais qu’il faut bien cacher ses béances et ses blessures, et ses fissures ouvertes… Si toi et moi on se ressemble et plus que je ne veux le croire…
Alors sens toi libre de venir ici quand tu veux. Ici c’est chez moi, c’est mon petit univers portatif, mon infini matériel, tu n’as qu’à considérer que c’est un peu comme chez toi aussi.
C’est mon jardin secret, c’est ma cabane dans les arbres. Je sais qu’elle paraît bancale, et à tout te dire, elle l’est réellement. Je l’ai construite avec les moyens du bord tu vois, bouts de ficelle, et morceaux de tôle froissée, mines de crayons, pelures de gomme, piles de livre… On fait avec les moyens du bord, j’ai pas des trésors de richesses tu vois. C’est collé comme j’ai pu - les murs sont de travers et le plafond se casse la gueule.
Je fais tenir ça à l’imagination. Avec des rêves aussi. C’est pas des plus stables, mais c’est plus solide qu’on ne croit comme piliers. - j’ai fait de mon mieux, promis… -
C’est un peu haut par contre. Faut pas avoir peur de l’altitude. J’aime prendre de la hauteur pour me sentir plus petite, et remettre les choses en perspective. Et, puis entre nous, je suis persuadée que les nuages ont le même goût que la barbe à papa - le sucre qui colle aux doigts et tout autour de la bouche et qu’on s’en met partout comme si on avait jamais su manger.
En entrant, sur ta droite, il y a une bibliothèque. Elle est remplie de livres à ras bord. Ca déborde et ça s’entasse. N’aies pas peur de les empiler de faire des tours de Pise en système D, ça donne du charme aux lieux, ça leur permet de vivre. Si tu passes le doigt sur leurs reliures tu verras des univers entiers se dessiner en transparence, comme un bal de fantômes - peut-être qu’à tendre l’oreille tu pourras entendre l’air rémanent de leur valse ?
Enfin, peu importe. Dans tous ces livres patiemment collectionnés. Prends le temps de les fouiller je te prie, comme un adolescent pirate. Y a tellement de trésors à y trouver. Et pas juste l’odeur de l’encre sur la page, cette odeur enivrante qui m’a kidnappé quand mes dents de lait avait tout juste commencé de tomber. Eh oui Monsieur ! On a de tout ici ! Poésie, théâtre, S-F et fantasy, on oublie pas nos classiques et nos Ovnis. Baudelaire, Hugo, Küpfer, Bérimont, de Kerangal, Mafi, Malzieu, Nerval, Anouilh, Zola, Riordan, Al Saadi, Musso, Blackman, Ronsard, Musset, Perrignon, Aufort, Ishida…
Tu trouveras ton bonheur je suis sûre.
Mais laisse les vivre je t’en prie. Montre leur le monde, la pluie, la neige, le soleil. Et puis griffonne les (mais au crayon seulement, les stylos manquent de respect), et puis tu peux prendre les surligneurs, pour garder en lumière tous tes passages préférés, ceux qui t’ont touché, marqué…
T’sais je suis persuadée qu’on a rien de plus précieux que les livres, comme si j’étais une vieille bibliothécaire, avec sa passion toute assumée pour enguirlander les gosses qui font trop de bruits. Plus sérieusement, les livres c’est comme des petites bulles d’oxygène, surtout quand on arrive pas ou plus à verbaliser tout ce qui s’agite au fond de nous.
Dans ce meuble, je range de quoi se sustenter : amandes, biscottes, bonbons au miel, chocolats au caramel, gâteaux secs et liqueur d’anges.
Tu peux t’asseoir sur les escaliers pour réfléchir si tu as envie. Où juste si tes jambes tremblent trop et que tu as peur de tomber.
Le trop plein de fenêtres c’est pour le monde en permanence, et puis observer le ciel. Pour pas se sentir enfermés, aussi. C’est un perchoir, pas une cage. La différence se trouve dans la sensation de liberté dans la poitrine, comme si des oiseaux pouvaient s’envoler à tout moment.
