Chap 8-1 Retour en grâce
« Bonjour Dame Xena, fit le vendeur avec un grand sourire.
— Bonjour Lancelot.
— Ma chère Xena, je suis enchanté de vous revoir si rapidement dans notre boutique Grâce !
— Tout le plaisir est pour moi.
— J’avais tout de suite perçu en vous un énorme potentiel de développement, à la fois émotionnel et physique, mais je ne m’attendais pas à ce que vous en preniez conscience vous-même aussi rapidement ! J’en suis absolument ravi, enchanté ! »
Décidemment, Autremonde n’avait rien à voir avec la vie réelle. Quel vendeur oserait sortir un tel baratin à une cliente dans une boutique du centre. D’un autre côté, quelle boutique du centre proposait des cours de maintien ? Elle n’était pas certaine de comprendre ce que Lancelot sous-entendait avec son commentaire mais elle évita de poser la question, n’étant pas certaine d’aimer la réponse.
« J’ai rendez-vous avec quelqu’un, précisa-t-elle, ne sachant pas vraiment ce qu’on attendait d’elle.
— Je sais, je sais. Monsieur Black a déjà passé commande pour vous et m’a informé que Dame Mona vous accompagnerait. Elle n’est pas encore arrivée, mais qu’à cela ne tienne, nous pouvons déjà prendre connaissance ensemble des différents packs.
— Pardon ? Monsieur Black a commandé des packs pour moi ?
— Rien que le meilleur, le fin du fin ! Monsieur est connaisseur. Pack spéciaux MX1, MX2 et MX3. Les meilleurs mouvements de danses et les combinaisons les plus récentes en matière d’action, sport, sensualité, c’est une gamme très large. Nous n’aurons pas le temps de tout voir ensemble aujourd’hui. Vous avez dû lui faire forte impression pour qu’il décide de vous offrir des produits d'une telle valeur.
— Mais… mais… vous voulez dire qu’il les a payés ?
— Bien sûr, tout est réglé.
— Mais je ne peux pas accepter !
— Ah je suis désolé, il faudra régler ce point avec lui. Je ne suis qu’un commerçant. On me paie et je délivre la marchandise. Mais avant de refuser, je vous conseillerai de faire un essai, cela ne coûte rien.
— Xena, ne te formalise pas pour si peu ! » fit une voix féminine.
Elle se tourna et se retrouva face à face avec Mona. La jeune femme resplendissait d’élégance dans un paréo coloré qui lui enlaçait le corps avec volupté. Elle était surmontée d’un grand chapeau tissé bleu marine qui lui donnait l’air d’une diva.
« Bonjour Dame Mona, quel plaisir de vous revoir !
— Le plaisir est partagé, mon cher chevalier servant.
Puis, s’adressant à Xena : « Ma chère, ne t’inquiète pas de recevoir ce genre de cadeau. Les codes de la bienséance sont différents dans Autremonde. Quand on apprécie quelqu’un, il n’est pas inhabituel de lui offrir de quoi le mettre à l’aise. Et ne t’imagine pas être une exception. Henry a offert à tous ses amis ce genre de packs à un moment ou l’autre.
— Mais on se connait à peine !
— Que t’importe ! Vois-le comme un pari de sa part, il espère que ça te motivera à rester encore avec nous. On a toute vu que tu t’amusais dans la discothèque, mais aussi que tu étais un peu raide par rapport aux autres. C’est normal, tu n’avais qu’une panoplie limitée de mouvements, sans compter le fait que tu n’aies pas l’habitude de les utiliser. Et entre nous, je trouve que tu t’en es très bien sortie !
— C’est gentil, mais, à côté de vous, je devais paraitre ridicule.
— Pas du tout ! D’ailleurs, la plupart des résidents se montrent très indulgents envers les nouveaux arrivants qui montrent une vraie volonté de s’intégrer. »
Sonia ne voyait pas trop ce qu’elle avait fait pour laisser une telle impression. Mona dut ressentir sa surprise. « Tu es curieuse, tu tentes, tu t’intéresses aux autres et on voit que tu respectes ton avatar !
— Que je respecte mon… ? Ah bon ?
— Si je te le dis ! On voit tout de suite quand quelqu’un a passé dix minutes à créer son avatar ou deux jours à le peaufiner. On a tout de suite vu que tu as passé une éternité à affiner chaque détail.
