Le lendemain, je franchis la grille du lycée pile au moment où la sonnerie retentit. Il faut dire que ça si faisait si longtemps que je n'avais pas aussi bien dormi que je n'avais aucune envie de quitter mon lit et, si je n'avais pas pensé à Lisa qui devait sûrement être en train de m'attendre, je ne me serais certainement pas levé.

J'arrive donc en classe in extremis et m'installe au fond de la salle, comme à mon habitude. Ce matin, on commence par une leçon de musique. J'espère juste que la prof ne va pas nous faire chanter . . .

J'écoute cette dernière d'une oreille distraite, tout en dessinant sur la dernière page de mon cahier de dessin. Je sais ce que sera sa dernière représentation.

Une heure plus tard, la sonnerie retentit à nouveau. Heureusement, on n'a pas eu à chanter. La prof nous a seulement fait écouter une composition de je ne sais plus quel artiste démodé en nous demandant de réaliser un commentaire d'écoute.

Les élèves sortent, vidant rapidement la pièce. Je range mes affaires et me lève, prêt à quitter la salle à mon tour, lorsque j'entends le son d'un piano. Je me retourne et vois Lisa, assise devant l'instrument. Elle appuie sur chacune de ses touches, mais la mélodie qu'elle produit n'est pas du tout harmonieuse.

Je me dirige vers le piano, passe derrière la jeune fille et attrape ses mains pour lui faire appuyer sur les touches de façon à la faire jouer un petit air mélodieux. Elle se laisse faire. Ses mains sont douces et chaudes. Leur contact m'est si agréable que je m'y attarde quelques secondes après la fin de l'air musical.

Je ne les lâche que lorsque la jolie blonde se tourne vers moi pour me regarder. Elle me sourit et m'envoie un baiser pour me remercier.

"Non, c'est à moi de te remercier . . ."

Je pose ma main sur mes lèvres pour imiter le geste qu'elle vient d'effectuer. C'est la première fois que je lui dis "merci" en langue des signes. Il le faut. Elle le mérite.

Face à son air étonné, je lui explique :

- Je me dois de te remercier pour tout ce que tu as fait pour moi. Tu m'as ouvert les yeux sur beaucoup de choses importantes et tu m'as tendu la main malgré tout le mal que je t'avais fait sans rien attendre en retour. Depuis que ma mère a quitté l'appartement où nous vivions, j'étais livré à moi-même, seul contre tous. Je n'avais plus personne. J'étais seul, complètement perdu dans ce monde. Je ne savais pas où était ma place et j'avais perdu espoir en tout, jusqu'à que tu apparaisses dans ma vie. Tu m'as redonné confiance en moi, en les autres et en l'avenir et je t'en remercie. Merci d'être toujours restée à mes côtés depuis notre rencontre. Merci d'être toujours là pour moi. Merci pour tout.

Elle semble émue par mon discours car ses yeux bleus s'embuent de larmes, tandis qu'un grand sourire se dessine sur son visage. J'aime la voir ainsi, au naturel. Elle me semble encore plus belle et plus vivante que jamais.

Je m'approche et passe mes bras autour d'elle pour la serrer contre moi. Elle m'enlace à son tour. Nous restons ainsi un long moment, en silence. Le temps semble à la fois s'écouler lentement et filer à toute vitesse. C'est vraiment une étrange sensation, mais elle est agréable. Ou bien est-ce la chaleur qui émane de son corps qui m'ennivre de la sorte ? Je ne sais pas, mais au fond ça n'a pas d'importance. Je me sens bien avec elle et c'est l'essentiel.