L’armoire là-bas, est pleine de costumes à ne plus pouvoir en contenir, y a quelques tubes de maquillage aussi. Sens toi libre de jouer avec cela va de soit. Certains t’iront trop grands, bien sûr, et d’autres te collent à la peau à t’en étouffer. Mais amuse toi avec.
Disons qu’il s’agit d’improviser. On sait ce que c’est tous les deux, cette sensation dans le ventre, qui prend le bide en entier, s’éclate à jouer au casse-tête avec tes tripes. On pourrait appeler ça l’adrénaline, “la drogue la plus formidable qui existe”. On la connait cette addiction à l’incertitude, à la magie de voir une histoire naître et battre, et se battre et vivre et la regarder avancer en étant rien d’autre qu’un vulgaire engrenage de la machine.
Et puis as you know c’est merveilleux aussi la sensation d’être ailleurs, de participer à une éternité éphémère… Et puis, toi comme moi, parfois on a juste besoin d’être quelqu’un d’autre, quelqu’un qu’on est pas. Se la jouer Grande Évasion de sa propre chaire, réfuter la carte d’identité, aller jusqu’à nier son prénom même.
Parce que parfois -souvent- ça fait juste trop mal d’être qui on est vraiment. Mais comment on fait au juste quand on est soi-même notre raison d’être triste ?
Mets toi devant le miroir et fais tes plus belles grimaces, tes plus belles voix modifiées, c’est pas très cher comme déguisement.
Si tu fouille un peu tu trouveras sûrement des peaux de personnages. Je les aies toutes créé avec soins, cousues, avec patience, tissées de mots, écrites dans les moindres détails. Tu me diras ce que tu en penses.
Aussi il arrive que j’oublie de les ranger dans leurs boîtes, sotte que je suis, alors peut-être, tu tomberas sur mes masques de chairs, les morceaux de rôles que je joue au monde, parce que c’est tellement plus simple de se cacher, de faire croire à la timide, à la garce qui déteste tout le monde. C’est souvent moins que de leur laisser tous voir qui je suis vraiment, comme une vulgaire statue sur la place publique… Enfin, j’espère sincèrement être plus au profond de moi que ces figures de cire qui me collent à la peau…
Bien sûr, à te promener dans la cabane tu tomberas sur toutes les lanternes accrochées un peu partout. C’est pour éloigner le noir. J’aime bien leurs airs de vieilles flammes qui se refusent à mourir, tu vois. Puis c’est sans compter que les lanternes sont bien plus poétiques que les lampes halogènes.
Si tu cherches mes cahiers, ils sont rangés dans la table de nuit. Tu feras attention s’il te plaît, ils sont comme mon cœur : très abimés par le vécu. Y a des taches d'encres et de pluie, des pages déchirés ou cornées, des ratures à ne plus pouvoir, des reliures qui se disloquent, rafistolées au ruban adhésif comme bandages de secours.
Et puis fais gaffe à ce que tu trouveras entre les lignes, tous ces mots c’est moi. Bien plus d’ailleurs je le crains que ces os et ces muscles stupide que je dois me trimballer pour me laisser voir au monde. T’es tu demandé au moins une fois qui j’étais, qui je suis, avant de tenter de lire ces stupides cahiers que je trimballe partout comme des peluches ou des boucliers ?
Tu peux prendre place sur les coussins que j’ai placé au centre du parquet du salon. Mais par pitié, ne fais pas attention aux traces de larmes et de sang. Tu sais tout comme moi que c’est ce qui arrive aux gens qui débordent. Enfin je crois que tu sais…
Bien entendu, tu as toute la liberté que tu veux de m’emprunter du matos : pastels, crayons, stylos, plumes, pinceaux, acrylique et gouache, feutres, fusains, aquarelle. Acquites toi de tout, parce que cet endroit est fait pour ça. Pour s’exprimer, pour se montrer, pas juste comme une cabane-île-déserte pour se cacher.
