15:Paul
Je pensais que le retrouver serait une bonne chose mais je me trompais lourdement.
C’était un matin de janvier, j’errais comme d’habitude dans les rues de mon village. Il faisait froid mais je m’en fichais, je n’avais rien d’autre à faire de toute façon. J’avais arrêté les cours et ne pouvais pas reprendre avant la fin de l’année. Ça aussi, je m’en fichais, mes parents étaient morts il y avait un an et ma tante me gonflait. Alors je passais mon temps à flâner, incapable de réfléchir. Les médecins disaient que c’était à cause du deuil mais ça n’avait plus rien à voir. J’avais reçu un coup de fil d’un hôpital pas très loin, il y avait environ un mois. On me disait que j’étais le numéro à appeler d’un ami que je n’avais pas vu depuis plus de trois ans, Paul, il était dans le coma et souffrait de graves fractures à la suite d’un accident.
Je pensais à lui quand on m’appela :
-Allô ?
-Bonjour Monsieur. Je suis le docteur Golan et j’appelle pour vous informer que votre ami s’est réveillé.
-Merci Monsieur. Je passerais le voir. Au revoir, bonne journée.
-Bonne journée également.
Sur ce, je raccrochai et repris ma marche en regardant les vitrines. Je ne réalisai que quelques instants plus tard ce qu’il venait de se passer. Paul s’était réveillé. Et j’avais dit que j’irais. Mais comment ? Je n’avais pas le permis, encore moins de voiture et pas question d’en parler à ma tante.
Le froid commençait à me piquer les doigts, je décidai donc de rentrer. Sur le chemin, je croisai un homme faisant du stop. Je le regardai fixement et eus une idée. J’allais faire comme lui. Je m’ennuyais à mourir et voir des gens ne me ferait pas de mal.
J’allai me positionner à un carrefour très passant, tendis le pouce et attendis.
Au bout d’une petite demi-heure, quelqu’un s’arrêta. C’était un homme d’une quarantaine d’année, brun et avec un physique athlétique. Je le remerciai et lui indiquai ma destination. Il m’invita à monter et nous fîmes le reste du trajet dans un silence de mort.
Arrivé à l’hôpital, je le remerciai encore et me dirigeai vers l’accueil. On me fit patienter avant de me conduire à mon ami.
-Salut,.
-Salut, me répondit-il d’une voix faible.
-Ça va ?
-Ça va. Tu veux savoir pourquoi c’est toi qu’on a appelé.
Il avait comme lu dans mes pensées. Je hochai la tête silencieusement.
-Mon père est mort et ma mère déprime. C’est pour ça que je suis parti d’ailleurs.
-Je suis désolé.
Savoir qu’il avait vécu la même chose que moi me fit monter les larmes aux yeux.
-Qu'y a-t-il ? demanda-t-il inquiet.
-Rien. Comment t’es-tu fait ça ?
-Un bête accident, mais ce n’est rien, les médecins ont pu m’opérer. Je devrai sortir dans une semaine le temps de vérifier que tout aille bien.
-Et après ?
-Et après quoi ?
-Ben, qu’est-ce que tu vas faire ? Je veux dire, maintenant qu’on s’est retrouvé…
-Je ne sais pas. J’ai des affaires à régler.
-Je peux t’aider, je n’ai plus cours.
-Tu ferais ça ?
-Ouais. T’es toujours mon meilleur ami, tu sais ?
-Moi aussi.
Sa voix était faible, je décidais de le laisser.
Deux semaines plus tard, je reçus un appel de Paul m’indiquant que je devais le rejoindre sur la place dans une heure.
Sur la place, Paul m’attendait. Il était en béquille et son bras droit était plâtré.
Je m’approchai et lui demanda :
-Tu m’attends depuis longtemps ?
-Non, non t’inquiètes. T’es toujours partant pour m’aider ?
-Oui, vas-y.
