Jedi
Paradoxe : si je croisais une personne en tout point semblable à la mienne, je la détesterais, et pourtant je ne me déteste pas. Je porte mon erreur matricielle en forme d'œilleton, depuis lequel je regarde et je vois, depuis lequel j'aime voir et regarder ; depuis lequel j'aime. Je ne me reconnais pas en ce que j'écris ; les bavures d'encre baveux, mon encre si baveux, m'incriminent avec un air désintéressé, comme jouant à un jeu de paume en arrière-plan de la prétention, ma prétention si narrative.
Alors le paradoxe m'habille poliment, ses mains rugueuses d'ancêtre me cravatent comme un bout de chou fier de sa cravate, peut-être parce que celle-ci, vers le fleurissement de quelque soirée à venir, invoque un sabre-laser vert – j'ai toujours rêvé d'être un Jedi en costard, ce que, poliment, je suis. Cela fait plus de cinq millions d'années-lumière, plus bulleuses qu'une armée de phylactères, que j'ai cessé de faire mon âge.
Comment pourrais-je me détester ? Pourquoi le pourrais-je, plus ou mieux qu'un autre, alors que je ne suis pas même ce que je pense ? Je crois me rencontrer, parfois, lorsque je croise de moi quelque double dissemblable, sur un vélo plus pété qu'un vaisseau astéoridé, quand je vois dans ses yeux combien il a oublié, depuis cinq millions d'années-lumière ou depuis la chute précédente, de se demander qui il est, sans avoir perdu pour autant le goût des astéroïdes, la mémoire des collisions qui nommèrent son corps ; je crois me croiser et m'aimer plus que je me déteste.
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