Et tant qu’on y est, c’est pas grave si tu écris sur les murs ou si tu tâches le sol.
Bien au contraire. J’ai une amitié profonde pour toutes les marques de peinture et toutes les traces d’encres. Elles marquent la vie, elles racontent des histoires, il ne faut pas en avoir peur ou les éviter bien au contraire, c’est des richesses qu’on vole au destin comme des adolescents pirates.
De la même façon, si tu regardes, il y a des stickers d’étoiles fluorescentes collés au plafond, comme ceux qu’on met dans les chambres de gamins. C’est un rappel. Il ne faut pas grandir, jamais. Les enfants se bercent de trop d’illusions et de contes de fées dénués de sens. Mais les adultes sont des vieux cons qui ne savent même plus ce que ça fait de se sentir rêver. Faut rester entre les deux. Mélanger rêves et désillusions, avoir un regard réaliste qui continue de s’émerveiller de tout, et puis de voir des fables dans les motifs aléatoires du papier peint.
Là-bas, ce que tu vois c’est une vieille radio. Il y a toujours besoin de musique peu importe où on est. Alors allez viens danser avec moi, pieds nus, seuls comme si le monde entier n’avait jamais existé. On pourra pas se foutre d’eux éternellement, mais au moins soyons heureux pour cinq minutes et dansons comme si nous avions le feu des enfers à nos trousses, quitte à se dévêtir des vêtements, des foulards, des gilets qui nous tiennent trop chaud et puis nous encombrent. Et puis tu verras juste comme ça fait tellement trop de bien…
D’ailleurs si ça t’intéresse, j’ai toujours rêvé de danser un slow sur du rock.
Enfin, voici la terrasse-balcon-de-cabane-dans-les-arbres. Je voulais absolument construire ça tu vois, cette passerelle entre moi, mon monde, et le vide du reste du monde tout entier.
Y a pas de rambardes, ni de garde-fou (je crois sincèrement qu’on nous garde déj trop de toute façon). Je voulais rien pour m’empêcher de tomber, parce que avec ou sans protections, je suis le genre de gamine qui se casse la gueule.
Ce morceau de cabane extérieur est sans douter mon endroit préféré. Le télescope posé là-bas au bout permet de regarder le monde de loin, avec toute la distance nécessaire sur tout ce qui te fait peur.
Et puis d’ici, on a la meilleur vue sur le ciel. Regarde bien comme y a rien de plus beau qu’un ciel crépusculaire qui se maquille de toutes les teintes de couleurs chaudes, comme le Soleil rougeoie de ses dernières lueurs. Regarde comme il n’y a rien de plus magique qu’un ciel qui commence tout juste d’embraser la Nuit et qui pour l’occasion se pare de bleus nuancés, de mauves pâles et lumineux, de roses et de rouges qui dansent. Profite-en, va cherches des feuilles, de l’aquarelle ou tout ce qui sera utile pour mettre de la couleur. C’est une vue magnifique qu’il nous faut à tout prix graver. Et puis observe si il n’y a pas rien de plus sublime qu’un ciel qui jouent à cache-cache et où la Lune se meut comme une vieille balançoire millénaire.
J’ai toujours été amoureuse du Ciel et des étoiles si tu veux tout savoir. Je pourrais passer des heures entières à les observer, sans raisons.
J’en ai fini par me persuader que j’étais l’enfant illégitime du Ciel, tu sais, comme dans cette vieille berceuse.
On pourrait venir se poser tous les deux sur cette plateforme de cabane histoire d’observer le ciel. On se prendrait un chocolat chaud - chantilly ou un diabolo grenadine ou je sais pas trop moi, une boisson qui donne envie de se siroter lentement.
On aurait juste à s’asseoir, les jambes dans le vide, même pas besoin de se regarder, juste fixer le firmament et puis parler comme on a jamais osé auparavant. Parler comme j’écris…
T’sais quitte à être honnête, je viens souvent me poser ici, seule en cachette, histoire de discuter avec des personnes qui ne sont même pas là. Je m’invente des babillages imaginaires avec des gens qui ne sont pas présents, qui ne savent même pas tout ce que je leur dis en cachette ou combien je meurs d’envie de leur parler.
