Lacheté

Nos parents sont cette génération qui, constamment, est tiraillé par le devoir de l’action, par la nécessité révolutionnaire mais qui ne fait rien. Elle est la génération « qui aurait dû ». Ce devoir est si présent, si manifeste partout, à chaque instant, qu’il y a dans leurs discours ce fantôme-là, quand ils prennent leurs airs sérieux de parent-enfants et qu’ils osent sans ridicule ni honte, prononcer cette phrase de la lâcheté suprême : « nos enfants sauveront le monde ».

Ah, quelle belle jambe ! Ainsi parle chaque génération hypocrite depuis le début de la modernité : mais cette léthargie sera la dernière et nous, au bout du chemin, nous paierons le prix de décennies de sophisme et d’irresponsabilité. Pourquoi il n’ose pas l’action ? Ils en sont incapables, seulement le spectacle du vieux philosophe les calmes et leurs donnes “raisons”. Ainsi ils nous condamnent – ainsi nous les jugeront.

Il est d’ailleurs amusant de voir, dans la réaction de ces parents-enfants – face aux désastres du monde, tout de même – des réactions si immatures. Comme l’enfant qui voit sa créativité, son énergie se développer prodigieusement quand vient l’heure de faire ses devoirs – pour se convaincre qu’il est capable de faire d’autre chose tout aussi légitime ; L’adulte, face à la nécessité révolutionnaire, produit ce même spectacle : il offre à n’importe quelle activité, idée ou discours une telle valeur que le devoir peut attendre. Il glorifie son égo ou son activité pour se détacher du monde.

Et il n’est jamais autant en danger, réactif et agressif quand on lui pose la question de son devoir oublié. L’adulte-enfant mord quand on lui fait remarquer sa lâcheté – une morsure aiguisée depuis deux millénaires, dont il est notre devoir, nous la génération perdu, de provoquer. Pourquoi ? Pour briser ce spectacle absurde, pour que l’orgueil naisse de la contradiction, que mouvement se fasse : pour remporter notre première victoire.

Banalisation de la Fin du Monde

Les parents-enfants ont une capacité impressionnant : celle de banaliser la fin du monde et le capitalisme sauvage. Qu’importent les meurtres, l’esclavage, le saccage de la nature, l’absence de spiritualité, le malheur et la drogue : non, qu’importe, on rejette tout d’un seul coup de main. On ne se cache même plus : les plus névrosés osent affirmer, après quelques bonnes interrogations, que la question de leurs conforts est plus important que tout le reste : que l’égo passe avant la survie.

Ils sont résignés et ont oubliés que le destin humain – comme le leur – pouvait être heureux. Qu’il y avait une autre solution, plus belle que ce capitalisme-là. Certains diront que l’homme enfants s’est résigné à être gouverné par la pire merditude narcissique de notre temps : je crois plutôt que c’est la conséquence logique quand la masse refuse de faire peuple et de s’organiser contre la fatale aristocratie du pouvoir. Ils ne sont plus capables de supporter aucune responsabilité – dès lors, comment peuvent-ils vouloir gouverner ? Cela est trop fatigant.

Ils se contentent du plaisir du logicien : une raison ici, une autre là, relier par des mots doux : cela donne une formule agréable, sous l’autorité de l’impersonnelle, et apaise l’esprit léthargique. Finalement, il n’y a rien d’autre dans leurs discours que cela : juste assez de raison pour se rassurer et retourner a ses narcotiques.

L’adulte-enfant est comme un drogué qui ne voit le monde que comme un moyen de produire sa drogue. Il refuse de le voir, pourtant il est bien devenu un lamentable assemblage de marchandises : il n’est plus qu’à travers l’idéologie capitaliste, qu’à travers sa consommation : sans de la modernité, il n’est plus rien – ou peut être un gosse perdu, effrayé, paniqué, en danger : d’où son refus instinctif de toute représentation du réel, de toute responsabilité, de ce qui pourrait l’emmener à quitter son monde à lui.

La terre meurt, la civilisation s’effondre : et le consommant réclame son droit à la consommation.

Comment exprimer tout le mépris qu’un homme devrait entretenir contre ces gens-là ? Sommes nous seulement capable de l’imaginer ?

Il faut se sauver, il faut se sauver pour ne pas finir comme cela, tant qu’il est encore temps.

Déni de l'importance de la situation

Une chose marque notre époque plus que tout autre : le refus incroyable d’accepter l’importance de la situation – l’incapacité de voir que nous sommes – de part notre deuil inachevé de la modernité – provocateur de la prochaine extinction de masse. Comment des parents se disant toujours prêt à l’amour pour leurs enfants, ne peuvent-ils pas réagir face aux destructions de l’environnement et de l’avenir ? Comment peuvent-ils rester indifférent à cela, quand le confort égoïste d’un smartphone condamne l’humanité entière aux violences de l’effondrement ?

Au final, il ne s’agit que de ce choix : pour vaincre la fin du monde, il faut sacrifier la marchandise moderne : non le confort, ni l’abondance, ni la science, ni le bonheur, ni le plaisir, non : juste la marchandise moderne, juste un poison pour l’âme et le corps. Mais l’homme moderne a choisi.

Je crois que cela est à la fois trop grand, ridicule et dangereux pour véritablement s’en rendre compte. Demain, nos enfants regarderont cette époque avec un dégout lamentable oui, mais surtout une grande incompréhension.

