13-6 Une galaxie dans les yeux
Elle constata non sans intérêt que la barre de plaisir sexuel était montée d’un cran. Apparemment, son partenaire savait ce qu’il faisait. Elle attendait le moment où il lui proposerait la position horizontale. Pourtant, il n’en fit rien. Il retira ses lèvres et resta un long moment le regard plongé dans celui de Xena. C’était comme s’il la voyait pour la première fois. Rien de tout cela n'était vrai. Alors pourquoi était-elle troublée par ce long silence ?
Allons, ressaisis-toi, si ça tombe il est juste aller faire pipi...
Il lui prit la main et la guida à l’ombre d’un cocotier au tronc torturé.
« C’est le moment… » dit-il. Sonia attendit le « …de passer aux choses sérieuses », mais Henry était, semble-t-il, assez gentleman pour éviter ce lieu commun.
Xena et Henry s’embrassèrent avec force, accompagnant les baisers torrides de caresses toujours plus explicites. De son côté, Sonia se perfectionnait dans la fonction « accepter » que chaque nouvelle proposition requérait. Enfin arriva la demande de retirer son haut. « Accepter ». Le joli haut rose et rouge gisait maintenant aux pieds des protagonistes tandis que la poitrine de Xena se pressait contre le torse de son amant. Puis vient la demande de retirer le bas. « Accepter ». Henry lentement baissa le maillot jusqu’au pieds nus de Xena, adossée contre le tronc courbé de l’arbre. La lumière rasante se reflétait sur sa peau tannée. Ses seins pointaient hauts. C’est moi où les tétons sont plus longs que d’habitude ? De petites taches rougeâtres étaient apparues sur ses joues. La barre de plaisir venait de monter encore. Henry remonta doucement en caressant lentement ses mollets, puis ses cuisses, s’arrêtant à son entre-jambe ce qui fit sursauter Xena ainsi que la barre de plaisir, puis ses mains montèrent le long de ses hanches. Il suçota le téton droit de la jeune femme, qui eut un nouveau tremblement de plaisir, accompagné d’un petit cri. Sonia tiqua.
C’est Xena qui a fait ce bruit ? Mais elle pourrait demander !
Bientôt leurs lèvres se soudèrent à nouveau, et les deux amants redoublèrent de caresses. Sonia s’étonnait de la complexité de la relation sexuelle que les concepteurs avaient élaborée. C’était un savant mélange de fonctions manuelles et de réactions automatisées des avatars. Toute l’alchimie consistait à donner le pouvoir de choisir les mouvements sans être esclave de la mécanique des commandes. On voulait que les joueurs puissent eux aussi profiter de l’instant. Oui, enfin, surtout les joueurs masculins…, se dit-elle. Parce qu’en dehors de l’objectif désigné de gagner des points de bonheurs, elle se voyait mal se projeter en ce moment même dans la tête de Xena et savourer les sensations dont son alter-ego semblait jouir, et ce même si elle-même aurait pu facilement gérer la dynamique avec une seule main. Oh non ! Je veux pas savoir !
Perdue dans ces pensées dérangeantes, elle n’avait pas remarqué que son partenaire avait perdu son bermuda et entamé des frottements explicites qui ne demandaient qu’à s’approfondir. D’ailleurs, la barre de plaisir ne s’y était pas trompée et avait atteint la moitié de sa longueur maximale.
Pendant tout ce temps, Henry n’avait pas pipé mot. Ce qui était à la fois bien et perturbant. Elle ne voyait pas trop ce qu’il aurait pu lui raconter d’intéressant. Elle ne voulait pas parler du beau temps et encore moins connaitre le secret des techniques qu’il utilisait pour faire tressaillir Xena. D'un autre côté, elle n’osait pas s’imaginer ce qu’il faisait ou ne faisait pas derrière son écran. Comme s’il l’avait entendue, son compagnon brisa le silence. « Xena, il est temps d’aller cueillir les points de bonheur que nous avons semé ». La demande de pénétration arriva juste après.
« D’accord… pénétration… »
Le mot s’imprégnait en gras sur son écran avec l’option « accepter » – « refuser ».
Bon… j’aurai préféré… communion… faire l’amour…
Elle accepta la requête. Le mouvement fut brusque. Xena émit un gémissement aigu. La barre de plaisir chuta d’un coup.
