Jalousie.
Je l’envie. Il réussit tout et sans aucun effort ; s’en est troublant. Pourquoi lui et pas moi ? Pourquoi dois-je travailler pour obtenir de médiocres résultats quand lui passe son temps à se prélasser pour obtenir les mêmes que moi ?
Je sais ce que je veux. Je le veux depuis toujours. Mes études seront longues ; courtes si j’échoue. Et lui, que veut-il ? Il ne sait pas. Quand il est perdu dans cet océan de métier dans lesquels il nage, moi je suis perdue dans mes cours dans lesquels je me noie.
Il est sage. « C’est un brave garçon » comme dit ma grand-mère. Il fait tout et ne dit rien. C’est qu’il est bien élevé, l’aîné de la famille. « Et toi ? De qui tu tires ? Ce n’est pas ma fille qui a un caractère de cochon comme le tient ! » dit-elle. Je sais qu’elle m’aime. Lui, elle l’adore.
Non, je ne l’envie pas. Je le jalouse.
« Oh non il ne faut pas que je mange trop gras je risque de prendre des kilos ! »
De quoi tu te plains pouffiasse tu fais 60 kilos tout mouillés ? Ne m’as-tu pas vu ? Certes, j’ai des seins que tu n’as pas, mais tu veux le reste ?
« Oh arrête, tu n’es pas grosse ! ». Non, c’est vrai. Mais je ne te ressemble pas. Si seulement. Pouvoir me mettre en maillot de bain sans garder les bras en travers de mon corps est un rêve que j’essaie durement d’exaucer. À la salle je te regarde soulever ton corps par la seule force de tes abdos et je t’envie tellement que j’en pleurerais. J’en ai déjà pleuré. Plusieurs fois.
Non, je ne t’envie pas. Je te jalouse.
J’ai mis des années à accepter ma jalousie. Pourtant elle est présente, un peu comme un cancer. Elle me ronge doucement sans que je ne m’en aperçoive. Mais un jour elle se montrera au monde entier. Ce jour-là j’arriverais peut-être à m’accepter moi-même, et alors je pourrais dire à tous ces gens mince et intelligent que je ne les envie plus. Non, que je ne les jalouse plus.
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