Je me retourne pour faire face à mes agresseurs. Apparemment, ils ne sont pas allés très loin et en entendant que les sirènes s'étaient brusquement arrêtées, ils sont revenus sur leurs pas. Le type qui semble être leur chef déclare :

- Elle est plutôt maligne, ton amie, mais pas assez, malheureusement pour vous . . .

- Fichez-nous la paix !

- Pas avant que tu nous ai donné ce que nous voulons.

- Vous pouvez toujours courir !

- À ta place, je ne ferai pas le malin . . . dit-il en désignant quelque chose, derrière moi.

Je tourne la tête et constate alors que l'un des types a fait discrètement le tour pour attraper Lisa par derrière. En plus, c'est un costaud de grande taille et bien bâti. L'un de ses bras entoure le torse de l'adolescente, tandis que sa main est plaquée sur sa bouche. La blonde se débat, mais il est clair qu'elle ne sait pas se battre.

Mon faux client reprend la parole :

- Si tu ne nous donnes pas immédiatement ce que nous voulons, ton amie en payera le prix.

Je lui lance un regard noir, avant de lui dire :

- Vous n'êtes vraiment qu'une bande de lâches !

- Non, on sait juste tourner la situation à notre avantage.

- Voilà ce que j'en fais de ta situation !

Je cours dans la direction opposée. Ils s'élancent aussitôt à ma poursuite. En regardant par dessus mon épaule, je constate qu'ils sont tous à mes trousses, sauf celui qui retient Lisa.

Je fais le tour du pâté de maisons pour arriver dans le dos de ce dernier et fonce sur lui pour lui asséner un coup de coude sur le crâne. Il est si puissant que l'homme s'écroule sur le sol. J'attrape alors la main de la jeune fille et l'entraine avec moi dans ma course.

Je peux entendre les cris furieux de la bande qui nous asperge d'insultes et de menaces, mais je ne m'en préoccupe pas. Je continue de courir aussi vite que possible, mais le fait de devoir trainer l'autre blonde derrière moi ne m'aide pas. Elle n'est pas assez rapide, à croire qu'elle n'a jamais fait de sport de sa vie !

Heureusement, lorsqu'on sort du dédale de ruelles, je vois le bus arriver devant son arrêt. Je ne réfléchis plus une seconde de plus : je jette Lisa sur mon épaule et fonce vers le véhicule. Je saute dedans pile au moment où il commence à fermer ses portes. Il démarre ensuite, nous éloignant de la menace.

Ce n'est qu'alors que je la fais descendre. Elle me sourit et m'envoie un baiser avec sa main. Gêné par son geste, je détourne le visage pour qu'elle ne puisse pas voir mes joues s'empourprer.

Nous sommes coupés par le conducteur qui nous dit :

- Il faut payer, les jeunes. Ce n'est pas gratuit, le bus.

Mince, je ne pensais qu'à nous sortir du pétrin dans lequel on était et je n'ai donc pas pensé à ça. Je me mords la lèvre inférieure, essayant de trouver une solution, quand je vois Lisa fouiller dans la poche de sa veste pour en sortir un billet, qu'elle dépose dans la main tendue du chauffeur. Ce dernier le prend et se reconcentre sur la route.

Je me sens vraiment gêné que cette fille vienne à mon secours sans que je ne lui ai rien demandé, mais, soulagé de ne plus être inquiété par qui que ce soit, je me dirige vers le fond du bus pour m'y asseoir. La jeune sourde me suit et s'installe juste à côté de moi. Nous restons quelques secondes immobiles, en silence, avant que je ne fouille dans mon sac pour en sortir mon cahier de brouillon. J'écris sur l'une des pages :

"Qu'est-ce que tu fais là ? Ne me dis pas que tu habites dans le coin."

Je lui tends ensuite mon cahier. Elle le prend, lit ce que j'y ai noté, puis écrit à son tour :

"Je devais me rendre à la bijouterie qui se trouve à l'autre bout de la ville par rapport à chez moi. J'ai donc pris le bus pour m'y rendre, mais sur le chemin du retour, le bus m'a déposée ici et, alors que j'attendais le suivant, j'ai remarqué des personnes louches s'engouffrer dans une ruelle par différents endroits. Trouvant cela étrange, j'ai décidé d'aller voir ce qui se passait. En voyant qu'ils s'en prenaient à toi, j'ai d'abord pensé à appeler la police pour qu'elle vienne à ton secours, mais je me suis rendu compte que, ne sachant pas parler, je ne pourrais par leur expliquer clairement la situation alors j'ai eu l'idée de monter le son de mon téléphone au maximum et de déclencher les sirènes de police. Je savais que, contrairement à moi, tes agresseurs l'entendraient et prendraient la fuite. Enfin, désolée que ça n'ait pas vraiment marché comme prévu puisqu'ils sont revenus . . ."

"L'important, c'est qu'on les ait semés. Et tu as bien fait de ne pas appeler la police."

"Pourquoi ? Il y a un problème avec la police ?"

"Tu ne sais donc pas pourquoi ils s'en sont pris à moi ? Ah, c'est vrai, j'oublais que tu ne pouvais rien entendre."

Après avoir lu ma dernière réponse, elle me rend le cahier, souriante comme à son habitude. Elle s'attend sûrement à ce que je lui explique la raison pour laquelle j'ai été agressé, mais au lieu de ça, je range l'objet dans mon sac.

Lorsque le bus arrive près du supermarché, elle se lève et me fait un petit signe de la main. Ce n'est qu'alors que je remarque que son poignet est couvert d'un bandage orné d'une tâche brune, comme du sang séché. Je tends le bras pour tenter de la retenir, mais elle s'éloigne déjà et descend du bus, me laissant perplexe.