J'entends son bec frapper la vitre de la fenêtre de ma prison, cette chambre toute blanche et aseptisée où je suis confiné. Je devine sa silhouette menue sous la longue capeline, ses cheveux fous brillants de neige. Si je pouvais bouger, j'éteindrais la lumière, et la verrais apparaître, ma Nina, ma corneille amère, noire sur la nuit noire, avide et amoureuse. Les ailes grandes ouvertes, les serres accrochées au rebord du châssis, les yeux noircis de khôl rivés sur mon corps, le ventre en appétit.

Sa voix, distincte :

« Laisse-moi entrer, Oscar.

- Va t'en, Nina.

- Je suis ici pour toi, Oscar, et rien de plus.

- Tu as dit que c'est moi qui tuais les chats.

- Laisse-moi entrer, Oscar. Je te ferai oublier le mal que je t'ai fait.

- Le mal est en toi, Nina, et en tes sœurs.

- Je suis sûre que tu peux te lever et marcher. J'ai froid, et je veux entrer.

- Tu apportes la mort, Nina.

- Je t'offre mon amour, Oscar.

- Les fenêtres ne s'ouvrent pas.

- Essaie. Je me glisserai, tu verras. Je viendrai me réchauffer contre toi. »

La corneille se faufile sous la fenêtre, me regarde de ses petits yeux noirs, déploie ses ailes, et bâille. Elle fait un bond, s'élance et volète jusqu'à mon lit, où elle se pose. Une autre se risque à la lumière, cligne des yeux, et va rejoindre la première. Je les laisse toutes entrer. Quand elles m'attaqueront, je hurlerai. J'aurai tout de suite la sécurité et les infirmiers. Impuissants devant les dizaines de becs acérés qui s'acharneront sur moi, ils regarderont, horrifiés, les femmes donner une réalité à mon histoire en gravant dans ma chair la raison de mon sacrifice.

Ils sauront que j'ai dit vrai, que je n'ai pas tué les chats.