Surprenant, tout l’est. Victor comble mes jours et mes nuits. Tout dans ses gestes, ses regards, ses sourires et ses petites attentions me font chavirer. Difficile de ne pas craquer quand il me dévore des yeux. Le moindre événement est prétexte à surprise. Aussi quand au cours du repas, il est arrivé avec une boule de poil dans les bras, je suis redevenu un gosse. Sarah, sa complice de la première heure, ne tient pas en place. Les cachotiers ont œuvré en toute discrétion, ils sont trop malins. Je me demande encore comment ils ont réussi un tel exploit.

Je n’en reviens pas, nous avions émis l'hypothèse de prendre un compagnon. L’hiver dernier, nous avons écumé les SPA du secteur, vu tant de bouilles attendrissantes, de regards suppliants attendant un maître bienveillant. Puis, l’idée est restée en suspens avec l’arrivée du voyage. Acquérir un animal engendrerait un coût supplémentaire. Nous avons lâché l’affaire, enfin Victor m’a suggéré de patienter, à notre retour nous pourrions nous pencher sur le sujet. En réalité, de son côté, il manigançait dans l’ombre pour réaliser un de mes rêves.

— Samy, il faut que tu lui donnes un prénom à présent qu’il t’a adopté, me dit Sarah tout en caressant ses longs poils à la robe bleu merle. Il paraît que c’est l’année des U.

— Ulysse, répondons-nous en chœur avec Victor.

La proposition fait l'unanimité. Difficile de ne pas craquer, le berger australien me pousse la main avec sa truffe noire tachetée de perles rosées. Je le prends dans mes bras, calé au chaud, doucement il pique du nez. Mes parents me précisent que l’éleveur s’est chargé de toutes les formalités. Les vaccins sont à jour et il a été pucé au cas où il viendrait à s’égarer. Perdre cette peluche aux yeux vairons. Impossible. Avec ses oreilles tombantes, sa queue recourbée et touffue, je suis tombé sous son charme.

— Samy, j’ai une autre surprise pour toi, ajoute Sarah en attrapant un paquet dissimulé sous la table.

— Ce n’est pas Noël, ni mon anniversaire, vous me gâtez trop, dis-je gêné.

— On va dire que c’est un investissement pour l’avenir, ajoute mon père avec un clin d'œil.

— Allez commence pas, me supplie Sarah qui se dandine sur sa chaise. Ouvre-le. C’est de la part de papa, maman, Sacha et un peu moi, j’ai cassé ma tirelire.

Je déchire le papier, un exploit au regard de tous et reste scotché. Le paquet me dévoile ses trésors : un appareil photo et une tablette graphique. Victor me connaît sur le bout des doigts, il sait que je réfléchis à la façon dont je pourrais les remercier. Il sent l'émotion me gagner et essuie la larme qui coule sur ma joue et me répond à voix basse avec tendresse :

— En attrapant les rêves filants de tes doigts sur la toile tissée par mes histoires.