-En fait… il s’interrompit. J’ai besoin d’avoir une entière confiance sur ce coup-là. Tu ne le répéteras pas, promis ?
-Promis.
-Alors, pour trouver de l’argent, j’ai dû travailler pour un dealer. Le problème, c’est qu’en travaillant, j’ai eu un accident.
De sa main, il désigna son corps blessé. Il reprit :
-Et j’ai perdu pas mal d’argent. J’aurais besoin que tu m’aides pour une grosse livraison qui me permettrait de me racheter.
Me voyant hésiter, il rajouta :
-Je comprendrai très bien si tu refusais.
-Non, j'en suis. Je ne peux pas te laisser tout seul.
-Merci, mec. Allez, suis-moi
Il se dirigea vers une voiture verte et assez ancienne.
-T’as une voiture ?
-Disons que c’est un emprunt.
Je soupirai mais entrai quand même dans le véhicule.
Malgré les tentatives de Paul pour détendre l’atmosphère, le voyage se passa dans un silence tendu.
Une heure plus tard, arrivés à destination, je demandai à Paul ce qu’on devait faire. Mais il ne me répondit pas. Je le suivis jusqu'à une espèce de grange où il me dit d’attendre pendant qu’il allait chercher la marchandise. Contrairement à ce que je pensais, il ne revint pas avec un sac chargé de poudre blanche, mais avec des cartons fermés hermétiquement par une triple couche de scotch marron. Je lui demandai ce que c’était. Il me répondit qu’il n’en savait rien mais qu’il fallait se dépêcher.
On reprit la voiture jusqu'à un endroit isolé, près d’un fleuve à un quart d’heure de l’entrepôt. Alors que je le suivais vers ce qui semblait être une ancienne usine, des types armés nous tombèrent dessus. Ils étaient cinq, tous habillés en noir, sauf un - « le chef » m’étais-je dis-, qui avait une cravate rouge sang.
-Te voilà enfin ! dit cravate rouge à Paul.
-Oui, je suis là. J’ai ce que tu voulais, répondit l’intéressé.
-Je ne savais pas qu’ils nous attendraient, m’étonnais-je naïvement
-Oh, cravate rouge se tourna vers moi. Paul je pense qu’il est temps de tout expliquer à ton ami.
-Pas avant que vous me promettiez que c’est bon, s’impatienta Paul.
-Tu es excusé mon petit Paul.
-M’expliquer quoi ?
-Écoute, il désigna cravate rouge. Il m’a dit que si je lui ramenais un jeune de mon âge, ma dette était réglée.
-Mais pour quoi faire ?
-Je n’en sais rien.
-Et si je ne veux pas ?
Cravate rouge intervint :
-Tu vas être obligé.
Il fit signe à ses hommes qui attrapèrent Paul et le menacèrent avec leur arme.
-J’imagine que si je m’enfuis, ça reviendra au même.
-Non, là on va plutôt te tirer dessus, dit cravate rouge. Pour être sûr que tu ne dises rien, tu comprends.
-Très bien, je me tournai vers Paul. Je t’ai perdu une fois, je ne prendrais pas le risque que tu partes sans moi.
Sur ces mots, je m'élançai vers le fleuve, je me retournai pour voir qu’on me visait. Je souris et fis un signe d’adieu avant de tomber dans l’eau.
J’entendis un tir puis un cri, puis d’autres tirs, plus près de moi. J’entendais encore des sons de balles avant de m’évanouir.
-Il est mort?
-Oui.
-Mourir si jeune... Surtout noyé.
-Si on meurt ici c'est qu'on le mérites, croyez-moi.
Le médecin légiste interrompit les deux officiers:
-Ne vous inquiétez-pas, dit-il en regardant celui qui semblait être le plus jeune, il n'a même pas du s'en rendre compte, il était complètement défoncé. Qui sait ce qu'il a vu avant sa mort...
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