La soirée passait et la compagnie de ma nouvelle amie me semblait être la meilleure. Ce n'était pas comme avec Helen et les autres. Elloa savait rire sans faire de mal à quiconque. Vint l'heure où mes paupières devinrent lourdes. Je décidai d'aller me coucher. Je fis ma toilette, j'enfilai ma chemise de nuit et en prêtai une à Elloa. Elle l'enfila immédiatement, sans une once de pudeur. Ça me surprit ; je pense même devoir dire que ça me frappa. Elle secouait ses épais cheveux, venait me rejoindre dans le lit, sans que je puisse une seule seconde détacher mon regard d'elle. Un bruit sourd avait assailli ma tête, je m'étais mise à trembler. Je n'osais plus faire un seul mouvement. C'est à peine si je respirais. Elloa me dévisagea :

- Tu vas bien ?

Les yeux rivés sur elle d'un air complètement absent, je ne parvins qu'à bredouiller :

- Très bien...

L'air songeur, Elloa s'allongea près de moi. Son bras frôla le mien. Sa peau était glaciale et un frisson s'empara de moi, m'arrachant une grimace. Elloa sourit. Elle saisit ma main et se mit à jouer avec mes doigts. Elle me dit alors :

- Les choses vont changer, maintenant.

- Je crois qu'elles ont déjà changé, répondis-je.

Elloa serra ma main, puis la lâcha. Ce martellement dans ma tête ne voulait pas cesser.

- Je m'étais souvent demandé si tu avais un cœur quelque part, lança la petite rousse.

Cette phrase fut pour moi comme un coup de poignard. Et je compris. Mon cœur ; j'avais donc bien cet étrange organe dans ma poitrine ! Ce martellement incessant ne venait pas de ma tête ; il jaillissait de mon cœur pour se saisir de tout mon être. Mon sang bouillait dans mes veines. J'avais l'impression que mes entrailles allaient exploser. Je me redressai d'un seul bond. Tout ça ne pouvait être que dans ma tête ! Pourtant...

- Qu'est-ce qui t'arrive ? Tu es sûre que tout va bien ?

Sa voix me semblait si lointaine. Je la sentis se redresser à son tour et sa main vint se poser sur mon épaule, comme pour me soutenir. Non, ma tête ne faisait jamais de tels caprices. C'était ce cœur étrange et si vif qui s'éveillait. Je tournai la tête, précipitamment mais parfaitement consciente de ce que je faisais. En moins d'une seconde, je m'étais retrouvée contre Elloa, les mains sur ses hanches, mes yeux dans les siens, nos lèvres embrassées. Elle ouvrit d'abord de grands yeux, surprise, puis, s'apaisant, caressa ma joue. Je n'avais jamais ressenti ce genre de chose avant, mais je voulais que ce moment ne prenne jamais fin.

Lorsque ce baiser s'acheva, je me sentais étrangement sereine. Le martellement persistait en moi mais il me semblait à présent harmonieux, comme le chant d'un oiseau dans ma poitrine. Elloa me dévisageait. Je retirai mes mains de ses hanches pour prendre ses doigts entre les miens. Me regardant comme si j'étais accusée de meurtre, elle me demanda d'un ton grave :

- Qu'est-ce qui t'a pris ?

- Je suis désolée, m'empressai-je de répondre, je n'arrivais plus à faire semblant. Je vais te paraître stupide, mais je n'ai jamais eu de sentiments comme ceux-là pour personne avant...

- Alors c'est pas des conneries. Tu m'aimes, pas vrai ?

- C'est parce que tu sais à quel point c'est dur pour moi de te dire ce que je ressens vraiment que tu me demandes ça ? Eh bien oui, je t'aime ! Je n'en ai même pas honte !

- Vraiment ?

- Je n'ai jamais été aussi sincère avec toi.

Elloa se laissa retomber sur l'oreiller. Songeuse, je fis de même. Alors que je m'allongeais, elle se tourna vers moi. Je ne savais plus à quoi m'attendre. L'espace d'une seconde, ses lèvres se trouvèrent de nouveau contre les miennes.

- J'ai besoin de toi, murmura-t-elle.

Et elle se blottit contre moi, fermant ses paupières. Je me sentais si forte dans ses bras. Et à cet instant j'ignorais que j'étais en train de commettre la pire chose de toute ma vie.