Je leur offre tous ces mots, toutes ces pensées que j’ai patiemment cultivé dans les jardinières de ma cabane secrète, arrosé en silence parce que j’avais toute la liberté de les voir s’épanouir à demi, à demi quand même, parce qu’il ne l’apprendront jamais. Parce que je leur donne mes grands traits d’esprits, mon regard d’artiste - gamine perdue que je porte sur le monde et ses vérités, et puis tout ce que j’ai bien pu comprendre avec le temps qu’on a pour réfléchir quand on est seule. Je leur donne et pourtant je continue de les garder sans que jamais ils ne les possèdent.
Peut-être bien que si c’est toi, que si c’est toi et que tu es comme moi, je suis okay pour partager. Je veux dire pas d’autres discussions imaginaires (même si tu es à n’en pas douter parmi - si ce n’est - les meilleures que je n’ai jamais eu). Non. Des discussions bien réelles, avec des mots et des phrases et nous deux qui parlons comme jamais.
Allez je suis sûre que tu as toutes ces choses que tu ne dis pas, que tu n’as jamais dites, que n'oseras jamais dire. Je sais comment ça fait mal, combien c’est lourd et de quelle manière ça encombre. On est de la même veine, toi et moi, toujours à jouer les geôliers despotiques pour des mots et des phrases et des idées qui ne demandent rien d’autre que la liberté d’exister et de sortir, et de vivre à l’air libre, de ne plus suffoquer du CO2 rance qui traîne dans le fond de nos poumons.
On pourra parler de tout, tu sais ? J’ai jamais vraiment aimé parler, je veux dire… Pour moi parler c’est toujours une épreuve, un défi. Je sais pas pourquoi les gens ont toujours l’air de croire que je m’exprime bien quand on omet mon talent particulier pour trébucher sur les monosyllabes. La vérité entre nous deux, j’ai toujours détesté parler parce que je me sens comme un tigre dans un magasin de babiole. Comme une funambule ivre qui s’est assise sur sa corde et joue avec une paire de ciseaux.
C’est vraiment un truc qui me terrorise parce que je sais jamais comment dire, comment le faire, je suis plus à l’aise, à l’écrit, derrière mes claviers et toutes mes jolies encres et puis mes pages et mes feuilles raturées. Je suis une fille d’écrit, une fille de mots qu’on peut lire. Dès que je tente de parler je bégaie et je tremble et les gens me regardent tous avec cet aire de pitié comme s'ils avaient peur que je me casse la gueule sur la prochaine virgule, que je rende l’âme à la phrase suivante. Sans compter que parler, c’est pas avoir le temps. Je dois te paraître ridicule à me plaindre du manque de temps quand on parle, surtout que les gens se plaignent toujours que je parle trop vite. Mais pourtant, si je parle vite c’est parce que je m’ennuie ou bien parce que j’ai cette peur panique que mes pensées s’enfuient. Mais l’oral c’est toujours si rapide et si compliqué et on a pas le temps de s’organiser, et puis si on se trompe on peut même pas raturer. Je suis définitivement une fille d’écrit je crois…
Et puis, je serai prête à parier qu’on a exactement la même peur tous les deux. Je n’en suis pas sûre évidemment, mais ça ne m’étonnerait pas le moins du monde. Parce que si on est pareils toi et moi… Alors tu sais ce que c’est que le regard de tout le monde quand tu as le malheur ou la naïveté de parler en oubliant de te taire.
