4. Palu
Récit inspiré des images de la caméra de Palu.
« Tu es sûr que ça va mon pote ? Parce que là on va attaquer le gros de l’enquête. »
La pizza de Palu était encore presque intacte, alors que celle de Guillaume, se découvrant des crocs, avait disparu. Il but une grande rasade d’eau et regarda autour de lui.
« Ouais, ça va. Excuse-moi j’ai paniqué. C’est une maison que je connais pas et qu’est pas à moi. Ça m’a fait comme un vertige, tu vois ? Enfin bref. On, tu, euh… j’ai mangé, un peu… Ouais, ça va mieux. »
Guillaume l’observa un moment, peu convaincu.
« Bon, si ça va pas, tu restes en bas, lumière allumée si tu veux, ok ? Sinon on va à l’étage, et on commence l’enquête de nuit. »
Guillaume se dirigeait déjà vers les escaliers. Après une longue inspiration, il le suivit.
Tout en marchant, Guillaume s’adressait à la fois aux spectateurs et à l’entité potentielle. Il l’appelait, l’enjoignait à se manifester. Palu le regardait faire, impressionné par sa maitrise, quand lui ne cessait de sursauter, horrifié au moindre bruit.
Guillaume s’arrêta au milieu des marches et regarda la gopro :
« Bon, je vous le dis, ça pue. Ça pue même la mort depuis des heures, en fait. Ça peut être un signe que nous ne sommes pas seuls.
— Si c’est juste l’odeur… »
Mais Guillaume l’interrompit :
« Non, y a pas que ça, d’autres choses aussi. T’as pas entendu le bruit tout à l’heure ? Là ! »
Il l’invita à écouter, l’index vers le plafond. Palu, stoïque, ne dit plus rien. Ils poursuivirent leur montée vers l'étroit couloir de l’étage. Dans l'une des chambres, Guillaume fit le signe qu’il entendait à nouveau quelque chose. Devant son air sérieux, Palu resta muet et attendit, fébrile.
L’effroyable silence fut interrompu par un long et inattendu :
prouuuuuut
Guillaume se tourna vers son acolyte :
« Ah bah la vache, t’es un porc !
— Je suis désolé mec, mais j’ai la trouille. J’ai pas l’habitude de visiter des maisons abandonnées la nuit, du coup, je lâche des caisses quasiment depuis la porte d’entrée.
— Ah mais c’est toi alors l’odeur de mort ! Mais y a rien ici en fait ! Bon allez, on se casse. »
Une horrible effluve rance s’éleva dans la pièce. Palu se sentit rasséréné dans cette pestilence qu’il reconnaissait. Comme s’il se retrouvait dans son élément. Dans son chez-lui.
« Et puis là c’est mort, d’où on est ça va se répandre dans tout l’étage.
— Ah c’est drôle… », fit ironiquement Guillaume. « Et dire que c’est filmé… »
Un coup sec provint de la chambre derrière eux.
Palu cria et s’enfuit prestement, abandonnant Guillaume, l’odeur immonde, et ce bruit insensé. Il dévala les escaliers et se réfugia dans les cabinets. Il y passa un temps considérable, caché, prostré, subissant le flot ignoble de peur et de tension de ses entrailles. Alors qu’il pensait avoir tout donné, il entendit un cri sinistre venant de l’étage, suivit du son mat d’un corps qui tombe.
« Meeeerde… » fit-il dans un dernier spasme de frayeur, « Merde, mais qu’est-ce que c’est que ça ?! Faut que je sorte d’ici, je vais quand même pas crever dans des chiottes ! »
Prenant son courage à deux mains, il risqua une sortie dans le couloir.
Rien, pas un bruit.
Au pied de l’escalier, il lança un timide : « Guillaume ? »
Silence.
« Guillaume, merde, répond ! » prouuit
Toujours pas de réponse. Il se résolut à monter après de longues hésitations. Lentement, il ne cessait d’appeler.
Marche après marche, vers le silence.
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