Y A DES JOURS...

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De toute façon, chez moi, c'est un réflexe :

Une place libre ? Ok, dégagez, je fonce ! Ah, ah, elle est pour moi ! Bah, oui, j'ai été plus rapide, disait mon sourire,

Désolée ! Enfin, vas-te-faire, quoi !

Non, à vrai dire, j'ai appris depuis longtemps qu'à Paris, on ne regarde personne dans les yeux, absolument personne. A partir du moment où on ouvre la porte de chez soi, le regard se fixe sur le sol, et on trace.

C'est pour ça, que quand il m'a fixé, j'ai tiqué... Son regard s'était posé sur moi je ne savais quand exactement. D'ailleurs, est-ce que ce gus était déjà là quand je m'étais assise ? Impossible à dire.

Mais maintenant, je ne sentais plus que lui, juste en face de moi. Il s'était très nettement penché en avant. Et puis j'ai à peine levé les yeux, paupières toujours baissées sur mon livre, pour l'entrapercevoir. Petit, brun, les yeux foncés tout ronds, typé asiatique.

Merde ! Il est super près, ce con ! Mais qu'est-ce qu'il fout bordel ? Il est à deux centimètres là !

Entre nous, il n'y a plus que ses deux billes noires qui me font peur. C'est alors qu'il rabat mon best-seller d'un violent plat de la main sur mes genoux tout en collant presque son visage au mien. J'ai un sursaut de recul. Je rattrappe mon bouquin d'une main, le saisis tel le pavé qu'il est, et le lui flanque en travers de la tronche.

Prends ça, connaaaaaaard !

Ha ! Tu t'y attendais pas, à celle-là ; non mais, c'est vrai quoi !

Oh, merde...

Il riposte par un crochet du droit en pleine pommette et fait valser mes lunettes. Je me lève et balance les bras, poings fermés, face à lui déjà debout dans la rame entre les deux groupes de banquettes à quatre. Je tente de le toucher mais n'y arrive pas. Il recule. J'arrête de mouliner et tente une jambe. mal m'en prend, je reçois un nouveau coup de poing en pleine mâchoire, toujours la gauche. Je reprends mes moulinets avec les bras, à toute vitesse, plus histoire de l'empêcher de placer ses crochets que de le toucher. Et dès qu'essouflée et fatiguée, j'arrête, il place son crochet du droit, ce salaud ! A croire qu'il a fait de la boxe ce type. Mais qu'est-ce que je lui ai fait ? Je le connais pas ! C'est dingue !

Et y a personne pour m'aider, là ?

Il est dix-neuf heure un mardi soir à Paris hors saison. Le wagon est plein d'hommes et de femmes qui rentrent du travail. Personne n'intervient... Si, ça y est ! Un vieil homme s'avance. Hop, là ! Noooon ! Une jeune femme lui prend le bras et le ramène en arrière fermement. Une fille et son père, c'est bien ma veine.

On arrive ! C'est la station ! Les portes vont s'ouvrir...

Merde, merde, merde ! Faut y aller, je fonce !

J'ai tout donné à l'instant où la station a émergé du tunnel. Avant même que les portes s'ouvrent, j'ai foncé sur mon attaquant, littéralement. Je voulais qu'il descende ! Qu'il quitte la rame ! J'ai accentué les moulinets, donné autant de coups de pieds que je pouvais en même temps. J'ai appuyé de tout mon poids sur mes bras, mes jambes en frappant. Il est descendu...

Et j'ai flanqué autant de coups de pieds que je pouvais pour qu'il ne remonte pas, parce que les portes ne se refermaient pas, putain de merde , bordel de Dieu, putain !

Et là, y a un con qui me dit :

- Bah, c'est bon, arrêtez, il vous fait plus rien. C'est pas la peine de continuer. Ça va, quoi !

J'ai halluciné... et continué de mouliner jusqu'à ce qu'il se taille mon kekos d'agresseur. Il s'est tiré finalement ! Quant au petit con du wagon, en même temps, je lui gueulais dessus :

- Vous étiez où vous, quand il me tapait dessus ? Y a personne qu'est venu m'aider ! Non, mais, c'est fou, ça ! Et vous me dîtes d'arrêter, là ? Je veux pas qu'il remonte !

- Mais enfin, mademoiselle, on croyait que vous étiez ensemble !

Bon, je suis bien partie, là. Donc après, je fais quoi ? A lui aussi, j'lui casse la gueule ? Non, parce que... y a des jours !

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