Abracadabrant, une vraie formule magique. J’ai trouvé le cadeau idéal pour mon écrivain. Je me suis souvenu qu’au cours d’une discussion, Victor m’avait relaté ses joutes poétiques avec Arthur et ses amis lorsqu’il était de passage à Tours. Aussi avant notre départ, j’ai envie de lui réserver une surprise à la hauteur de la sienne. J’ai œuvré en secret et Maël m’a bien aidé. Je pense qu’il ne s’attend pas une seconde à ce que nous lui réservons. Mais avant de me rendre à la librairie, je dois m’assurer que je ne le trouverai pas caché dans une allée à bouquiner ou à acheter la moitié du rayonnage. Je lui envoie un message l’air de rien “j’ai égaré mon papillon, tu ne l’aurais pas croisé.” J’imagine que s’il n’est pas le nez dans un bouquin, la réponse ne devrait pas tarder. J’attrape mon sac et dévale les marches des escaliers et tombe nez à nez avec Vince. La scène me fait sourire, un peu comme le clown qui sort de la boîte à malice et nous fait reculer d’un pas.

— Eh bien, ma tête est si affreuse ? me dit-il en me serrant dans ses bras.

— Tu plaisantes, je ne m’attendais pas à croiser quelqu’un. Il y a longtemps que tu es arrivé ?

— On va dire que je suis comme le lapin d’Alice, je cours après le temps avant qu’il ne me rattrape.

Je suis tellement content qu’il ait pu se libérer. Cette année a été des plus positives pour lui et le voir épanoui, une lueur dans les yeux, me réjouis.

— Je te laisse avec Maël, il t’expliquera, là on va dire que j’ai une urgence.

Abracadabrant, et hop je monte sur mon vélo et file dans les rues de La Rochelle que je connais sur le bout des doigts. Seul, en tandem, en famille ou avec les potes, la ville n’a plus de mystères. Dans chaque espace, le dragon a laissé une trace. Depuis trois mois, je relève mes manches et planche tous les dimanches sur un jeu de piste pour les jeunes vacanciers. Quel bonheur, de voir un de mes projets se concrétiser et être validé par l’office de tourisme. L’idée m’est venue lors de la visite d’Héloïse, Alex et Hugo. Loïc, leur père, avait programmé un week-end en famille à la maison Joséphine. Nos journées de belles retrouvailles furent ponctuées de moments inoubliables autour d’un plateau de Cluedo, dans les douves d’un château de sable aux allures de Fort Boyard et sans oublier la chasse aux trésors entre la Guignette et le port. De fil en aiguille, les planches signalétiques de mon jeu grandeur nature ont vu le jour. J'ai construit de toutes pièces, une course d’orientation. Les moussaillons munis de leur carte partiront en quête du galion dans lequel sera dissimulé le trésor. Il ne me reste plus qu’à finaliser le coloriage et la récompense sous forme d’écusson aux armoiries de la ville est le tour sera joué.

Abracadabrant, comment fait-il ? La réponse de Victor arrive au moment où je passe devant la Tour de la Lanterne. Il y a un radar, où je me balade avec un gyrophare sur mon casque. “Le dragon a oublié ses ailes ou sa tête est en ébullition parce que je lui rappelle qu’il l’avait chargé d’une mission…” Mais oui, je plane à vingt mille, il devait rejoindre mon père, Joseph et Marius pour faire les dernières vérifications sur le camping-car. Quel malin, avec ma bourde, il va se douter d’un truc. J’avais suggéré qu’ils l'emmènent dessiner les contours de la Rochelle prétextant que cela pourrait m'être utile en d'autres temps. Je lui réponds “si le dragon se perd, le papillon le retrouvera d’une seule façon, en suivant la ligne d'horizon.”