Je dissimule le sachet dans la poche interne de mon sweat et rentre à la maison. J'ouvre la porte de l'appartement et, après avoir ôté mes baskets, je rentre dans la salon où mon père est assis. Je lui tends le dollar que j'ai récupéré tout à l'heure :

- Tiens, tu pourras rembourser le verre de la cantine.

Il me l'arrache des mains, l'examine un instant, puis me demande :

- Comment est-ce que tu as obtenu cet argent aussi rapidement ?

Je hausse les épaules :

- C'est pas important. Ce qui compte, c'est qu'il est là.

- Non, c'est important pour moi. Je sais que tu n'as pas pu trouver de travail aussi facilement et, quand bien même ç'aurait été le cas, tu n'aurais pas eu ton salaire dès le premier jour. Alors je veux savoir d'où vient ce dollar.

- Tu ne t'intéresses à ma vie que lorsque ça t'arrange . . .

Il se lève, visiblement en colère, et m'attrape violemment par le col en criant :

- Tu vas arrêter de te montrer insolent et répondre à ma question ! D'où vient cet argent ? !

Par réflexe, je repousse brutalement sa main. Mauvaise idée. Maintenant, il est encore plus énervé. Il me frappe si fort à la tête que j'en suis sonné ! Je tombe sur le parquet et porte ma main à ma tempe. Il se dirige aussitôt vers moi, furieux, et m'assène un bon coup de pied au niveau du ventre, me coupant le souffle. Puis il crie encore :

- Réponds-moi !

Je me relève tant bien que mal et cours en direction de ma chambre, dans laquelle je m'enferme. J'entends cet homme enragé cogner contre ma porte en hurlant :

- Ouvre-moi ! Ouvre-moi, sale mioche ! Ah, tu ne paies rien pour attendre ! Tu vas me payer ça !

Il frappe encore plusieurs minutes, mais, heureusement, la porte est assez solide pour ne pas céder. Finalement, il lâche, d'une voix dans laquelle s'entend l'épuisement :

- Ah, demain soir, je t'attendrai ! Tu vas regretter ce que tu viens de faire !

Et il s'éloigne. Je me dirige vers mon lit pour m'y asseoir, mais en passant devant le miroir, je remarque que j'ai un énorme bleu à la tempe. Je le masque tant bien que mal avec l'une de mes mèches noires, en espérant que personne ne la remarquera.

*

Le lendemain, je suis assis dans un coin de la cour de récré, mes airpods dans mes oreilles et les yeux rivés sur mon portable. Perdu dans mes pensées, je ne fais pas attention à ce qui m'entoure. C'est alors que je sens un doigt me tapoter l'épaule. Je me retourne et vois Lisa. Qu'est-ce qu'elle me veut encore celle-là ?

Elle me pointe du doigt, puis se désigne elle-même avant de serrer ses mains. Je lève un sourcil intrigué. Pourquoi est-ce qu'elle me répète ces gestes ? Qu'est-ce que ça veut dire ?

Elle me désigne encore du doigt pour réitérer son acte mais je l'arrête net en attrapant son poignet. Je la plaque contre le grillage qui délimite la cour et lui demande, d'une voix irritée :

- Qu'est-ce que tu me veux, à la fin ? ! Tu ne vois pas que tu m'as déjà assez causé de problèmes comme ça ? !

Je remarque alors qu'elle ne me regarde pas droit dans les yeux, comme elle le fait d'habitude, mais qu'elle fixe un point un peu plus élevé. Elle lève un doigt timide vers ma tempe et touche délicatement mon bleu. Aussitôt, je la repousse, la faisant tomber au sol. Puis je lui hurle :

- Quoi ? ! Qu'est-ce qu'il y a ? ! Mon bleu t'intéresse ? ! Tu veux avoir le même ? !

Je ne lui laisse pas le temps de réagir, je me précipite vers elle et lui assène un coup de poing à la tête. Elle y porte aussitôt sa main et détourne son visage pour le protéger. Je lève mon bras, prêt à lui coller une autre, quand la sonnerie retentit. Je fige donc mon mouvement et lui dis :

- Tu as de la chance, sale petite peste, mais ne crois pas que c'est fini. Tu vas avoir ce que tu mérites.

Je tourne ensuite les talons et commence à m'éloigner, mais, à mi-chemin, je m'arrête et me retourne, curieux de voir sa réaction. Mes yeux s'écarquillent de surprise et d'étonnement : la voilà qui me sourit encore . . .