Le second pilier de la guérison : L'introspection (suite III seconde partie)

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Dans le paragraphe qui va suivre, je vous partage les pensées que je cultivais sur le plan sentimental, un domaine qui n’était pas plus glorieux que les autres, puisqu’ici encore, je nourrissais bon nombre de croyances très toxiques, voire morbides. Ces pensées racines ressurgissaient dans mes moments les plus sombres, lorsque j’avais le sentiment de toucher le fond du fond. Elles paraissent aujourd’hui exagérées, pourtant, elles reflétaient bien mon état d’esprit général, puisque je ne me voyais pas m’en sortir. J’avais l’impression de vivre en sursis et que d’un jour à l’autre, je pouvais mourir.

Encore célibataire... Personne ne m’aime. Je n’ai jamais été aimée. Je ne suis pas aimable.

Qui s’intéresserait à une pauvre fille accroc à la bouffe ? Je ne mérite pas d’être aimée.

Dès que ma fille sera assez grande pour se débrouiller seule, je me suiciderai.

Mieux vaut une mère au cimetière qu’une mère dans mon état.

De toute façon, je ne m’en sortirai jamais. Jamais.

En vérité, je sais que j’ai loupé le coche, j’aurais dû réagir plus tôt. C’est trop tard maintenant.

Il n’y a plus aucun espoir. Rien n’a marché pour moi et rien ne marchera jamais.

Aux alentours de 37 ans, lorsque je recommence à m’intéresser au développement personnel, et à mettre en application certains de ses principes fondamentaux, mon système de pensées évolue doucement. Ma vie est toujours chaotique, tant au point de vue des T.C.A que de mes relations sentimentales, cependant, je commence à envisager la possibilité, même infime, que tout ce que je fais ne servira pas à rien.

Qui ne tente rien n’a rien... Qui sait... je vais peut-être m’en sortir.

Au pire, si je ne m’en sors pas, j’aurais épargné des névroses à ma fille. C’est toujours ça.

J’ai raté certaines choses dans ma vie, mais pas ma relation avec ma fille. Je suis fière de ça.

Je suis une bonne mère, même si je ne suis pas un bon exemple.

Et si je reprenais l’écriture, et si je réalisais mon rêve de publier un livre... ?

Six ans que je suis seule... je ne rencontrerai jamais l’amour...

J’ai plus de chance de gagner au loto que de rencontrer quelqu’un qui m’aime vraiment.

À ce rythme-là, si rien ne change, j’ai de grande chance de finir seule, comme ma mère.

La boulimie risque toujours de me tuer... même si j’ai réduit la fréquence des crises, grâce à ma fille.

Pourquoi je n’arrive pas à m’en sortir malgré tous mes efforts ?

Je dois encore plus espacer les crises, car chacune d’entre elles m’abîme un peu plus à chaque fois.

Je mets désormais une semaine à m’en remettre, ça n’a plus de sens. Pourquoi je continue ?

Pourquoi je n’arrive pas à arrêter ?

Quand est-ce que j’aurais le déclic ?

On peut remarquer qu’au fil des années, la majorité de mes pensées se résumaient à un florilège de croyances limitantes et toxiques. Et selon le principe essentiel de la pensée créatrice, auquel j’adhère pleinement, il est évident que ma vie les reflétait en grande partie et s’avérait à leur image, très triste et torturée. Les années passant, plus je cultivais ces pensées délétères, plus je m’enfonçais dans un mal-être profond dont je croyais, la plupart du temps, qu’il allait être impossible de sortir.

Pourtant, une petite lueur d’espoir persistait. À 39 ans, lorsque je DÉCIDE enfin de reprendre un suivi psychologique, après trois années sans soutien, les choses évoluent soudainement beaucoup plus vite. En quelques mois, aidée de ma nouvelle super thérapeute, ma façon de penser évolue notablement :

Je ne sais pas si ça marchera mais je crois qu’il y a de l’espoir. Je choisis d’y croire.

Même si je n’y arrive pas, je dois essayer, au moins pour ma fille. J’agis à mon niveau.

