Chapitre 11 : Un occupant envahissant
Nous vous proposons d'accompagner votre lecture de ce chapitre par un morceau qui nous plaît beaucoup à tous les deux : À la poursuite d'un oiseau bleu , de l'artiste breton Sköne.
Bonne lecture ! Xenos Walker et lampertcity, toujours un peu à l'ouest, mais fiers de vous présenter ce chapitre.
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Pdv Léo :
Je trouve inquiétant le fait qu’il semble réfléchir quelques secondes à sa réponse.
— Certainement pas ! claironne-t-il en se levant pour enlever son t-shirt.
— Ce n’est pas ce que je suis en train de voir devant moi ! Qu’est-ce qui te prend Alan ?
— Eh bien, je pensais que tu m'accueillerais pour la nuit.
— Mais quel rapport ?
— Je ne vais pas dormir tout habillé, quand même !
Je sens pertinemment que je suis en train de me faire avoir, mais c’est plus fort que moi :
— Par contre, il faudra que tu dormes par terre. Il n’y a pas la place sur mon lit, comme tu peux l’imaginer.
Il me fait de gros yeux suppliants, mais sur ce point, je ne craquerai pas. Il envahit déjà suffisamment mon espace personnel comme ça ! J’ajoute :
— Installe-toi comme tu peux, je peux juste te filer une couverture et un oreiller.
— Merci Léo, t’es vraiment un type génial !
— Oui… oui, ça doit être ça. Allez, bonne nuit.
Je me replonge sous la couverture, en faisant rapidement défiler une dernière fois dans ma tête le plan du cours que j’ai révisé ce soir. Lorsque j’arrive au bout, soulagé par ma bonne mémoire, je suis gêné par des variations d’intensité lumineuse. Je me redresse, et voit Alan, tout en affaire, en train de pianoter sur son smartphone. Il ne voudrait pas mettre de la musique tant qu’il y est ? Je crois que si je ne me montre pas un peu plus ferme, je ne vais pas pouvoir dormir de la nuit.
— Alan, franchement, je te prie de vouloir un peu respecter mon sommeil !
— Ouais, attends, viens-voir, je suis tombé sur un fait divers assez marrant. Promis, après, je te laisse tranquille.
Je me lève et me dirige vers Alan, qui me montre un article de journal :
Un établissement de restauration rapide de l’enseigne KFC vandalisé ce soir, lors d’une attaque revendiquée par une secte méconnue, « les disciples de l’IUPC ».
— Attends voir, je peux lire la suite ?
— Euh oui, si tu veux, me dit Alan, me tendant son smartphone avec un sourire.
Alors que j’allais commencer la lecture, une notification apparaît furtivement en haut de l’écran, “Nikita : C’est quand que tu reviens me baiser ? “ Je manque alors de lâcher le téléphone sous la surprise, tandis qu’Alan, qui m’observe toujours d’un oeil attentif, éclate de rire :
— Ah ce fameux russe ! Je pourrais t’en parler pendant un moment !
— Je vois, mais je te prie de trouver d’autres oreilles pour raconter tes… exploits…
Je peux alors enfin poursuivre la lecture de l’article :
Peu avant la fermeture de l’enseigne ce soir, une vingtaine d’individus - se réclamant d’une obscure mouvance sectaire prônant le culte de « l’Immense et Unique Poule Cosmique », comme l’indique leur page Facebook - se sont introduits avec grand fracas dans le restaurant situé en périphérie du campus McCartney. Les vigiles ont rapidement été dépassés par les moyens déployés par les activistes, comme rapporté par Jean-Eudes, l’un d’entre eux : « De vrais tarés ! Nous n’avions aucune chance d’arrêter ces illuminés ».
Selon certains clients présents au moment des faits, les auteurs auraient saccagé la salle de restaurant ainsi que les cuisines et la cabine de service “Drive” (livraison à emporter, ndlr.). Ils auraient scandé à maintes reprises : « Qui mange une poule, perd la boule ! », en prenant notamment à témoin une mère et son fils terminant paisiblement « leur menu Hot Wings (ailes de poulet panées et frites, ndlr.) ».
Selon les premières estimations du gérant, le préjudice s’élèverait à plus de 50.000 €, au vu du nombre de vitres brisées, d’appareils de cuisine mis hors-service, ainsi que du délai avant la réouverture du site.
Une enquête a été ouverte pour retrouver les auteurs de cette attaque. Cependant, les images de vidéosurveillance qui ont pu être extraites montrent qu’ils étaient tous intégralement vêtus de costumes de poule, ce qui risque de compliquer la tâche d’identification pour les enquêteurs.
— Euh Alan, je crois que je les connais…
— Comment ça ?
— Eh bien, j’ai été abordé par certains de leurs… recruteurs.
— On dirait vraiment que tu as tendance à tomber sur tous les mauvais coups possibles, toi ! s’exclame-t-il. En plus de moi qui viens te réveiller à deux heures du matin, finit-il avec un ton presque pathétique.
Je me sens presque obligé de le rassurer :
— C’est vrai que je n’ai pas trop l’habitude de me lever au milieu de la nuit pour accueillir une connaissance de la fac, mais je crois que je ne suis pas si mécontent d’avoir un peu plus de compagnie que d’habitude.
Initialement nourrie par cette anecdote surprenante, notre conversation finit par trouver un rythme de croisière, au fur et à mesure que je prends confiance et m’habitue aux réactions disproportionnées qui font parfois le “charme” d’Alan. Ce n’est que vers quatre heures du matin que la fatigue finit par avoir raison de nous deux, sans que nous ne nous soyons réellement souhaité une bonne nuit.
Lorsque j’ouvre péniblement les yeux après cette courte nuit, j’ai la surprise de voir Alan fouiller dans mes placards. Constatant qu’assiettes et verres sont déjà disposés sur ma petite table à manger, j’en conclus que ce cher Alan souhaite se montrer en gentleman. Enfin, un gentleman qui n’hésite pas à s’approprier tout ce qu’il peut chez les autres.
— Oh merde, j’ai dû te réveiller avec le bruit ! C’est dommage, j’avais presque fini de tout préparer.
— Ce n’est pas grave, Alan… De toute façon, je dois bien aller en cours, et tu ne m’en empêcheras pas.
— Ah oui, j’oubliais que tu adores aller au cours magistral de 8 heures 30 ! Tiens, par contre, j’ai eu le temps de passer à la boulangerie : tu préfères pain au chocolat ou croissant ?
— Va pour le croissant, marmonné-je en me levant.
Je profite qu’Alan ait le dos tourné pour rapidement changer de boxer et enfiler un t-shirt. Nonobstant la gentillesse dont il fait preuve actuellement, il est certain qu’il aurait aimé guetter le moment où j’eus été vulnérable à ses yeux.
— On n’est pas bien là franchement ? Par contre, il faudra que je repasse chez moi, ce serait une infamie de garder mes vêtements de la veille sur moi.
Nous quittons mon studio une fois notre petit-déjeuner fini : pour moi, direction le campus, pour lui, son appartement. Je me demande s’il va quand même venir au moins pour la fin du cours.
— Léo, en tout cas, tu es le bienvenu quand tu veux pour faire de la musique chez moi ! À la prochaine !
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