Chapitre 26

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Yo tout le monde ! Bonne rentrée à ceux qui en ont une :')

Cette scène-là a été un enfer, elle est issue du 1er jet mais a été déplacée, coupée, recoupée, rabibochée, le sens a été changé, etc etc. Donc j'ai peur qu'elle ne tourne pas très rond.

Mais je l'ai remodifiée, et je suis enfin contente de mon découpage ! xD

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J’obtempérai malgré moi. La tête penchée de côté, Auroq me fixait d’un air tout à fait blasé.

– Tu as de la suie partout. Avec une énorme trace de main sur la joue.

Je m’astiquai le visage par réflexe, mais quand une lueur amusée passa dans ses yeux, je compris que j’aggravais les choses. Il me frotta doucement la joue, d’un geste qui ressemblait plus à une caresse.

– Tu étais censé dormir, dis-je de la voix la plus impassible que je pouvais produire.

Il soupira, posa mon seau vide. Comme nous, il avait retiré son kimono ; je ne pus m'empêcher de le scruter de manière impolie, mais ne vis rien sur lui qui changeait de l'ordinaire. Il était poisseux de sueur, autant que je l'étais dans cette chaleur infernale.

– J'en connais une autre qui était censée dormir. Tu veux que je développe, ou c'est bon ? (D'un geste, il désigna tout ce qui nous entourait.) Les entresols, Picta ? Sérieusement ?

Je ne répondis rien, décidée à me montrer aussi froide que je l'avais été toute la journée. Les mots terribles qu'il avait prononcés au sujet de ma mère n'avaient pas quitté mon esprit.

– Bon sang ! Tu n’as pas de cervelle. C'était vraiment ça, ton plan génial pour ton projet de caste ?

Mais il n'avait pas l'air si fâché. Il me jeta un drôle de regard.

– Je t'ai suivie. Sois plus discrète la prochaine fois que tu veux me faire faux bond. Ça fait une heure que je te surveille avec tes copines ! J'en peux plus de vous voir courir partout avec vos seaux. Tu sais qu'ils sont faits pour mouiller le plancher, hein, pas pour vous faire prendre des bains !

Vexée, je grattais le plancher avec mes orteils et entrepris de faire de petits tas de cendres. La poussière d’ici se montrait très désordonnée.

– Je me moque de tes reproches.

– Je ne te reproche rien, grommela-t-il. Mis à part d'avoir l'air ridicule avec tes petits bras tout faibles. (Il retrouva son sérieux.) Quand je t'ai vue entrer dans l'entresol avec tes amies, j'étais fâché, ça oui. J'avais juste envie de t'attraper par les oreilles et de te ramener tout droit à ton hamac...

– J'ai dix-huit ans, Auroq !

– Et puis je suis descendu à mon tour. J'ai vu mes collègues en train de rire. J'ai vu tes copines en train de courir partout avec leurs seaux, avec le vieux Carnor en train de leur montrer tous les endroits où le plancher cramait. Elles paniquaient à la moindre étincelle, c’était trop drôle. (Il prit un air pensif.) J'en ai pas cru mes yeux. Il y avait vraiment une drôle d'ambiance. Tu crois que c'est comme ça toutes les nuits, ici ? Non. Mes collègues sont fiers de l'intérêt que vous leur portez, de transmettre les choses qu’ils savent faire. Tu imagines ? Ils apprennent des choses aux Dames ! C’est du jamais-vu. Tous les gars de l'entresol viennent vous voir de leurs propres yeux.

– Simplement parce que les Dames ne descendent jamais ici.

– Non. C'est aussi parce qu’on n’a jamais vu une Dame et un Ours se prêter main-forte comme ça, ou se balancer des seaux d’eau à la gueule. Ils veulent tous y assister.

J’essayai de cacher la fierté que ses mots faisaient naître en moi. En effet, une bataille d’eau faisait rage non loin : j’entendais les cris d’Enejia et de ses amies, les fracas d'éclaboussures et les jurons des Ours qui avaient décidé d’entrer dans la bagarre. Un instant de bonheur volé dans un entresol.

– Posez vos seaux, bande d’idiots ! tonna Goliath. L’eau ne se gaspille pas ! (Son ton s'adoucit d'un coup.) Et vous, mes Dames… si vous vouliez bien ne pas trop déconcentrer mes gars… Ben, on vous en remercierait. (Sa voix retrouva son volume originel.) Silence, arrêtez de râler, vous autres ! Que tout le monde retourne au travail ! J’ai peut-être pas de fouet, moi, mais vous savez tous que mes mandales font très mal !

Je retins un sourire. Même en si peu de temps passé aux entresols, j’avais déjà compris à quel point ce vieux contremaître bourru appréciait ses jeunes collègues. Auroq me saisit le menton pour que nos yeux se croisent. Sans le vouloir, je plongeai à corps perdu dans le vermeil mordoré de son regard.

– Et toi, tu veux apprendre des choses aux miens, ajouta-t-il.

C'était la première fois, depuis que je connaissais Auroq, que je voyais cette lueur si particulière dans son regard. L'admiration.

– Et puis, regarde-toi ! reprit-il. J'ai cru halluciner quand je t'ai vue toute nue devant autant de monde.

Je fronçai les sourcils, désarçonnée par sa remarque qui semblait vierge de reproche.

– J’ai toujours peur que tu finisses comme Mamie Erlea, une grosse motte de tissu qui brille de partout, grommela-t-il. Avec ton foutu nœud du paon qui te cache aux trois-quarts ! Je suis content de te voir comme ça. À poil.

– Je me déshabille dès qu'on fait des tâches manuelles en classe.

– Oui, mais tu es obligée. Là, non. C'est toi qui est venue ici. Et puis, un entresol plein d’Ours n’a rien à voir avec une petite classe de Renardes.

Il avait raison, mais pas dans le sens où il l’entendait. Ici, personne ne me jetait de regard de travers. Personne ne commentait mes bourrelets, ne me pinçait le bras en passant, ne me critiquait dès que j’avais le dos tourné. Le gong avait sonné deux fois depuis notre arrivée et je n’avais essuyé aucun coup d’œil désagréable. Aucun. Ces Ours me considéraient comme une Dame, ni plus, ni moins. Ils s’étaient même prosternés devant moi ! Je me sentais plus à l’aise ici que dans n’importe quel autre endroit de la Maison. Leur seul défaut était de me proposer leur aide toutes les cinq minutes, mais je pouvais amplement m’en accommoder.

– Les Ours sont différents des Dames, répondis-je enfin. Ce n’est pas pareil ici que… là-haut.

Auroq prit son air de grand frère goguenard.

– La voix de la sagesse. Qu'est-ce que je ferais sans toi ?

Je voulus lui mettre une petite tape sur la joue, mais il attrapa ma main dans la sienne. Ses yeux débordaient de tendresse, d’affection et d’autres choses un peu troubles qui me firent frémir jusqu'aux oreilles. Puis je me souvins qu'il fallait cesser cela, que je devais rester froide. Je lui arrachai ma main.

– Qu'est-ce qu'il y a, tu boudes encore ? finit-il par dire devant mon silence.

Comment pouvait-il me poser une question aussi sotte ?

– Remonte te coucher, ordonnai-je fermement. Je rentrerai d'ici quelques heures.

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