Chapitre IX
A la sortie de la chambre, son questionnement interpelle. Sylvie est effondrée, pas réellement par ce qu'il lui est arrivé mais bien par les propos à peine déguisés prononcés par la fillette.
- Promets-moi de ne pas faire de bêtises ? lui avait demandé Sylvie avant de la quitter
- Comment veux-tu que je fasse des bêtises dans mon état ? Je ne peux pas me lever, je ne peux pas marcher. Je ne peux rien faire, Je peux juste subir.
- Tu ne m'as pas promis !
Et Anastasia s'est murée dans son silence, un sourire sur les lèvres.
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Au commissariat, c'est l'effervescence. Ça grouille de partout. Sylvie est conduite dans une pièce au calme pour établir le portrait robot de son agresseur. Un temps, elle avait chassé ce visage de sa mémoire, comme s'il n'existait déjà plus, comme s'il ne s'était rien passé, que tout cela n'était qu'un songe, une construction folle d'un rêve qui a mal tourné. Mais comment peut-on rêver pareil cauchemar ? Comment oublier cette sensation oppressante, cette lame froide, cette pénétration forcée et l'humiliation qui l'accompagne ? Et l'image est revenue, floutée au départ puis de plus en plus nette, jusqu'au moment ou pétrifiée encore par ce visage haineux, elle s'est mise à trembler, ses lèvres pour commencer, ses doigts jusqu'à ses mains entières puis tout son corps, et les larmes sont apparues, libératrice de la tension interne qui l'habite. Elle reprend le contrôle de ses émotions et les spasmes s'estompent lentement. Maintenant, elle est résolue, déterminée, décidée à tout faire pour que cet inconnu ne puisse plus sévir. Elle reprend et les traits se font plus précis, plus affinés. Le visage en mémoire est maintenant crayonné devant elle sur ses indications. Il l'a regarde et elle le dévisage froidement, impassible, incapable de répondre à la violence par la violence.
Le policier qui l'a accompagnée dans la résurrection de son agresseur soulève le porte document devant lui et extirpe quatre feuillets qu'il place un à un devant Sylvie, à côté du portait fraîchement dessiné et la ressemblance est stupéfiante. Les cinq portraits robots sont à quelques détails près identiques. Il explique que le mode opératoire est lui aussi similaire. L'homme attend sa victime dans un endroit faiblement éclairé. Il a préalablement effectué un repérage et avant de passer à l'acte, il s'est séparé de son pantalon et de son slip. Il utilise un couteau pour neutraliser sa victime et la soumettre à ses pulsions maladives. Inconnu des services de police, il opère à visage découvert. Un autre détail interpelle le policier. La sacoche marron claire est mentionnée dans trois autres dépositions et il y a fort à parier qu'il s'agit du même individu. Dans les six derniers mois, huit plaintes ont été déposées dans l'environnement proche de l'hôpital avec des indices suffisamment concordants pour en déduire qu'on a affaire à un violeur en série.
Le fichier des délinquants sexuels ne donne rien. Comme dans les cas précédents, l'homme n'est pas fiché.
Sylvie est ramenée à son appartement sous escorte policière. Il lui est demandé à l'avenir de se rendre à l'hôpital en voiture jusqu'à la fin de son stage.
Seule maintenant dans son petit deux pièces, la jeune femme s'assoit sur le lit, abattue, déconcertée. Son visage caché dans ses mains, comme si elle avait honte de son image, honte de son corps souillé manipulé contre son grès, comme si elle était responsable, coupable de son viol et toutes ses défenses s'amenuisent subitement, sa force l'abandonne dans l'exubérance de ses larmes amères, son mental vacille dans la folie meurtrière, les poings serrés, les yeux hagards, elle voit sa virginité s'envoler perdue à jamais derrière cette journée ensoleillée qui devait se dérouler sous de biens meilleurs auspices.
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