Job d’été

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J’étais retourné à la case départ. Pas de boulot, presque plus de crédits et un avenir de plus en plus sombre. J’étais tricard dans la police et j’avais foiré un entretien d’embauche prometteur [1]. Assis dans une petite alcôve du bar « Le satellite », je sirotais un verre de Météore Malt. À vrai dire c’était mon troisième MM et mon moral était toujours en berne. Je réalisais doucement qu’une forme de dépression commençait probablement à s’installer. Début de la fin ou simple péripétie de la vie, il fallait que je me secoue, et rapidement !

Je reçus alors un message des autorités de la ville. Coup de chance, ma candidature pour un poste d’agent sous-terrain était retenue. J’étais affecté dans la zone de Solara Nexus et j’avais rendez-vous le lendemain matin avec mon binôme, un dénommé Zelo Antipatros, devant la bouche d’entrée numéro 1. Un nouveau départ pour ce vieil Ernesto ! Pour l’occasion, je décidai de m’envoyer une autre Météore Malt derrière la cravate, ou plus exactement derrière le collier de serrage de ma combi de ville. Mais attention à ne pas rater le rendez-vous de demain matin ! [1]

Zelo était un grand type très costaud. Il me tendit une main formidablement large.

— Salutations Ernesto.

— J’ai lu ton dossier.

— On se tutoie hein ?

— Tu feras parfaitement l’affaire.

— Bienvenue dans le service des soussols.

Ce type parlait à toute vitesse et avait l’air sacrément content de recruter quelqu’un. Sur le coup, je me demandais si c’était un bon signe. Je n’allais pas tarder à avoir la réponse à cette question…

— Salutations Zelo. Enchanté de faire ta connaissance et ravi d’intégrer les soussols. Je faillis ajouter que sans ce job, je sombrais dans la misère.

— Parfait ! Ne perdons pas plus de temps en baratin et passons rapidement aux choses sérieuses.

Il m’entraîna vers un ensemble de 3 dômes gris situés sur la place centrale du quartier 01. Pas terrible comme endroit ! Cette place est entourée de bâtiments de service et surplombée par plusieurs tunnels de transports. La circulation aux alentours était dense et le secteur, dans son ensemble, terriblement bruyant. Les habitants de Solara Nexus sont habitués au bruit, mais la situation de ce quartier était vraiment difficile.

Zelo présenta sa carte pour ouvrir la porte à double battant puis nous pénétrâmes dans le dôme central. L’air était frais et sentait le renfermé : un régal comparé à ce que l’on respire à l’extérieur ! Deux bancs et une série d’armoires aux parois épaisses meublaient le fond de la pièce.

— Voici notre vestiaire, m’annonça Zelo.

— Et notre équipe, compléta-t-il avec emphase en désignant du doigts 3 silhouettes assises au fond de la pièce.

Les « collègues » se levèrent alors et s’avancèrent vers nous. Je découvris le petit groupe à mesure qu’ils avancèrent sous les tubes lumineux.

Zelo fit les présentations.

— Voici les titulaires de mon équipe « soussol » chargée de la surveillance officielle du secteur Solara Nexus nord.

Il me désigna un grand type très costaud au crâne rasé coiffé d’un petit béret métallique. Ses yeux perçants étaient surmontés de sourcils en bataille. Bayek avait la peau sombre et son visage était traversé par une grande cicatrice. Ce n’est pas le soleil qui a coloré la peau de ce gars, il vient sans doute d’une ethnie naturellement foncée. Peut-être les colons de la troisième lune qui sont connus pour avoir la peau très sombre. Je vais surveiller ce gaillard de près me dis-je. Mes réflexes de policier me revenaient, intacts. Cela me fit un gros pincement au cœur, car, durant un instant fugace, je me sentis replonger dans ma vie « d’avant » : le poste de commandement, la zone de détention, les collègues blagueurs, les patrouilles tout autour de la planète, la buvette de la cantine et tout ce qui faisait l’essence de ma vie dans les services de maintien de l’ordre [2].

Ce court moment de nostalgie fut interrompu par Zelo qui me présentait maintenant le second membre de son équipe. Nex, dit-il, est avec nous depuis 5 ans. Il tourna la tête vers une femme de haute stature au visage fermé. Elle semblait plongée dans ses pensées et me gratifia d’un sourire automatique. Sa chevelure noire était attachée en longues tresses enroulées pour former des circonvolutions complexes. Zelo expliqua qu’elle avait été fortement perturbée par la perte récente de l’un de leurs équipiers dont elle était très proche, un certain Jona. Le malheureux avait été happé puis englouti par un trivalve géant dans le secteur du tunnel 25 au cours d’une inspection de routine. Il ne faut jamais sortir son bras par la portière quand le véhicule avance, conclut Zelo, d’un ton aimable.

Il se tourna ensuite vers Lygor, qu’il me présenta comme un ancien mineur sur la grande ceinture d’astéroïdes. Lygor avait dû abandonner son métier d’origine après les grandes grèves de l’année précédente au cours desquelles le gouvernement avait fait gazer les mines dans toute la ceinture pour déloger les grévistes qui protestaient contre la mise en service de nouveaux androïdes accusés de concurrence déloyale. Après son action, l’état a fait lourdement condamner les mineurs puis, dans un élan de bonne volonté, a proposé de réintégrer ceux qui pouvaient encore travailler malgré les séquelles des blessures reçues durant le mouvement social. Le salaire proposé était aligné sur le coût de fonctionnement des androïdes ce qui était hélas très insuffisant pour Lygor, père de 37 enfants. C’est ainsi qu’il rejoignit, l’équipe de Zelo.

Après cette introduction, Zelo se présenta comme un natif de la région, responsable d’équipe soussol depuis dix ans. Avant cela, il était « éleveur-pêcheur-vendeur » de glucks dans le quartier sud de la ville, mais il avait dû abandonner son métier à la suite de la grande épidémie qui a ravagé la profession.

— C’est terrible, lui dis-je. J’aime beaucoup les glucks [1]. Qu’est-ce qui a bien pu détruire ces coquillages ?

— Les glucks n’ont pas été malades, me dit-il, ce sont les pêcheurs qui ont été touchés et 80 % d’entre nous sont morts d’une forme de dysenterie aiguë. La pollution qui a résulté de cette épidémie s’est étendue à tous les canaux de la ville. Je m’en suis sorti de justesse, peut-être grâce au sang vénusien que je tiens de ma grand-mère paternelle, m’expliqua-t-il avec sérieux.

Il marqua une courte pause puis me présenta aux autres :

— Les gars, je vous présente Ernesto, ancien agent de police du gouvernement.

Tous les visages se fermèrent immédiatement comme des glucks sortis de l’eau. Lygor me fixa d’un air de défi, un marteau à la main. La situation s’engageait mal...

Conscient que mon ancienne profession posait problème, Zelo ajouta un peu précipitamment :

— Ernesto est là, car il a été viré de la police pour faute grave, manquement à l’autorité et une dizaine d’autres infractions au règlement.

À ces mots, tout le monde se détendit. Je crois que je n’ai pas fini d’être surpris par ce nouveau job…

[1] Ernesto n° 7

[2] Ernesto n°1 à 4

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