Chapitre XVII.8
Quelques heures plus tard, ils chevauchaient à travers les ruines de la ville, là où d’innombrables petites pousses vertes rongeaient la pierre et le béton, et en prenaient la place. Les lions noirs géants filaient dans le vent, emportant les humains vers une destination pour le moment inconnue de tous. Kryël les accompagnait, assis devant Imalbo et se tenant à la crinière noire ; Io et Féhna étaient tous deux sur l’autre fauve.
« Qu’est-ce qu’on fait, maintenant ? hurla Io en direction d’Imalbo.
— Je ne sais pas trop. Il faut que les humains prennent conscience de l’opportunité qui leur est donnée de se tirer de leur état d’esclaves insouciants… Mais, vu ce qui vous est arrivé tout à l’heure quand vous leur avez parlé, je ne pense pas qu’ils soient encore prêts. Selon les animaux, qui ont suffisamment d’espions pour que leurs informations soient fiables, nous avons encore un peu de temps devant nous… Au moins un mois.
— Tu suggères d’attendre ?
— Peut-être. Ecoute, ça ne fait pas si longtemps que la situation est devenue vraiment nouvelle pour eux. Avant, il y avait les animaux, d’accord, mais ils s’en moquaient un peu… Ce n’est que depuis que le Réseau les utilise comme moyen de protection, et depuis que leurs activités ont été chamboulées par tous les dégâts que la Société a subis, qu’ils commencent à se poser, de temps en temps, quelques timides questions. Tu as vu ce qu’il résultait d’essayer de les convaincre : le Réseau après coup les contrôle encore mieux, car ils croient s’apercevoir qu’ils ont failli manquer à leurs devoirs, ou qu’ils avaient bien été prévenus de la malice de l’adversaire… Tandis que si on les laisse penser, tout seuls ou presque… Le désordre quoi qu’il arrive va empirer. Ils ne pourront pas ne pas se poser de questions. Et quand ils se seront suffisamment interrogés, quand ils auront un tant soit peu réfléchi sur leur état, alors on pourra tenter de les convaincre. Pas avant.
— Mais en attendant, que peut-on faire ? demanda Io.
— Un tas de truc. Préparer le terrain, d’abord. Reconnaître les lieux. Aider les animaux… »
Un passage étroit obligea les lions à courir l’un derrière l’autre, séparant les deux interlocuteurs. Féhna en profita pour interroger à son tour son compagnon ; ils parlèrent ainsi pendant longtemps alors que le vent terrible emportaient leurs paroles loin derrière eux. Puis, sur la demande d’Imalbo, les deux lions s’arrêtèrent dans un terrain vague à la sortie de la ville.
« Alors ? fit Imalbo aux deux autres. Que fait-on ?
— Il n’y a plus trop de danger à circuler dans la ville, maintenant, répondit Io. On pourrait explorer la région.
— Les animaux n’ont pas vraiment besoin de nous pour l’instant, poursuivit Féhna. Il n’y pas grand-chose que nous puissions faire… A part visiter les lieux. Savoir vraiment comment le changement de monde s’organise, voir de nos yeux ce qui pourrait le plus tenter nos semblables dans ce nouvel univers…
— Et pour ça, le mieux serait de nous séparer pour explorer des directions opposées, dit Io.
— Tu crois vraiment ? Ce pourrait être dangereux, s’inquiéta Imalbo. D’ailleurs je ne pense pas que ce soit vraiment nécessaire, même pour rentabiliser au mieux notre temps : certes, on irait un peu plus vite, mais en se séparant on risque de passer à côté de données importantes, on irait moins au font des choses.
— En fait, répondit Féhna, chez les elfes on s’est aperçu qu’il y a une coutume des temps anciens qui a été conservée par la Société, une bonne coutume : la "lune de miel"…
— Mais vous ne venez pas de vous marier, que je sache !
— Et alors ? »
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