Le prince, la princesse et la sorcière
Il était une fois, une sorcière entre deux âges vivant seule dans les bois.
Elle était dans sa chambre en train d'écrire tranquillement son grimoire quand soudain, deux ombres menaçantes apparurent derrière elle sans crier gare.
La sorcière se retrouva alors étalée dos au plancher, en train de fixer d'un air désabusé un homme en train de lui poignarder continuellement le coeur sous l'oeil amusé d'une jeune fille blonde aux allures de poupée.
La douleur aurait pu être présente si ces blessures n'étaient pas issues de son ame mais même là, elle ne ressentit rien.
Ce n'était qu'une illusion après tout.
La sorcière tourna alors sa tête pour distinguer les pieds menus d'une petite fille en train de tenir une peluche contre son coeur, cachant temps bien que mal, la tache ensanglantée sur sa robe.
Son air blasé la fit sourire bien qu'elle remarquat que l'enfant semblait quand même irritée, voire frustrée.
Elle incarnait son coeur, après tout.
"Pourquoi tu le laisses faire?, lui demanda-t-elle en poussant un soupir.
- Toi qui es mon coeur sais très bien la réponse, lui répondit la sorcière d'un ton las, apparemment, le "prince" que j'ai jadis aimé n'a pas supporté que je ne devienne pas sa poupée rare et précieuse, raconta-t-elle en regardant brièvement son tortionnaire, et son épouse ne veut pas que je sois hors de controle, non plus. Elle est persuadée que je suis elle alors qu'elle est aussi blonde et pale que je suis brune et mate, ajouta-t-elle en fixant cette fois-ci le plafond, des fois, je me dis que mon don est un fardeau.
- Etre un miroir magique aide beaucoup de gens, même s'ils nous détestent souvent pour ça, tenta de la rassurer la petite fille, refléter leur partie sombre, ça ne contribue pas beaucoup aussi.
- La preuve, railla la sorcière en désignant le prince du menton, ils cherchent à me retenir sans se rendre compte que plus ils le font, plus la folie les gagne." Elle eut un rire amer. "Ils ont du bien rire à mes dépends avec leurs amis durant les années où j'ai recommencé à écrire.
- C'est vrai que la princesse t'a fait croire qu'elle était ton lectorat, remarqua la petite fille, à croire que son prince ne lui suffit pas apparemment.
- Honnêtement, je m'en moque de leurs vies, soupira la sorcière avant de prendre le poignet du prince pour le rejeter une fois pour toutes, de toute façon, ils ne sont que là que parce que Père et sa maitresse m'ont maudite. Il est temps de conjurer le mauvais sort, poursuivit-elle en se levant doucement. Ses membres étaient encore peu raides et son esprit embrumé mais elle devenait de moins en moins docile au crédo tacite laissé par son géniteur.
"Aimer, c'est d'accepter sans broncher tout ce que je te dis de faire.
Aimer, c'est uniquement me servir.
Aimer, c'est de te sacrifier pour moi si nécessaire."
La petite fille disparut avec le sourire tandis que le prince et le princesse tentèrent d'enchainer la sorcière mais celle-ci fit disparaitre les entraves d'un mouvement de la main :"Fini de jouer les enfants."
La sorcière croisa les bras en secouant la tête :"Je pense que j'ai été un peu trop gentille avec vous. Vraiment." Ses yeux sombres se posèrent sur le prince.
Avant, elle aurait pleuré, le coeur lourd d'une nostalgie empoisonnée, ou elle serait en colère, frustrée avec l'aigre sentiment d'avoir été incomprise.
Maintenant, son coeur n'était qu'une froide indifférence. "Nous ne serons plus ensemble, toi et moi. A toi de l'accepter, lui dit-elle en avançant vers lui, je ne ressens plus le coeur du prince que j'ai connu par le passé et je le sais au fond de moi. Son amour est mort. Celui que j'ai aimé et qui m'a aimé en retour n'est plus là. Ou alors, il n'a été qu'une illusion. Je suis en train d'en faire le deuil en tous cas."
Elle leva la main pour faire disparaitre le fantome. "Il vaut mieux que tu restes auprès de ta princesse qui t'a soumis à sa volonté. Vous allez bien ensemble."
La sorcière se tourna ensuite vers la princesse. Celle-ci était en train d'exploser de colère et faisait une crise en s'accrochant à elle. "Tu dois rester... avec nous, s'époumonna-t-elle d'une voix criarde, sans toi, le prince ne pourra pas m'aimer totalement et puis... TU ES MOI!, hurla-t-elle, TU ES LE SOLEIL ET JE SUIS LA LUNE, ON EST JUMELLES ET OPPOSÉES DONC ON...
- ... Je ne suis pas toi et tu n'es pas moi, la coupa calmement la sorcière, nous sommes différentes aussi bien physiquement que mentalement. Oui, nous avons des façons de voir très opposées mais ça ne justifie pas que je doive céder à tes caprices et surtout à tes délires sans queue ni tête."
La sorcière marqua une pause. "A cause de mon pouvoir de miroir magique, je ne fais que refléter ce que tu détestes chez toi tout le temps mais au lieu de faire en sorte de t'en guérir... Non, oublie, finit-elle en lui adressant un sourire narquois.
La sorcière leva de nouveau sa main. "Une dernière chose. La vérité se sait toujours et au moment où l'on s'attend le moins donc un conseil : serre bien les dents quand elle te tombera dessus ou quand je la découvrirai. Dis-le aussi à ton prince. Sur ce, je vais vous laisser dans mes souvenirs révolus."
Le fantome de la princesse disparut dans une trainée de pailettes noiratres. La sorcière s'épousseta alors et s'assit de nouveau devant son grimoire, un sourire apaisé se formant sur ses lèvres.
Ses bras et ses jambes étaient devenus moins raides, les fils liés à ses articulations disparaissaient petit à petit.
La malédiction allait bientôt prendre fin, ça ne faisait aucun doute.
Ce serait aussi le temps d'un au revoir à un monde qui ne lui correspondit plus.
Annotations