Prêchi-prêcha pour un précis pressé... (Discours 1ère partie, du lundi 10 décembre 2018)
Paris – Lundi 10 décembre 2018
Françaises, Français, nous voilà ensemble au rendez-vous de notre pays et de notre avenir. Les événements de ces dernières semaines dans l'Hexagone et les Outre-mer ont profondément troublé la Nation. Ils ont mêlé des revendications légitimes et un enchaînement de violences inadmissibles et je veux vous le dire d'emblée : ces violences ne bénéficieront d'aucune indulgence.
Nous avons tous vu le jeu des opportunistes qui ont essayé de profiter des colères sincères pour les dévoyer. Nous avons tous vu les irresponsables politiques dont le seul projet était de bousculer la République, cherchant le désordre et l'anarchie. Aucune colère ne justifie qu'on s'attaque à un policier, à un gendarme, qu'on dégrade un commerce ou des bâtiments publics. Notre liberté n'existe que parce que chacun peut exprimer ses opinions, que d'autres peuvent ne pas les partager sans que personne n'ait à avoir peur de ces désaccords.
"Le désordre et l'anarchie" : vos désirs sont désordre, chef ! Comment ces deux mots sont-ils liés dans l'esprit, n'est-ce pas, et pourtant n'ont rien à voir. Anarchie signifie absence de commandement, de hiérarchie. Par extension on imagine que sans pouvoir il n'y a pas d'ordre : un fantasme pour entretenir la peur. Il n'y a pas pire ennemi pour un État que les mouvements anarchistes : voyez la persécution sur la bande à Coupat.
"Chacun peut exprimer ses opinions" : encore faut-il avoir accès aux médias. Sinon, dans la vie courante on a vu que certain·e témoigne devant des caméras et le lendemain se retrouve au chômage. Alors oui, chacun·e peut exprimer ses opinions mais devra en "payer" les conséquences !
Quand la violence se déchaîne, la liberté cesse. C'est donc désormais le calme et l'ordre républicain qui doivent régner. Nous y mettrons tous les moyens car rien ne se construira de durable tant qu'on aura des craintes pour la paix civile. J'ai donné en ce sens au gouvernement les instructions les plus rigoureuses.
"La violence se déchaîne, la liberté cesse." Effectivement. Mais que faites-vous de la violence psychologique ? Celles de l'humiliation, du harcèlement, du mépris, distillés homéopathiquement depuis des lustres ? De quelle liberté parlez-vous ? Celle des puissants ?
Mais au début de tout cela, je n'oublie pas qu'il y a une colère, une indignation et cette indignation, beaucoup d'entre nous, beaucoup de Français peuvent la partager et celle-là, je ne veux pas la réduire aux comportements inacceptables que je viens de dénoncer.
Il y a eu un livre d'un homme incontestable, rappelez-vous, dont le titre "Indignez-vous !" avait plu beaucoup aux médias. Bon alors si tu veux pas réduire la colère à cette violence contestable, en quoi tu en tiens compte ? A contrario de la réduction, tu l'ériges en quoi ? Symbole, signe, métaphore ?
Ce fut d'abord la colère contre une taxe et le Premier ministre a apporté une réponse en annulant et en supprimant toutes les augmentations prévues pour le début d'année prochaine mais cette colère est plus profonde, je la ressens comme juste à bien des égards. Elle peut être notre chance.
C'est celle du couple de salariés qui ne finit pas le mois et se lève chaque jour tôt et revient tard pour aller travailler loin.
Bien. Pas mal. Mais y a pas que ça.
C’est celle de la mère de famille célibataire, veuve ou divorcée, qui ne vit même plus, qui n'a pas les moyens de faire garder les enfants et d'améliorer ses fins de mois et n'a plus d'espoir. Je les ai vues, ces femmes de courage pour la première fois disant cette détresse sur tant de ronds-points !
C’est celle des retraités modestes qui ont contribué toute leur vie et souvent aident à la fois parents et enfants et ne s'en sortent pas.
C’est celle des plus fragiles, des personnes en situation de handicap dont la place dans la société n'est pas encore assez reconnue. Leur détresse ne date pas d'hier mais nous avions fini lâchement par nous y habituer et au fond, tout se passait comme s'ils étaient oubliés, effacés.
Ce sont quarante années de malaise qui ressurgissent : malaise des travailleurs qui ne s'y retrouvent plus ; malaise des territoires, villages comme quartiers où on voit les services publics se réduire et le cadre de vie disparaître ; malaise démocratique où se développe le sentiment de ne pas être entendu ; malaise face aux changements de notre société, à une laïcité bousculée et devant des modes de vie qui créent des barrières, de la distance.
Cela vient de très loin mais c'est là maintenant.
Oui, oui, de très loin. Cela s'appelle l'injustice, l'Histoire. Le ton pris pour évoquer ce constat fut plein d'émotion (pseudo)compatissante. Prétexte, "chance" de nous révéler tes capacités d'empathie ?
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