Ça prendra le temps que ça prendra, mais je vais tout faire pour y arriver. Je ne lâche rien !

À chaque séance, j’ai le sentiment d’avancer. C’est incroyable comme je vais mieux. Go !

Je suis inquiète, j’ai tellement mal à la gorge, j’ai peur de développer un cancer...

J’ai failli mourir étouffer par un morceau de pizza, si je continue... mais je ne veux pas mourir !

JE NE VEUX PAS MOURIR.

J’arrive à espacer les crises de boulimie, mais elles sont toujours là... ça me frustre !

J’arrive à faire deux ou trois crises par mois... Je suis sûre que je pourrais bientôt arrêter.

Je peux, je veux et je dois guérir. Il faut que j’y arrive. Pour moi et pour ma fille. Il le faut !

Je suis sur la bonne voie. C’est difficile d’y croire encore mais je sens que je peux y arriver.

Même si j’ai raté des choses, je suis fière d’avoir avancé, de ne pas avoir baissé les bras.

Même si je ne réussis pas tout ce que je veux, je fais de mon mieux.

J’ai mis beaucoup trop de temps pour m’en sortir, mais le passé a été dur à digérer.

J’accepte de ne pas avoir été celle que je voulais être, je me pardonne mes erreurs.

Qu’importe le résultat, aujourd’hui, je me sens de mieux en mieux.

Après des années de torture mentale, la courbe s’est enfin inversée. À partir du moment où j’ai commencé à travailler sur mes croyances, à nettoyer mon système interne, ma vie s’est peu à peu améliorée. Ce qui frappe en premier lieu, dans mon discours intime, c’est donc la progression de mon état d’esprit. J’y apparais de plus en plus libérée. Souvent, j’entends les gens dirent qu’on ne change pas facilement, que les habitudes, notamment, sont difficiles à modifier, surtout avec l’âge. Beaucoup adhèrent au célèbre proverbe : « chassez le naturel, il reviendra au galop. » Même si j’ai longtemps pris cette expression pour argent comptant, affirmant à mon tour qu’on ne pouvait pas changer, aujourd’hui, je ne suis plus du tout d’accord avec ça.

Mon état d’esprit a changé. De pessimiste à l’adolescence, je suis devenue optimiste à l’âge adulte. De suicidaire et dépressive, j’ai retrouvé le goût et la joie de vivre. Après une période où j’ai été profondément triste, je suis à nouveau extrêmement heureuse. Ma situation a aussi grandement évolué. Après mon divorce, je suis restée célibataire pendant presque dix ans. Aujourd’hui, je suis en couple avec un homme extraordinaire et extrêmement heureuse et amoureuse. Après 24 ans de T.C.A., je suis sevrée depuis plus de deux ans et je n’ai vraiment pas le sentiment d’être en sursis, à l’abri d’une rechute. Cet épisode est bel et bien derrière moi. Enfin, après m’être prostituée pendant 14 ans, j’ai enfin pu me consacrer à l’écriture, le métier dont je rêvais et qui me paraissait inaccessible pendant des années. Je ne vous fais pas l’étalage de mes réussites pour être glorifiée ou félicitée, mais bien pour vous montrer que OUI, TOUT EST POSSIBLE, Y COMPRIS DE TOUT CHANGER.

Selon moi et mon retour d’expérience, quand on veut réellement quitter une addiction, tout va d’abord se jouer sur le mental. Bien souvent, le corps, lui, est complètement prêt. Après des années à avoir tiré sur la corde, ce dernier est très souvent à bout et n’attend qu’une chose, que vous lui fichiez la paix et que vous preniez les choses en main.

Je ne saurais dire si changer est vraiment compliqué, comme certains le prétendent, mais je sais que, si cela demande beaucoup d’efforts, cela en vaut vraiment la peine. Une guérison totale et définitive sera votre plus belle récompense. Pour être passé de l’autre côté de l’addiction, je peux affirmer aujourd’hui que continuer à souffrir de T.C.A. ad vitam aeternam est bien plus difficile et compliqué à vivre que de se lancer dans la grande aventure du sevrage, aussi effrayante soit-elle.

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