Chapitre 5
Quelques instants après ma nomination officielle, une voiture et son escorte s'arrêtèrent au pied de l'immeuble.
Les bottes des soldats de la Chancellerie résonnèrent dans toute la cage d'escalier. Le vacarme s'arrêta à mon étage. On frappa à la porte. Une fois.
Une seconde fois, avec insistance.
Dans un ultime effort, je me séparai de Colette pour ouvrir aux hommes. Devant moi, sur le palier, se tenaient un officier et ses hommes. Ils me saluèrent sur le champ. Le gradé s'avança, un papier à la main.
_ Au nom de l'État Providence, je vous présente tous mes respects et vous invite à me suivre pour vous aider à accomplir vos nouveaux devoirs.
Sans un mot, je pris alors ma casquette et la valise que j'avais préparées à contrecœur lorsque j'avais pressenti l'issue de ce tirage. Je serrai une dernière fois Colette dans mes bras.
_ Ne t'en fais pas, ça va aller, lui dis-je sans vraiment y croire.
Je lui caressai la tête, doucement, pour qu'elle se calme. Elle profita de mon contact jusqu'au dernier instant.
Au troisième signe d'impatience du militaire, je pris le chemin du départ, résigné.
L'officier, avant de m'emboiter le pas, jeta un coup d'œil au tableau d'Abdelkrim Bouader, abandonné à côté d'un chiffon. Il fit un pas vers Colette.
_ Je comprends votre empressement, chère madame. N'ayez crainte. La photo officielle de votre mari, aujourd'hui élu Chanceux Chancelier par les lois du hasard, vous sera portée dès demain. Elle remplacera le portrait ici présent. Je m'y engage personnellement !
Après un salut militaire, il referma la porte derrière lui, laissant Colette seule, au milieu du salon.
Dehors, la foule s'était massée devant l'immeuble. Les soldats de la garde parvenaient, non sans mal, à contenir les hommes et les femmes qui encerclaient le véhicule officiel. On me pressa d'y monter, par anticipation du débordement qui allait survenir. J'obtempérai, me glissant sur les sièges arrière. Les lourdes portières se refermèrent après moi, étouffant le brouhaha de l'extérieur.
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