— Vous avez vu ce genre de chose ? »
C’était gênant. Elle avait voulu donner un aspect plus commun à son avatar pour ne pas mentir – qui sait ne pas se mentir ? – avec comme résultat qu’elle s’était mise à nu pour un œil averti. Mona éclata de rire. « Tu n’as encore rien vu ! Avec l’expérience, ton regard sur Autremonde s’affûtera, tu percevras une foule de détails qui t’échappent encore. Pour résumer, tu prends les packs et tu dis merci ! Pas besoin de rembourser, Henry a les moyens et pour lui ça revient à acheter un croissant. Quand tu verras son bateau de luxe, tu comprendras ce que je veux dire. »
Que répondre à ça ? Était-ce vraiment logique qu’une personne rencontrée la veille lui fasse de somptueux cadeaux valant… valant… un croissant ? Bon, présenté ainsi, le cadeau ne semblait pas fabuleux, mais elle soupçonnait le prix réel équivaloir à une montagne de croissants.
« Si vous me permettez, coupa Lancelot, je vous propose de charger les packs et passer dans la zone d’essayage.
— Merci, dit Mona. Mieux vaut ne pas perdre trop de temps, je dois encore amener Xena acheter un maillot. Il lui faut quelque chose de correct pour notre sortie en bateau ! »
Il amena Xena dans la cabine d’essayage, petite pièce octogonale entourée de miroirs permettant de voir son avatar sous toute les coutures. Elle y avait déjà mis les pieds lors de sa première visite. Néanmoins, elle ne réalisait qu’à présent la particularité du lieu : les miroirs mis face à face ne créaient pas de projections infinies comme dans la réalité, Autremonde soumettait les règles de la physique à son bon vouloir. Lancelot lui énuméra les blocs de mouvements inhérents à chaque pack. « Pas une seule danse ne peut vous échapper, affirma-t-il. A condition bien sûr que vous soyez disposée à apprendre à danser ! ».
En résumé, son avatar allait pouvoir reproduire n’importe quel pas de danse, mais il n’allait pas danser pour elle. Elle devrait apprendre à utiliser les mouvements. C’est là qu’intervenait la notion de combinaison ou combo. Moyennant une programmation simple préalable, il était possible d’effectuer des enchainements spectaculaires sans devoir les exécuter soi-même dans son salon. Il existait des cours à cet effet, cours d’autant plus nécessaires pour danser en couple. A entendre la complexité et l’étendue des possibilités offertes en la matière, Sonia en vint à croire qu’il lui serait plus facile d’apprendre à danser dans la vraie vie que dans Autremonde.
« Tu devrais voir les compétitions de danse, commenta Mona, c’est la classe ! ». Sonia constata dans la liste un large éventail de mouvements dit « sensuels » très spécialisés, permettant le cas échéant d’exécuter sans dommage toutes les positions du kamasoutra. Lancelot eut néanmoins la décence de ne pas trop s’attarder sur cette catégorie.
Après le cours de gestuelle accéléré, Mona emmena dare-dare Xena dans une boutique de sous-vêtements féminins du nom de Chrysalide. Encore sous le choc des métamorphoses de Xena, Sonia se laissa guider sans broncher à travers les rayons de maillots dernier cri. Mona ne s’attarda pas sur les modèles à une pièce, pourtant attrayants, et cibla directement les bikinis de luxe. « Pour toi, ma belle, dit-elle, je vois un ensemble sexy, mais pas criard. Il faut que les hommes se retournent vers toi, mais pas avec des pensées lubriques ! Il faut conserver ton côté guerrière, farouche ! »
« Séduction, mais sans provocation ! C’est mon credo ! » ponctua-t-elle d’un rire.
Au terme d’une interminable séance d’essai, Sonia choisit un bikini noir décoré d’une dentelle fine et d’une grosse boucle en or maintenue par une ceinture à plis horizontaux, et qui, selon Mona, faisait ressortir le vert de ses yeux. La dentelle et la ceinture donnaient du cachet à un vêtement par ailleurs réduit en surface, destiné à mettre en valeur fesses et poitrine. Séduction, mais sans provocation... pensa Sonia un peu perplexe. Au fond, est-ce que Mona ne lui avait pas laissé l’illusion de choisir l’ensemble sur lequel elle-même avait jeté son dévolu depuis le début ? « Tu es divine ! lança sa compagne. Pas besoin de te changer ! Passe en caisse et en route pour l’aventure ! »
Sonia eut un petit pincement au cœur en voyant la note. Trop tard, elle ne pouvait pas faire marche arrière. Pas maintenant. Néanmoins, il fallait relativiser. Pour l’équivalent de quinze dollars, elle s’offrait une porte d’entrée pour la face cachée d’Autremonde. A y repenser, ce n’était pas si cher payé et for peu en comparaison de tout ce qu’on lui avait offert. Cela étant dit, mieux valait rester sur ses gardes au cas où Mona décidait de l’emmener à nouveau faire les boutiques. C’était presque trop facile de mettre les vêtements dans un panier d’achat. Et trop facile de payer.
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