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Avec Romain ce fut alambiqué.
Je ne me sentais pas capable de lui avouer que je fuyais Bintou par amitié pour lui.
Alors, je lui expliquai que je voulais vivre une expérience en solitaire. Eprouver mes capactés d'adaptation avant d'affronter le monde du travail... Bla bla bla...
Il resta perplexe et je sentis que je le blessais.
Blessé car jamais je ne l'avais informé de ce projet qui murissait dans ma tête et à aucun moment je ne lui proposai de m'accompagner.
C'était un coup de canif dans notre amitié. Notre couple, si je peux parler ainsi de notre amitié, en souffrit.
Il devint distant. D'autant plus distant que Bintou, de son côté, s'empara aussitôt de mon projet.
Avec elle, par un accord tacite, nous n'abordâmes plus mon chagrin d'amour mais elle tint à partciper à la préparation de mon voyage.
Si Romain restait à l'écart, bougon, elle, au contraire, petit à petit, se prit au jeu et elle se projeta comme si elle devait m'accompagner. Comme si nous allions être deux.
Nous deux.
J'en rêvai.
Istanbul, Samarcande, Uluru, Machu Picchu, Titicaca, Valparaiso... des noms évocateurs et nos yeux brillaient.
Une communion.
Nous fûmes très proches alors.
Elle me proposa même de passer par le Sénégal et rencontrer sa famille !
Penchés sur les guides et les cartes nous confrontions nos avis, les discutions. Nous consultions ensemble les forums. Nos corps se collaient, nos mains se frôlaient. Nous étions en symbiose et elle partageait mon enthousiame.
Cette proximité me rendait fou. Il était temps que je parte.
Avec le temps...
Avec le temps va tout s'en va
On oublie les passions et l'on oublie les voix
Qui vous disaient tout bas les mots des pauvres gens
Ne rentre pas trop tard surtout ne prends pas froid
Avec le temps...
Avec le temps va tout s'en va
Et l'on se sent blanchi comme un cheval fourbu
Et l'on se sent glacé dans un lit de hasard
Et l'on se sent tout seul peut-être mais peinard
Et l'on se sent floué par les années perdues
Alors vraiment
Avec le temps ... on n'aime plus.
« Je serais avec toi Théo. Dans ton sac à dos »
Ce n'était pas ce que j'avais envisagé.
Le piège.
Romain nous observait avec parfois de l'agacement.
Bintou m'a expliqué qu'il était traversé de sentiments divers.
Vexé d'avoir été tenu à l'écart.
Jaloux de notre complicité.
Pourtant son attitude vis à vis de Romain ne changea pas. Toujours amoureuse elle ne manquait pas de se lover dans ses bras, de l'embrasser. Ils faisaient toujours l'amour avec passion, pour mon désespoir.
Est-ce que je me faisais des idées ?
Bintou me confia qu'il était, aussi, heureux de me voir si épanoui.
Je ne pouvais lui avouer que de douces pensées me traversaient quand Bintou se collait à moi et que mon corps ne restait pas indifférent.
Etre responsable d'une éventuelle rupture entre eux deux me devenait insupportable. Elle scellerait aussi la fin d'une longue et forte amitié. C'était impossible !
Oui, je devais partir.
Jamais elle ne trahit Romain... sauf, sauf... mais était-ce une trahison ?
Le jour de mon départ Bintou m'accompagna à la gare. Romain n'avait pu venir.
Et sur le quai, au moment des adieux, elle s'approcha, me prit le visage entre ses mains pour l'attirer à elle et déposer un baiser sur mes lèvres.
Cadeau de départ.
« Tu penseras à moi Théo »
Sans réfléchir je l'enlacai pour l'embrasser. Elle se laissa faire et répondit à mon baiser. Un baiser brûlant. Les dents s' entrechoquèrent, les langues se mélèrent. Quelques secondes merveilleuses.
Des affamés.
Les voyageurs virent l'au-revoir tendre de deux amants.
J'aurais voulu la prendre par la main et la conduire à l'hotel le plus proche et l'aimer comme je l'ai si souvent rêvé. Déballer le cadeau.
C'est elle qui rompit l'étreinte en me repoussant gentiment.
« Tu vas rater ton train »
Elle me ramèna sur terre. Cruelle.
Ses mains glissèrent le long de mes bras jusqu'aux bouts de mes doigts... J'ai cru voir de l'humidité dans ses yeux.
Pars, surtout ne te retourne pas
Pars, fais ce que tu dois faire sans moi
Quoi qu'il arrive je serai toujours avec toi
Alors Pars et surtout ne te retourne pas!
Ce baiser ne me quitta pas et aujourd'hui plus que jamais il me taraude.
En a-t-elle le même souvenir que celui que je conserve précieusement dans un coin de mon cœur ?
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