Elle a eu mal ? s’étonna-t-elle.
Xena grimaça et semblait respirer difficilement.
« Henry… c’est normal ?
— Ne t’inquiète pas. C’est toujours comme ça la première fois. »
Son compagnon commença ses mouvements en douceur et la barre reprit son ascension. Peu à peu, il intensifia la cadence de ses va-et-vient et la respiration de Xena s’accéléra. Son visage s’empourpra davantage. Le réalisme des réactions de la femme en phase de plaisir en était presque énervant.
Depuis quand est-ce que Xena respire ! s’indigna Sonia.
Elle pouvait courir cent kilomètres sans s’arrêter, faire des bonds de trois mètres, nager pendant trois heures, et combattre des dinosaures sans souffler une seule fois, et là, un type arrivait avec ses petits coups de bâton et elle suffoquait !
La jauge avait atteint les deux-tiers du niveau de plaisir maximal et était passée de la couleur verte à la couleur orange.
« Il faudrait, annonça Henry, qu’on puisse atteindre l’orgasme ensemble.
— Comment est-ce qu’on fait ?
— Les deux barres de plaisir doivent atteindre leur maximum en même temps.
— D’accord, et c’est difficile ?
— Il faudrait que tu commences à participer aux mouvements et qu’on se synchronise. »
D’emblée, l’exercice s’annonçait difficile. Sonia avait bien vu qu’elle avait à sa disposition tout un attirail de mouvements possibles, allant de l’oscillation du bassin, des va-et-vient, des caresses avec les bras ou mêmes avec les jambes, en plus du classique suçon dans le cou. La liste était très longue, et devait pouvoir satisfaire toutes les tendances sexuelles, même si certaines propositions sado-masochistes semblaient relever davantage du châtiment. Bien sûr, elle s’était jusque-là bien gardé de jouer avec les différents mouvements, ne voulant casser la dynamique bien huilée de son amant. Mais il semblait à présent qu’elle devait se lancer dans la bataille. La tâche s’annonçait d’autant plus difficile qu’elle n’avait atteint que les deux-tiers de la barre de plaisir. Et pourtant Xena semblait déjà à fonds dans son rôle.
Elle opta pour les oscillations du bassin. Le résultat fut très encourageant. Xena gémit à plusieurs reprises, pressant sa poitrine contre son amant. La barre monta de plusieurs crans. La participation aide au plaisir, nota-t-elle studieusement. Elle tenta plusieurs des variantes proposées, mais constata qu’arrivée aux trois-quarts, la barre tendait à redescendre si elle gardait un rythme constant. Elle augmenta alors la cadence et joua sur les variations du corps. Très vite, la barre passa dans le rouge alors que Xena poussait des cris et commençait à transpirer.
« Pas si vite ! lui intima Henry. Je ne peux pas suivre ! ».
Sonia partagea son analyse sur l'instabilité de la jauge, la forçant à accélérer pour ne pas retomber.
« C’est parce que nous ne sommes pas assez synchronisés. Si on veut atteindre le coefficient multiplicateur, il faut finir ensemble.
— Comment on peut faire ?
— Je vais prendre la main. Si tu me laisses gérer les deux avatars en même temps, je peux les amener à l’orgasme de façon synchronisée.
— Tu peux prendre le contrôle de Xena ?
— Si tu me le donnes. Ça te va ?
— Bon. D’accord. »
« Demande de contrôle : accepter - refuser ».
Sonia pressa sur « accepter » pour la deux-cent-cinquante-troisième fois en dix minutes et tout son menu « action » passa en mode grisé. Elle n’avait plus la main. Par contre, les deux amants redoublaient déjà d’efforts, s’embrassant avec énergie tout en gardant un rythme soutenu de va-et-vient, chacun s’écartant et se rapprochant en même temps. Henry saisit les cuisses de Xena et la souleva contre l’arbre, effectuant des mouvements de plus en plus amples. Xena souleva son visage vers le ciel comme pour implorer les dieux de la libérer de cette emprise.
