4.

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Je me glisse sous les draps avec délice. Je soupire de bien-être, repense à la journée qui vient de s'écouler. Est-ce que j'ai vraiment envie de subir ça toute ma vie ? Est-ce que j'ai vraiment envie de faire semblant, d'écouter les jérémiades des unes à propos des frais de cantine trop élevés, ou les envolées lyriques des autres au sujet de leur prochain grand évènement familial ? Pour la première fois, je réalise que non. Non, je n'ai pas du tout envie de m'infliger ça dans la durée.

Thomas se rapproche, colle son torse contre mon dos.

"C'était cool cette journée, non ?"

La conférence sur les saucisses, sûrement. Celle sur l'art de se faire passer la bague au doigt, un peu moins.

"Tu trouves ?

- Bah ouais. Paul m'a dit qu'ils essayaient de faire un p'tit avec Laura.

- Ouais, elle m'a dit aussi.

- Et nous ? Et toi, ça te dirait pas ? Un mini-moi qui te ressemblerait aussi ?"

Je garde le silence. Dans quelques instants, je vais avoir droit à l'éternel refrain sur "notre" projet de progéniture idéale.

"Parce que moi je nous vois bien, avec nos trois gamins... Et puis tu n'aurais plus à travailler, tu pourrais toucher les alloc' pour rester à la maison !"

Je balance mon pied contre son genou.

"Ouais, c'est ça. Et puis je m'occuperais du linge, de la bouffe, du ménage pendant que tu rentreras du boulot pour te poser comme une grosse larve sur le canap' et te poser devant ta série de merde en te grattant les couilles ? Tu sais ce que j'en pense, hein."

Il passe son bras sous le mien.

"Mais tu sais bien que je rigole... Et que je t'aiderais."

Je me retourne brusquement.

"Et moi je veux pas que tu m'aides. C'est pas de l'aide, en fait. Tu ne m'aides pas, tu participes aux tâches de la maison. Tu m'as prise pour qui ? La bonne de la maison à qui on refile un coup de main et un petit pourboire de temps en temps ?!"

Il rit.

"Putain ce que t'es susceptible.

- C'est toi avec tes idées de merde, aussi ! Et puis je te l'ai déjà dit, je veux pas trois mômes. C'est hors de question."

Je veux pas de môme tout court. Mais ça, il n'est pas encore prêt à l'entendre. Il prend sa voix caressante.

"Oh c'est dommage... Tu serais enceinte trois fois. Tu serais tellement belle, enceinte...

- Oui bien sûr, vu comment tu m'as engraissée déjà, je te remercie !"

Sa main glisse sous mon t-shirt, vient se poser sur ma poitrine.

"Et puis tu aurais des seins magnifiques... Et encore plus gros !"

Je sais où il veut en venir. Ses intentions sont très claires. Mais je ne sais pas si j'ai très envie, ce soir. La journée a été usante. Et ça fait bientôt trois semaines que nous n'avons pas copulé. A chaque fois, une forme d'appréhension pointe le bout de son nez avant le moment fatidique. Et si j'avais mal, encore ?

Il enfouit son visage dans le creux de mon cou. Il sait que des baisers déposés juste là devraient suffire à faire démarrer la machine. Mais ce soir, je fixe le dressing devant moi. Putain, il n'a encore pas rangé son tas de fringues que je me suis fait chier à repasser la veille. Je laisse sa main caresser la courbe de mes hanches, faire glisser mon bas de pyjama. Stop.

"Attends, faut que je passe à la salle de bains, avant..."

Je me détache de son étreinte, m'empresse de rejoindre la pièce en question. Je me plante devant le lavabo, fixe mon reflet dans le miroir. T'as envie ou pas ? Chaque fois, c'est le même rituel : un petit passage pour vérifier que tout est propre, et une petite préparation mentale pour me mettre dans l'ambiance. Après plusieurs années de couple, souvent, la flamme a besoin d'être rallumée au moyen de stimulations extérieures. Et plus le temps passe, plus la flamme vacille et devient difficile à raviver. Preuve en est que ce soir, je consens à faire un effort. Parce que ça fait trois semaines. Et que merde, jouir, c'est bien, de temps à autre.

J'observe mon corps. Où est passée ma ligne de mannequin ? Engloutie par l'empâtement du quotidien, les repas riches en calories, et les petits gâteaux que je m'autorise régulièrement pour avoir supporté une journée en enfer de plus.

Thomas m'appelle de la chambre.

"Tu fais quoi ?

- J'arrive..."

Il est déjà nu sur le lit, et visiblement bien excité au vu de la protubérance qui s'est formée sur son bas-ventre. Moi, ça va nécessiter un peu plus de temps. Je me déshabille rapidement, m'allonge à côté de lui. Il bascule pour se placer sur moi et m'embrasser. Il sent encore un peu la bière. Je connais d'avance le menu de la séance.

