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Une boule à l'estomac, je passe tout droit devant Le pain dans les voiles, je marche sans savoir où je vais, mais je sais où je vais, je vais chez Nina. Plutôt chez cette pluche de Marion qui l'a accueillie, en larmes, m'a-t-elle crié au téléphone le jour où elle a saisi le portable de ma copine pour me vomir sa haine d'amie-complice-jusqu'à-la-mort. Le salaud, c'est moi, j'ai compris. Le harceleur aussi. J'ai dû diminuer le nombre de SMS, mon système nerveux mis à l'épreuve par les ding des : Laisses Nina tranquile ! de Marion qui semblait avoir adopté le portable de Nina comme animal de compagnie. Au début, je me suis fait un peu plaisir en lui corrigeant ses fautes d'orthographe, puis je me suis fatigué.
J'y suis. Marion l'analphabète hystérique habite à quatre pâtés de maison de chez moi. Je me poste devant la fenêtre, je compose le numéro de Nina. Avec un peu de chance, Marion dort encore et bave sur son oreiller en rêvant d'un grammairien aux abdominaux d'acier. Miracle, ma belle répond.
« Qu'est-ce que tu veux, Oscar ?
- Je suis là, chérie, descends. Il fait froid, je suis seul et j'ai peur. »
Des rideaux bougent, une silhouette se dessine, un visage. Nina ! Oh ! Nina.
« Qu'est-ce que tu as fait à tes cheveux ?
- Ça ne te regarde pas. Va t'en, Oscar. »
Je rentre en empruntant les ruelles, leurs palissades aveugles, leurs lierres nus qui finissent de se racornir avant l'hiver. Ça pue la mort, la vraie. Devant moi, à quelques pas, des corneilles en pagaille se disputent le cadavre d'un chat noir, peut-être le pauvre Paul. Elles s'envolent en me voyant, des lambeaux de chair accrochés à leurs becs. Les salopes. Je passe à côté de la bête éventrée, j'essaie de ne pas regarder ses tripes à l'air, son pelage poisseux de sang.
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