Si on est pareil toi et moi, alors, sans conteste et sans douter, je sais que l’une des toutes premières que tu as dû apprendre c’est à te taire. Personne n’aime quand nous parlons sans nous cacher, sans faire semblant d’être ce que nous ne sommes pas. Ca dérange les enfants qui parlent comme nous. Ca met mal à l’aise les ados comme nous. On culpabilise avant même de comprendre ce qui se passe, et puis on apprend à ne plus parler [comme ça], histoire de sembler normal, histoire de gommer la différence qui les dérange tous et qui nous fait mal à nous de se sentir comme un monstre déambulant parmis tous ces petits humains si mignons incapable de nous comprendre et auxquels on ne ressemble jamais malgré tous nos efforts et tous nos efforts encore pour arrêter de ressembler à des monstres.
Et puis tu sais, aussi vrai que je déteste parler, j’aime échanger et je fantasme depuis toute gamine sur l’idée totalement illusoire d'ouvrir la cage aux oiseaux de mes pensées avec quelqu’un pour les regarder s’envoler.
Bref, je suppose que encore une fois, si toi aussi t’es comme moi, échanges de bons procédés. Je crois que ça doit vraiment faire du bien de parler sans se taire. J’ai jamais osé ceci dit, et je sais juste pas si j’en aurai un jour le courage. On peut toujours essayer, sait-on jamais si c’est notre jour de chance.
Allez viens, vas-y monte à l’échelle et je t’embarque, j’ai sûrement toujours dû avoir un côté Peter Pan. A ceci près que je n’ai jamais développé de penchant particulier pour la torture des enfants.
Quoiqu’il en soit je t’emmène, j’te fais visiter ma caverne aux merveilles, ma cabane dans les arbres, ma cabane secrète, ma cabane aux oiseaux, mon jardin intime et immatériel ou je fais pousser des étoiles et des bourgeons de lys entre quelques pensées que je prends le temps de laisser grandir.
Je sais qu’elle est loin d’être parfaite ma cabane aux oiseaux. Mais pour moi elle est magique et merveilleuse et elle me rend heureuse et c’est le seul endroit ou je me sens pleinement libre d’être moi-même, alors je crois que c’est tout ce qui compte.
Tu verras on peut y danser sous la pluie et puis s’allonger sur la passerelle histoire de lire dans les nuages. Y a des livres pour voyager aussi, et ressentir des émotions. Et puis de quoi écrire et de quoi dessiner, bref tout ce qu’il suffit.
Juste fais bien attention où tu marches.
Souvent des monstres se cachent sous les meubles. Avant, je tentais de toutes mes forces de les faire fuir, je leur ai refusé l’accès des milliers et des milliers de fois mais ils revenaient toujours, ils reviennent toujours. Alors disons que j’ai fini par m’y faire, en tout cas je me suis résignée… Mais c’est pas si grave, tu sais.
Il suffit de ne pas les nourrir. Et si ils te parlent, ne les écoute pas surtout. Je me sens un peu méchante de dire ça parce qu’ils sont mes meilleurs amis depuis que je suis toute gamine mais, je crois qu’il vaut mieux les ignorer. Et si on peut pas les faire disparaître, au moins oublier leur existence.
Je crois que tu le sais. Après tout, tu dois bien avoir les tiens aussi, cachés quelque part. J’espère juste qu’ils ne se planquent pas dans ta boîte crânienne, c’est là qu’ils foutent le plus de bordel.
Enfin bref, quoi qu’il en soit, ici c’est comme chez toi. T’es libre d’aller et venir, un peu comme si je te montrais le chemin de ma cabane, les clefs de la porte. Et t’sais, si tu veux dire un truc, t’exprimer, que t’es comme moi, bah… T’as pas besoin de parler. Glisse un post-it, une feuille à demi déchirée entre les pages, griffonnée à la va-vite. Ce sera un peu comme de laisser un mot sur la table de la cabane, sauf qu’il n’y a ni lettres à envoyer par la poste, ni pigeons voyageurs. Trois lignes ou trente pages on s’en fiche.
Le plus important pour que la cabane fasse effet comme une médecine alternative, c’est d’être et se sentir soi-même. Peu importe comme ça sort ou à quoi ça ressemble.
Ma cabane à oiseaux comme moi, on n’est pas du genre à juger.
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