Sa bouche dépose des baisers furtifs le long de mon cou, sur mon ventre, puis il écarte mes cuisses et vient se placer entre elles. Ok. On y est. C'est mon moment. Concentre-toi. Je ferme les yeux, m'apprête à entamer mon voyage mental. Sa langue effleure une première fois ma chair. Je me cambre, de façon à tendre mes muscles et les rendre plus sensibles à la stimulation. Heureusement, après toutes ces années, il sait très bien quel endroit toucher pour me faire monter rapidement. Je me laisse peu à peu aller, à mesure que sa langue m'explore et vient caresser ce tout petit organe bien recroquevillé dans sa tanière.

Mon esprit s'échappe enfin. Je veux jouir. Je veux y arriver. Je vais y arriver. Je vais y arriver. Un premier frisson parcourt mon échine. Ca monte... Une image se forme alors derrière mes paupières fermées. Et si c'était un autre ? Là, à sa place... Je peux presque percevoir les traits de son visage... Il est si beau, et son regard, si pénétrant. Et il... AHH ! Enfin. La vague me submerge et m'emporte dans un océan de plaisir. J'échappe des râles au rythme des spasmes qui secouent mon corps. Mes mains agrippent l'oreiller derrière moi.

J'ouvre les yeux, contemple le plafond en souriant. Putain, ça fait du bien. Mais pourquoi je ne m'autorise pas ça plus souvent ?

Thomas se redresse, c'est l'heure de l'étape suivante. Il s'allonge sur moi, place son sexe à l'entrée de mon vagin, enfin humide. Je me crispe à nouveau. Alors, douleur ou pas douleur ? Il s'introduit doucement en moi, à mesure que mes parois s'entrouvrent pour lui faire de la place. Je grimace. Le frottement m'irrite déjà un peu. Oui, ça va. Oui, vas-y, tu peux continuer. Mais doucement, s'te-plaît.

Les va-et-vient se font un peu plus rapides. Je plante mes ongles dans son dos, tente de me calquer mes mouvements sur les siens. Nos souffles s'entremêlent et je laisse à nouveau mon cerveau m'envoyer des images excitantes. Alors, où j'en étais ? Ah oui, lui. Lui et ses mains sur ma peau. C'est lui au-dessus de moi et sa chaleur me rend folle. Je m'agrippe plus fort, je ne te laisserai pas partir.

Après quelques minutes, Thomas se retire pour rouler sur le dos. J'en profite pour le chevaucher et le dominer de ma hauteur. Je pose mes mains sur son torse. A mon tour de me donner un plaisir totalement égoïste. Je ferme les yeux, démarre la lente cavalcade. Je maîtrise le rythme mais surtout, je fais en sorte de provoquer un contact entre sa peau et celle, fine, de mon clitoris. Et au bout de quelques secondes, une nouvelle vague me submerge. Ma tête bascule en arrière, mes muscles se tendent, et je sens bientôt une crampe se nicher au creux de ma cuisse. Je sursaute et me laisse choir sur le côté, essoufflée.

"Ca va ?

- Oui, oui, j'ai juste une crampe...

- Intense, hein ?

- Ouais... Je commence à avoir mal.

- Bah viens, mets-toi à quatre pattes."

Je m'exécute. Je sais que ça va être l'assaut final. Il entre à nouveau, ses mains s'agrippent à mes hanches. Je reconnais à son souffle qu'il prend un pied phénoménal. Moi le frottement commence sérieusement à échauffer mes lèvres. Je l'encourage pour accélérer le processus et en terminer, vite. Il augmente le rythme, je me tiens au matelas pour ne pas envoyer ma tête contre le mur. Quelques va-et-vient plus tard, il jouit enfin. Je m'effondre sur les draps. Mais je sais que je n'ai pas le temps de souffler : dans quelques instants, le liquide coulera le long de mes cuisses. Je me relève rapidement et m'empresse de rejoindre les toilettes.

Dans la chambre, je devine qu'il est déjà sur le point de s'endormir. Et moi, assise sur cette cuvette, j'attends que la gravité fasse son boulot. Je souffle. Encore et toujours la même rengaine. Je fixe la porte. Putain. Voilà. A dans trois semaines. J'enfouis mon visage dans mes mains. Pourquoi faut-il que j'imagine un autre pour faire monter mon désir ?

A côté, je perçois les premiers ronflements de Thomas. Je suis là depuis de longues minutes maintenant. J'ai plus envie. Je me suis encore forcée, ce soir. Je ne sais même plus quoi faire. Je me relève enfin. J'ai plus du tout envie de dormir. J'enfile mon pyjama, rejoint le salon. J'attrape mon téléphone, consulte les dernières notifications. Rien d'intéressant. La lassitude de la besogne me rend plus amère encore. Je rêve d'une vraie bonne partie de jambes en l'air, de celles dont on n'a pas envie qu'elle s'arrête, et dont on redemande encore et encore. D'une bonne partie de jambes en l'air, avec lui.

Bordel, mais qu'est-ce que je donnerais pour ça ?

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