« Regarde, dit-il, regarde tes yeux. Ils brillent d’une intensité que tu ne reverras jamais plus. »
Sonia, curieuse, amena l’angle de vue sur le visage de son avatar ; il y avait quelque chose d’un peu troublant à regarder de face celle qui devait être elle, en train de se faire bousculer ainsi, la bouche ouverte, le souffle court, les yeux grand ouverts. Mais Henry disait vrai. Les yeux de Xena pétillaient d’une intensité incroyable, on aurait dit qu’une pluie d’étoiles peuplait ses pupilles.
« Tu le vois ? insista-t-il.
— Oui.
— C’est le regard de la première relation sexuelle. Lorsqu’une femme va jouir pour la première fois. Ce regard n’apparait qu’une fois. »
C’est dommage, pensa Sonia. C’était joli, des yeux envahis par une galaxie. Xena avait recommencé à gémir. À plusieurs reprises, elle cria.
C’est bientôt la fin...
La barre était dans le rouge depuis un moment. Elle flirtait avec les 100%. Xena avait croisé ses jambes autour de la taille de son amant, il lâcha une cuisse et saisit un des seins gonflés. Il titillait le téton. Un cri. Il baissa la tête et suça avec vigueur. Un autre cri. Ses seins étaient beaucoup plus gros que la normale. Était-ce l’acte sexuel qui doublait leur taille ? Ou quelque magie de l’eau libidineuse ? Elle qui avait mis un point d’honneur à reproduire sa poitrine de façon réaliste, on n’y était plus du tout.
Xena criait, et criait encore, prise de secousses. Ça en devenait presque angoissant. Si ça continuait, elle allait lui faire une crise cardiaque. « J’y suis presque, souffla Henry. Encore un petit effort ». Il avait l’air très concentré en parlant. « Maintenant ! » s’exclama-t-il. Sonia sursauta de surprise. La barre se bloqua au maximum. Le terme « orgasme » s’afficha en rouge. Les deux amants firent une série de mouvements rapides, brusques, alors que Xena hurlait à gorge déployée ; puis, elle fut prise de convulsions et cria encore plusieurs fois en secouant ses fesses. Les amants se figèrent, eurent à nouveau quelques contractions et se relâchèrent pour de bon.
Le soleil était à moitié sous eau. Il n’était pas un peu lent à se coucher, ce soleil ? Ou alors il voulait profiter du spectacle, lui aussi ?
Sonia observa sa guerrière. Elle était en nage. Son regard si brillant l’instant d’avant s’était quelque peu éteint. Était-elle fatiguée ? Ou était-ce son regard normal qu’elle venait de récupérer ?
« Waouh ! fit Henry. 5,750 points ! Je n’en reviens pas ! »
« Ils » avaient réussi ! Henry était ravi.
C’était le firmament de la relation amoureuse. Une relation sexuelle banale pouvait rapporter quelques centaines de points. Mais ici, les effets démultiplicateurs combinés de l’eau libidineuse, de la première relation sexuelle de Xena, des préliminaires et du travail de synchronisation, avaient créé un résultat improbable. Jamais, il n’avait entendu quiconque atteindre un tel niveau.
« Je crois, ajouta-t-il, que tu as un niveau de libido intrinsèque bien au-dessus de la moyenne. Ce qui est rare pour une guerrière ! »
Ça me fait une belle jambe…, soupira Sonia pour elle-même. Comme guerrière je vaux pas deux sous. Par contre, comme fille de joie, à moi la fortune…
« Moi qui avais peur de retomber sous la barre des 30,000 points rapidement ! Tu ne sais pas comme je suis heureux là ! »
Maintenant que les deux amants rassasiés s’étaient séparés, Sonia découvrait pour la première fois la taille du membre que son compagnon avait attribué à son avatar. Ce n’était pas triste. Même au repos, l’animal était imposant. Pas étonnant que Xena hurlait comme une folle. Comme quoi, il avait beau se la jouer gentleman et romantique, l’homme moyen faisait toujours une fixation sur la taille de son sexe. Et Autremonde donnait là aussi l’opportunité de satisfaire aux rêves les plus fous.
« Je peux me rhabiller maintenant ? demanda-t-elle avec un brin d'ironie.
— Oui, fit Henry. Oui bien sûr, on a fini.
« Mais on n’est pas obligé de repartir tout de suite. »
« On peut s’asseoir quelques minutes sur la plage... »
« ...et profiter du coucher de soleil. »
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