Les confidences de la fourche.

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Je ne sais pas à quel moment les humains se sont dit que nous les "objets", n'avions pas la possibilité de réfléchir, ressentir, penser comme eux. En tous cas mes propriétaires ne sont guère informés sur le respect que je mérite pour tout le travail que j'aide grandement à effectuer au quotidien.

Quand mes propriétaires se disputent, la plupart du temps car ils ne sont pas d'accord sur la façon de planter leurs graines, ou comment s'occuper de leurs animaux, je finis toujours par être rageusement lancée au sol, ou compressée entre deux mains puissantes qui me donnent l'impression de n'être qu'une simple fourche sans importance, que personne n'hésiterait à maltraiter parce que je ne suis pas "vivante".

Ils ne sont pas très aimables en général, je ne sais pas vraiment pour quelles raisons, mais ils ne semblent pas non plus très heureux. Ils ne sont même pas capables de sourire sur les photos pour faire plaisir à leur entourage, alors comment pourraient-ils reconnaître la valeur que je représente pour eux et leur travail ? Je mériterais une médaille pour le courage, le respect et la patience dont je fais preuve chaque jour depuis de longues années.

Je ne vais pas vous mentir, parfois je suis excédée, alors je fais exprès de tomber au sol quand mes propriétaires ont le dos tourné, de façon à pouvoir faire tomber d'autres collègues ou faire en sorte d'arriver sur leur tibia ou une partie de leur corps, pour me rebeller en quelques sortes, et aussi sournois soit-il, ça me fait intérieurement un bien fou.

Ce qui me révolte encore plus, c'est l'attention, l'amour et le soin avec lesquels mes "petites soeurs" sont traitées ! C'est vrai quoi, je fais presque le même boulot que les fourchettes, à une échelle plus grande et plus importante d'après moi, et moi on me balance comme on balancerait de la bouse de vaches, sans vouloir vous vexer les copines, je vous adore hein mais vos cacas je me les prends sans douceur,avec acharnement et dynamisme chaque jour, alors que ces petites pestes de fourchettes ont la chance de pouvoir se salir dans plein d'aliments, prendre des douches ou des bains chaque jour, elles ont même le droit à des séances de relaxation dans le lave-vaisselle! Je n'y ai pas vu de moi même, mais c'est ce que le couteau m'a confié l'autre matin, alors que mon propriétaire l'avait oublié après avoir mangé à la ferme.

C'est injuste et je ne sais pas comment remédier à cette situation de plus en plus désagréable à supporter. Je n'aurai pas assez de force ou de temps pour m'enfuir ailleurs. Je suis pratiquement incassable et je crois que je ne suis pas encore assez vieille pour finir ma vie autrement qu'ici. Je ne peux même pas essayer de leur rendre la vie plus dure, à ces humains, sinon ils se défouleraient encore sur moi, même en supportant beaucoup jusqu'à ce qu'ils se débarrassent de moi, ça serait beaucoup trop long et douloureux. Alors peut-être bien que je dois juste me dire qu'il y a pire et accepter la situation avec plus de positivité. Bon, ce n'est pas pour autant que j'arrêterais de m'amuser de temps en temps à leur faire tourner la tête avec mes chutes "accidentelles", c'est beaucoup trop bidonnant !

Allez, je retourne à côté du foin parce que si nos propriétaires me voient devant vous les copines, ça va paraître bizarre ! Bonne chance, faites du bon lait et moins de bouses !

Petite histoire inspirée du tableau American Gothic de Grant Wood.

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