6. Guillaume

3 minutes de lecture

Récit inspiré des images de la caméra de Guillaume.

« Une odeur pareille, c’est à réveiller les morts… »

Si l’origine des relents de cadavre putréfié était clairement identifiée, ce n’était pas le cas des bruits discrets et étranges que Guillaume percevait depuis deux heures. Il se sentait bien plus mal à l’aise maintenant qu'il était seul. Il n'était pas seul.

Il allait poursuivre son enquête, finalement.

Il pensait avoir entendu un bruit venant de la chambre en face de lui, mais n'était plus très sûr, à cause du barouf qu’avait fait la fuite de Palu.

« Même Palu a entendu. Pourquoi aurait-il fui sinon ? Je vérifierai au montage. »

Il s’adressa aux spectateurs, pour qui il enregistrait toutes ses images.

« Bon, maintenant que Palu est parti… inspecter le rez-de-chaussée, je suis seul à l’étage… Comme vous voyez, il y a un peu moins de tableaux ici. Le couloir est petit, mais ça reste... très chargé. »

Il marchait lentement. Il s’approcha d’une peinture, la filma.

« Je pourrais pas vivre ici… La déco est… dégueulasse, j’ai pas d’autres mots, désolé. »

Il s’arrêta à l’entrée de la chambre.

« S’il y a eu un bruit, il venait d’ici. Y a-t-il quelqu’un ici avec moi ? »

Silence.

Il entra dans la pièce.

« Bon. On a installé des détecteurs mais aucun n'a sonné. Je vais quand même essayer de capter des PVE avec le magnéto. Voyons voir… Pour ceux qui découvrent mes aventures et le jargon, des PVE sont des phénomènes de voix électroniques… J’ai branché un écouteur que je porte, donc j’ai un retour en direct sur tout ce qu’il enregistre… C’est parti. »

Il reprit ses interpellations habituelles :

« Bonjour, je m’appelle Guillaume, et je suis là pour vous parler. Vous pouvez… me répondre, de la manière que vous souhaitez. Un bruit, un coup dans les murs. Une parole. Ce que vous voulez. Ce que vous pouvez. »

Silence.

« Vous pouvez-même me toucher. Vous pouvez parler près de l’objet que je tiens dans la main. Avec ça, je peux enregistrer votre voix… »

Silence.

« J'ai entendu parler de phénomènes étranges, ici dans cette maison. J'ai entendu parler de Simone, qui aurait vu une entité, une présence. Vous, peut-être. Je viens dans une attitude pacifique. Je cherche seulement à communiquer. »

Guillaume ne s’attendait pas vraiment à autre chose que du silence, ce magnétophone n’ayant jamais rien capté d’étrange. Mais cette fois, il crut discerner…

« … Je ne suis pas sûr d’avoir entendu. Êtes-vous Simone ?… Ou la présence qui aurait... attenté à la vie de Simone ? »

Le magnétophone ronflait devant lui, immobile. Son oreille captait les crépitements habituels, mais aussi autre chose. Des mots à peine audibles qu’il ne parvint à saisir qu’au bout d’un certain temps.

« …le...tableau…le... »

« Le tableau ? Pouvez-vous me dire votre nom ? Êtes-vous Simone ? »

S’adressant à la caméra :

« Les amis, je ne sais pas si vous entendez comme moi, mais c’est complètement dingue. J’espère que le magnéto enregistre bien tout ça, mais j'entends clairement une voix répéter les mots le tableau depuis tout à l'heure. »

Il prit un instant pour filmer la chambre en silence. Les tapisseries fleuries immondes contribuaient clairement à l’oppression qui l’envahissait à présent. La pestilence de Palu s’était dissipée mais l’air était lourd et chargé d’autre chose. Le magnétophone grésillait l’incroyable litanie, de plus en plus angoissante à mesure qu'elle gagnait en clarté :

« Le tableau ! Le tableau ! ».

Guillaume filmait en tremblant.

« Je ne sais pas si vous vous rendez compte de l’ambiance ici… Je ne sais même pas si vous verrez ces images. J’ai la trouille... comme Palu… Allez, concentrons-nous. Un tableau, quel tableau ? Y’en a partout, on est chez un collectionneur ! Pouvez-vous me dire votre nom ? »

Il balayait les murs de la chambre avec sa torche et sa caméra. Son cœur battait la chamade. Les fleurs de la tapisserie dansaient devant ses yeux. La moquette était trop épaisse. Pas assez poussiéreuse. Il ne cessait de se dire que l'aura maléfique qu'il devinait n'était que dans son imagination. Mais les peintures glauques défilaient et sa lampe vacillait. Les cadres présentaient des scènes laides et illogiques, qui dansaient, comme les murs. Il s’arrêta sur un tableau particulièrement horrible, dans le coin de la pièce.

« Mon Dieu… Celui-là est vraiment dégueu. Qu’est-ce-que… J’ai jamais vu une croute pareille. Va falloir que je floute ça sinon adieu la chaine ! »

Il scrutait l'aberrant dessin mais un bruit provenant du couloir le fit bondir. Sa tête pivota et se figea dans une vision d’horreur.

Une chose en robe blanche était apparue dans l'ombre et s’élançait vers lui en hurlant.

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