Chapitre XII.4

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« Bienvenue en enfer ! susurra un sombre individu à ses côtés.

— Je suis mort ? demanda-t-il faiblement, angoissé.

— Pas encore : le premier obus avait creusé un trou sous nos pieds, et je t’y ai attiré pour que le second ne nous tue pas, justement. »

Io se releva. Il ne savait pas trop où ils étaient tombés ; il devinait un réseau de galeries noires, s’enfonçant dans les profondeurs. Il avait mal partout, et était à bout de souffle.

« Tu ne crois pas qu’on oublie quelque chose ? lui demanda Imalbo.

— Courir, peut-être ?

— Ouaip. Ils sont derrière nous. »

Malgré la fatigue, Io repartit en toute hâte, derrière Imalbo qui cette fois ne le laissa pas prendre la tête, redoutant sans doute qu’il fonce encore tête baissée dans un cul-de-sac.

« Avec de la chance, ils n’ont pas les plans des lieux, ou ne pourront les avoir avant un moment. On va donc tenter de mettre un peu de distance entre eux et nous, et ensuite il faudra voir s’ils ne nous ont pas collé un traceur, ou quelque chose dans le genre. »

Les galeries qu’ils suivaient étaient cylindriques, et presque entièrement faites de métal ; mais étrangement, elles semblaient abandonnées, délaissées. Tout était pourtant en parfait état, aucune trace de rouille nulle part. Les mince tubes de nickel qui tapissaient les parois auraient pu resplendir sous la lumière, si celle-ci avait été assez forte ; or ils n’étaient éclairés que par de très faibles lueurs qui provenaient de certains autres tubes, comme des néons de métal, qui émettaient une lumière floue, fantomatique. Sans doute était-ce cette quasi-absence d’éclairage qui donnait aux lieux cet aspect sinistre, et pourtant il y avait autre chose, comme si ces couloirs n’avaient pas connu la vie depuis des années, sans visites d’humains ou même de robots.

« On va s’arrêter là », décida Imalbo en l’entraînant au coin d’une intersection, sous une lumière un peu plus vive que les autres. Il tira de son dos un vieil appareil, relié par un fil à une petite boule qu’il tint devant Io pendant une quinzaine de secondes. Puis l’appareil émit une série de bip, et Imalbo affina quelques réglages.

« Tu as un mouchard sur toi, mais heureusement il n’y en a qu’un seul. Il va falloir que tu ôtes ton armure, en espérant que tu puisses la remettre à temps si jamais ils reviennent.

— D’accord, mais fais vite. Cet endroit est glacé. »

Io s’exécuta, et Imalbo promena la petite boule au-dessus de sa tête. Puis il déclencha quelque mécanisme, et la boule s’ouvrit, libérant une substance visqueuse qui se répandit tout le long du corps de l’humain, passant sous ses vêtements, comme une fine pellicule de glace chaude.

« Rien, aucun résultat. Le mouchard ne peut pas être sur toi. » Il pressa un bouton sur l’appareil de contrôle, et l’étrange substance se liquéfia, retombant aux pieds de Io en le laissant avec l’impression d’avoir été lessivé des pieds à la tête.

« Et je n’ai pas d’autre boule. Comment faire ?

— S’il n’y a rien sur moi, soit le mouchard est sur toi, soit il est ailleurs, sur mon arme, mon armure.

— Peut-être. S’il est sur ton équipement, j’en connais les plans par cœur, j’aurai tôt fait de le trouver. »

Imalbo se saisit d’abord du pistolet de Io, qu’il tourna et retourna dans tous les sens. Il le secoua, le soupesa, et le rendit finalement à son propriétaire. « Rien là-dedans. » Puis il fouilla l’armure, mais se dit que l’explosion endurée aurait fatalement endommagé le traceur, et les signaux qu’il avait détectés étaient forts, discrets mais puissants. Le casque, donc. Imalbo trouva le traceur caché derrière les amplificateurs de son.

« Ils s’en sont sans doute servis pour espionner nos conversations, en plus, ou pour nous suivre avec nos bruits.

— Je ne pense pas, fit Io. Ils ne pouvaient quand même pas se douter qu’on récupérerait ce casque. C’était sans doute juste une sécurité, rien de plus.

— Tu as peut-être raison. Remets tout ça sur toi, on y va. »

Ils jetèrent le traceur dans une autre galerie, montante, et s’en furent. La pente qu’ils suivaient était de plus en plus accentuée, et ils commençaient à se demander sérieusement où ils se trouvaient. Toute cette installation était récente, au sens où les métaux employés, la taille colossale de la surface qu’ils avaient déjà parcourue, l’enchevêtrement presque inextricable des couloirs, tout cela montrait clairement que les lieux ne dataient pas de quelque ancienne société éteinte ; non, le réseau de galeries avait été construit au sein du monde qu’ils connaissaient. Mais quand ? Et quand aussi avaient-elles été abandonnées ? Et pourquoi ?

Io, qui courait en tête car la lampe de son casque était la plus puissante, se figea soudain. Le couloir s’arrêtait ; ce n’était cependant pas un cul-de-sac : un trou conduisait en dessous.

« Eh bien, fit Imalbo, pourquoi t’arrêtes-tu ?

— Regarde ça. Il faut descendre avec.

— Et alors ? C’est une échelle, c’est fait pour, il me semble.

— Certes, mais si toi ton jeune âge pourrait expliquer le fait que tu n’en aies jamais emprunté, pour ma part c’est la première fois que je me trouve en face d’une échelle, et j’ai quand même vécu assez longtemps. Pourquoi n’y a-t-il pas un ascenseur, un téléporteur, un simple monte-charge électrique, c’est silencieux et absolument pas coûteux ?

— Tu as raison. Un anachronisme. »

Ils empruntèrent l’échelle, n’ayant pas vraiment le choix. Mis à part ce qu’elle faisait là, elle trouvait assez bien sa place dans le décor, faite du même métal léger mais dur comme pierre qui constituait les tubes parcourant les parois des étranges boyaux qu’étaient toutes ces galeries.

Ils la laissèrent derrière eux et repartirent, toujours en courant mais sans la nécessité de devoir à tout prix distancer les policiers : il était fort peu probable qu’ils soient encore suivis, sans traceur. Mais les galeries ne descendaient plus désormais. Elles étaient parfaitement horizontales, et ils durent à nouveau emprunter plusieurs échelles pour progresser, s’enfonçant toujours dans ce monde de métal froid.

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