Chapitre 3 - Un contrat qui tombe à l'eau
"Ondines recherchent homme vaillant pour purifier le lac du Creux. Récompense en nature, qu'elles ont dit. Voyez avec elles, mais buvez pas l'eau du lac. Elle file la courante et même pis, paraît-il."
Le clapotis cristallin de l'eau sur les galets, éclats de musique d'orchestre rustique, accompagnait le crissement des pas de Lass, le long du lac.
Il était arrivé quelques instants auparavant, guidé par les indications d'un pêcheur du coin. Et dès lors s'était-il approché qu'il avait ressenti l'accablement d'un poids sur ses épaules. D'occultes choses le guettaient sous la surface de ce calme apparent. D'occultes choses malsaines.
L'homme aux bandages s'accroupit près de la nappe de jade, dénoua les lacets de l'une de ses bottes, la crocheta aux crocs de son grappin, puis l'immergea. Il l'extirpa des flots, et la projeta à quelques mètres derrière lui. Il déchaussa la seconde, l'abandonna aux côtés de la première, puis déversa dessus le contenu de sa gourde.
Il s'assit en tailleur, à l'ombre du feuillage protecteur d'un chêne noir, dos contre tronc, et patienta. Seconde après seconde. Minute après minute. Le soleil de plomb, qui occupait fidèlement sa place au Sud-Est dans le ciel, frappait et se reflétait dans le lac en zébrures dorées.
Lass s'assoupit. Il rêva d'une femme, d'un visage avenant, de son corps nu, de sa peau pâle. Elle dansait du bout des pieds sur les rives d'un lac aux eaux laiteuses, et ses pas aériens brisaient en ondes concentriques la placidité du voile rayonnant. Ses bras décrivaient d'amples mouvements accompagnant le vent, qui emportait ses cheveux blêmes.
Et surtout, il rêva de son sourire qui lui collait aux lèvres.
Un pincement sur son petit orteil le tira de sa somnolence.
Un lézard des souches y avait planté ses crocs inoffensifs, et les perles noires enchâssées dans les orbites du reptile le fixaient d'un air audacieux. Le mercenaire s'amusait de la bestiole, qui pirouettait au-dessus du sol sous l'effet des mouvements de sa jambe, lorsqu'un remous perturba la surface impassible du lac.
La pression des bas-fonds qui l'accablait s'intensifia et enserra son crâne. Ses tympans sifflèrent, ses dents claquèrent, tandis que le saurien relâchait son emprise pour s'enfuir à l'abri de fougères.
- J'ai compris le message, inutile de s'impatienter. J'arrive, lac à la con.
Il se leva, s'approcha des souliers abandonnés et, d'un rapide coup d'oeil, vérifia leur état. La deuxième avait séché sous les rayons de l'astre du jour.
Pas la première.
Il reprit son chemin et s'arrêta à la limite des galets secs.
- Bien, annonça-t-il gravement, je sais que vous êtes là. Arrêtons ce petit jeu de cache-cache et montrez-vous. Je suis là pour ça.
Il déroula le parchemin noué à sa taille et le déposa sur la surface du lac. Le contrat s'éloigna des abords malgré l'absence de courant, puis disparut sans une onde rémanente dans les profondeurs. Peu après, deux silhouettes féminines émergèrent à la rencontre de l'homme.
Leurs traits et leurs courbes étaient identiques. Nues, elles dérobaient à la vue leur intimité derrière bras et doigts élancés, et arboraient une mine craintive.
- Que nous veut-il, l'homme menaçant ? questionna la première.
- Est-ce là notre champion, ce crève-la-faim ? continua la deuxième. Ma soeur, n'y a-t-il point un autre plus capable de se soumettre à nos demandes ?
- Il n'a pas l'air, mais il est fort. Regarde ce fourreau, ces muscles qui saillent sous ces bandages, et les cicatrices sur son visage. C'est un vaillant, ma soeur, et il a été suffisamment courageux pour venir s'entretenir avec nous malgré la rumeur. Comment te nomme-t-on, guerrier ?
- Lass Asshain. Comment avez-vous réussi à rédiger ce contrat ? Les ondines ne sont pas supposées s'éloigner de leur source d'eau douce.
- L'Assassin ? Quel titre présomptueux de la part d'un pauvre miséreux, railla la deuxième.
- Nous l'avons fait rédiger par un pêcheur miséricordieux qui profitait de la chair nourricière de notre lac. Lui aussi était inquiet de son état, et nous l'avons dûment récompensé pour ses efforts, cela va sans dire. J'ai répondu à ta question, acceptes-tu de répondre à la mienne ?
- Je t'écoute, ondine.
- Pourquoi laver l'une de tes guêtres dans notre eau, et l'autre dans une autre ? La manière dont elle trempait ne te satisfaisait-elle pas ? demanda la première en se cambrant.
