A table !
Le repas fut sans surprise. Ses parents et Mamie Rose déblatérèrent sur l’augmentation du coût de la vie, le mariage gay, les incivilités, les chômeurs et, bien sûr, les immigrés. Elise n’avait qu’une hâte, que le repas s’achève pour fuir ces paroles haineuses. Défendre ses positions, s ’insurger ou argumenter n’aurait servi à rien, ils étaient murés dans cette idéologie et n’en démordraient pas. Mieux valait se taire et ignorer leurs propos.
Elise se réfugia donc une fois de plus dans ses pensées en laissant son regard s’évader. Il se posa en premier lieu sur le petit vase Médicis en opaline bleue, seul rescapé de leurs jeux d’enfants. A ce souvenir, elle ébaucha un sourire. En réponse, le vase sembla s’incliner, comme pour saluer l’hommage qui lui était rendu. Etrange ! Elle secoua la tête et reporta ses yeux sur le petit buffet Louis XV en acajou. Était-elle en train de devenir folle ou avait-elle bien vu l’un des tiroirs s’entrouvrir et se refermer aussitôt ? Et comment expliquer que, sous son regard, la marquise au velours pourpre ait viré au cramoisi ?
Ce séjour se transformait en cauchemar. Elle avait le sentiment d’être plongée au milieu d’une gigantesque farce. Les objets de son passé s’étaient-ils accordés pour lui faire des plaisanteries douteuses ? Elle prétexta la fatigue du voyage pour se retirer dans sa chambre. Songeuse, elle s’installa devant le miroir de sa coiffeuse avec la crainte secrète de voir apparaître un visage autre que le sien. Heureusement, nulle facétie ici, son image la rassura …. Elle se sentait un peu sotte de s’être ainsi laissée aller à la peur. Elle alluma son Ipod et sa playlist se mit en route.
Entraînée par la musique, Elise commença enfin à se détendre. Restait toutefois dans la pièce un bruit sourd et lancinant. Un martèlement régulier qui semblait même s’intensifier. Elle refusa d’y prêter attention.
C’était maintenant des coups violents frappés contre la porte. Elle s’ouvrit violemment. «Ben alors, qu’est-ce que tu fous ? Tu vas encore rater le p’tit déj ! » Elise se réveilla en sursaut, c’était Florence, l’éducatrice du foyer de la DDASS où elle avait été placée à sa naissance.
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