Premier appart’.5
V. Trouver la clé
Me serais-je trompé de couleur ? J’essayai alors les autres clés, mais sans plus de résultat.
Il était 19 heures. Le bureau de location était déjà fermé. J’eus alors l’idée de redescendre l’escalier, mon petit sac à denrées toujours dans ma main, car je savais que le gardien de ce bâtiment habitait dans un immeuble mitoyen.
Lorsque j’arrivais devant sa loge, située au rez-de-chaussée, j’eus l’étonnement de voir une pancarte suspendue à sa porte grise : « Fermé pour cause de décès ».
Étonné par cette inscription, car le matin-même le bonhomme avait tout de même pu réceptionner mes meubles ; il était donc à ce moment-là encore bien vivant. Je n’osais croire que c’était la réception de mes quelques affaires qui avait pu le faire passer ainsi de vie à trépas.
Je retournai à mon appartement, en essayant de réfléchir à quel voisin je pourrais demander de l’aide. J’eus l’idée, après m’être tapé une nouvelle fois les trois étages, de frapper à la porte de l’appartement de mon voisin de palier, car jamais je ne me serais amusé à demander de l’aide aux deux hippies enfumés qui s’asphyxiaient au rez-de-chaussée.
Je sonnais dont trois fois au numéro 32. J’attendis trois minutes. Je sonnais à nouveau trois autres fois, et puis j’abandonnais cette solution.
En plein désarroi, je décidais néanmoins de grimper un étage de plus, et repris mon exercice.
Je sonnais trois fois au numéro 41. J’attendis trois minutes. Je sonnais encore trois autres fois, et j’allais abandonner ma tentative, lorsque j’entendis une petite voix inattendue derrière la porte :
— Oui ?
Fort étonné, je lui répondis pourtant sans délai.
— Je suis votre nouveau voisin de dessous. Vous allez rire, … C’est mon premier jour ici, et ma clé ne fonctionne pas. Vous ne connaitriez pas un serrurier sérieux dans ce quartier, s’il vous plait ?
J’entendis alors le verrou de l’appartement tourner dans le mécanisme. Lorsque la porte s’entrebâilla, je découvrit une jeune femme, les cheveux en désordre, habillée d’un simple tee-shirt blanc long qui cachait son corps jusqu’à mi-cuisses mais qui ne masquait pas totalement ses formes. Elle semblait émerger d’une longue nuit de sommeil.
De son bras droit, elle s’étira en écartant les cheveux qui masquaient ses yeux, et après avoir baillé, elle me répondit :
— Quelle heure est-il ?
Sans réfléchir, je regardais ma montre, alors que je savais très exactement l’heure.
— 19h15.
— Si tôt !
Après avoir pris le temps de s’extraire de son profond brouillard, elle me répondit.
— Vous avez un problème avec votre clé ?
Un peu surpris par sa faculté de compréhension, au milieu de ce qui semblait être un parterre de beaux nuages roses, je répondis sans ambages.
— Oui, je suis allé voir le concierge pour en obtenir une autre, mais il est décédé.
— Décédé, Marcel ?
— Oui, c’est ce qui est marqué sur sa loge.
La fille, visiblement encore immergée entre deux eaux, s’essuya le front avec le dos de sa main.
— Bon, alors allez voir Max ; il a toujours un double des clés des appartements de l'immeuble.
— Max ? Ce nom me rappelait bien quelque-chose, mais quoi … ?
— Oui, il loge au rez-de-chaussée.
Soudain le souvenir du fumeur de H, me revint :
— Il faut que j’aille voir ce Max-là ?
— Eh bien oui, Max le poète. Porte de gauche, au rez-de-chaussée, vous ne pouvez pas vous tromper.
— Mais, il est le seul à posséder un double ?
La belle endormie me regarda sans vraiment comprendre ce que je voulais dire, mais comme j’avais sans doute dépassé mon temps de parole autorisé, elle referma doucement la porte, pour aller probablement se recoucher.
— Bonne nuit, dis-je en m’adressant à sa porte fermée.
Il fallait donc que mon chemin croise à nouveau celui de ce déphasé, qui avait réussi à hériter du titre de poète de cet immeuble. Poète des amphécaïnes et du LS.crak réunis, oui !
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