- Je me suis rappelé les rumeurs de la maladie qui contaminent l'endroit, tout simplement. Je ne voulais pas prendre de risque inutile. Et puis, je me suis dit que nettoyer le sable et la boue dans votre demeure n'était peut-être pas la plus respectueuse entrée en matière.
- Une charmante attention, pour un charmant guerrier. N'est-ce pas, ma soeur ?
La deuxième créature efféminée, qui regardait Lass avec dédain, prit un air offusqué et se détourna.
- Allons-nous longtemps rester ici, à bavarder ? Le soleil est chaud, et il ne me sied pas d'y être exposé, éluda-t-elle.
- Je suis d'accord, venons-en au fait, répondit Lass. Que puis-je faire pour aider à la guérison de votre lac, ondines ?
La première réduisit la distance qui la séparait de lui, et le regarda, langoureuse.
- Pas si vite, beau guerrier. Il nous faut d'abord vérifier que tu seras à la hauteur de la tâche qui t'attend. Commence par retirer fripes et fourreau, que nous puissions juger de la qualité du corps d'un assassin.
Lass tiqua, nerveux, puis s'exécuta. Il dénoua l'étui de son coutelas, et l'envoya reposer près de ses bottes. Il s'attela ensuite à retirer le bandage qui couvrait le haut de son corps, dévoilant peu à peu son torse et ses abdominaux luisants de sueur.
- Regarde donc, ma soeur, quelle délicatesse. Un homme aussi doué pour débander l'est assurément au moins autant pour bander, commenta la première.
Elle échappa un sein, puis joua avec le mamelon rose du bout des doigts. Le mercenaire tressaillit, mais se reprit aussitôt. Ce n'était pas le moment de céder à l'inattention. La deuxième nymphe, toujours offensée, lorgnait de plus en plus sur la peau nue de Lass.
Une fois le haut de son corps découvert, il s'attaqua au bas. Là encore, l'excitation des ondines s'accentua, gémissantes de satisfaction à mesure qu'il retirait sa ceinture et son pantalon.
Désormais équipé de son seul caleçon, qui laissait entrevoir la forme de sa masculinité, il se redressa devant les naïades.
Celle de gauche avait abandonné toute timidité, son sexe ouvert à l'appréciation de la vue et sa poitrine pointant sous l'effet de la fièvre. Elle se tenait les bras et se mordillait la lèvre pour se retenir de jouer avec ses parties érogènes.
Celle de droite lui faisait de nouveau face et savourait du regard la chair du mercenaire.
- Qu'en penses-tu, ma soeur ? Te plaît-il ?
- C'est ton cas. Et nous n'avons que lui, de toute manière. Il fera l'affaire.
- Bon, alors que dois-je faire, maintenant ? soupira Lass, pressé d'en finir au plus vite.
La première ondine laissa échapper un rire amusé.
- Je suis persuadée que tu le sais déjà, beau guerrier. A moins que tu ne souhaites nous l'entendre dire, pour éveiller ton instinct de mâle ? Soit.
Elle s'approcha encore de l'homme, jusqu'à la frontière des graviers humides. Elle n'était plus qu'à quelques centimètres de lui, ses tétons frôlant presque son torse, le souffle de sa respiration caressant le creux de son cou.
- Nous avons besoin d'amour, susurra-t-elle. De tant d'amours. L'eau est source de vie, alors nous nous délecterons du rituel humain de reproduction jusqu'à ce que les eaux de notre lac soient redevenues pures. Nous avons besoin de ton endurance, de ta vigueur, de ta virilité, et la jouissance que tu nous apporteras nous octroiera la pouvoir de purification.
La deuxième rejoignit sa soeur, emboîta sa poitrine contre l'épaule de celle-ci, et chuchota à son oreille.
- Tu ne lui fais pas assez d'effet, et tu parles trop. Rien ne vaut une démonstration, ne penses-tu pas ?
- Tu as raison.
Aussitôt acquiesça-t-elle qu'elles s'activèrent.
Leurs lèvres s'effleurèrent, puis leurs langues s'enroulèrent. Leurs seins voluptueux se rencontrèrent, d'abord timidement, mamelon contre mamelon, puis ils se pressèrent jusqu'à ne faire qu'un. Chacune de leurs mains parcourait le corps de l'autre, explorant avec curiosité des zones de plus en plus intimes.
La nymphe de gauche jeta un oeil à Lass, qui n'avait pas cillé, puis l'invita.
- Alors, qu'attends-tu pour nous rejoindre ? demanda-t-elle avec un sourire lascif.
D'un geste aguerri, le mercenaire tira sur l'élastique qui maintenant le dernier obstacle vers son entre-cuisses, puis saisit son membre viril de sa main droite et l'extirpa de sa cachette.
Deux regards se firent investigateurs.
Deux regards carnassiers.
Victorieux.
Puis, satisfait des minutes passées en leur agréable compagnie, Lass urina sur les chevilles délicates des deux naïades.
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