" Comment cela a-t-il pu exister ? "

Nous sommes la grande honte de l’avenir, soyons en certains.

Déni de l'hisoire

Il y a encore quelque temps, l’humanité n’avait rien perdu de sa routine : les civilisations se succédaient, les empires naissaient et mourraient, chacun leurs tours, dans la grande scène de l’Histoire. Il s’agissait souvent des mêmes hommes prit dans les mêmes contraintes de la nature qu’on imagine parfaitement : le temps long, la communauté, la religion, etc.

Mais à y regarder plus précisément, le progrès a toujours eu lieu : disons depuis deux mille ans et les premières routes romaines : la machine de la décadence a pu se mettre en marche. Avant ces routes, chaque civilisation était suffisamment isolé l’une des autres pour protéger sa culture, son message, sa tradition : les civilisations étaient des phénomènes à part, épisodique, isolé, dont la naissance, la gloire et le déclin ne pouvait s’imposer aux autres.

Depuis l’empire romain, la première idée d’un cosmopolitisme est née dans l’esprit européen : simplement parce qu’elle fut matériellement possible par la route. Comme à chaque innovation, la noblesse et la décadence trouve un nouveau moyen de domination – mais c’est toujours la règle du plus fort, c’est-à-dire le plus vicieux, le plus déloyal et populaire qui l’emporte. C’est pourquoi, sur un temps suffisamment long, l’ensemble des innovations technologiques est toujours salie par la société, par la masse et utilisé comme négation de l’existence.

Le nihilisme de Saint Pierre ne s’est propagé qu’à partir de ce moment-là : ce fut la rencontre entre l’innovation technique et la sublimation de l’art religieux décadent juif à travers les premiers chrétiens qui a rendu possible une chose si puissante et dramatique que l’église. Sans doute, bien avant lui, des centaines de prophètes avait énoncé de telle projet, mais sont mort impuissant – car sans soutient matériel.

Qu’il y est un progrès de la décadence immatérielle, cela est certain : les religions abrahamiques le montrent. Mais pour s’imposer d’elle-même, partout et atteindre de telle niveau de nihilisme, il fallait le renfort de la technologie.

Notre société, qui elle atteint la perfection du nihilisme matérielle et immatérielle, s’offrant alors les étendus inédites d’une humanité près au déni absolue, à la merditude parfaite – qui aurait effrayé les apôtres eux-mêmes. Voilà ce qu’est l’histoire de notre société, ce qui est sous-jacent du capitalisme et de la lutte des classes.

Qui, des consommant est près a l’accepter ?

Déni de civilisation

Il y a quelque temps donc, les civilisations se succédaient dans le temps long, sans aucun commun avec notre vie d’aujourd’hui. Nous sommes devenus l’exception : notre mode de vie est inédit, la pensée qui en découle tout autant. Jamais l’homme n’avait eu notre conception du bonheur, du malheur, de l’envie et de l’échec. En tout points, nous sommes des hommes nouveaux – un premier essai, donc le renouvellement matériel permanent n’a de cesse de rendre immature. Nous avons que quelques années pour grandir, avant qu’une nouvelle production change nos rapports sociaux et nous reconditionne pour, à nouveau, réapprendre des erreurs nouvelles.

Un peuple constamment rendu enfant, en proie à mille tentations et totalitarismes. Sans repère est l’homme moderne : abattu par la décadence, perdu dans l’histoire, il a été amputé de son altérité historique. Il regarde derrière lui et ne voit qu’une humanité étrangère, qui ne connait rien de son quotidien. Le consommant a alors cette drôle de prétention : il est objectivement un homme nouveau, mais aussi il ne voit pas d’autre manière de vivre, de penser, d’exister que la sienne. Le bonheur, il le prend comme son invention : le passé est alors forcément misérable, triste.

Comme si nous vivions une époque normale, sans besoin de forte réflexion. Comme si tout ce qui nous entourait ne devait pas à la fois nous émerveiller et nous terrifier, tant le monde est devenu glissant, incontrôlable. L’un des plus grands vertiges qui soit se trouve probablement ici : se rendre compte de l’exceptionnelle de notre civilisation, de notre quotidien. Nous sommes à une époque sans précédente dans l’histoire humaine, un tournant comme il n’y en a jamais eu. La encore il faut être fort pour l’accepter – il faut être d’un autre temps…

Sans doute l’instinct voit-il aussi d’un mauvais œil qu’une glorification d’un mode de vie sans ses précieux narcotiques puissent exister la conscience. Encore, toujours, quand un tel déni a lieu, contre toute rationalité et volonté de bonheur, il se cache toujours une cause, disons méta-raisonable, au-delà de la conscience et de la logique : donc instinctive. Elle seule peut tordre a ce point l’univers.

Caprices enfentins

Une chose étonnante aussi, lorsqu’on s’intéresse à la modernité non comme une banalité, mais comme une maladie : le consommant est un enfant.

Il rejette toute vérité, comme si cela suffisait à éloigner la vérité ; il refuse de se représenter convenablement le monde ; il se satisfait de jeux de rôle ; refuse toute expérience transcendante par peur ; ne connais ni ne gère ses émotions ; dénie tout besoin d’éducation ; son égo démesuré le gouverne totalement ; s’entête dans un mode de vie qui le condamne aux malheurs par peur d’autres choses ; donne si naïvement tant de valeur aux choses matérielles aux passions et aux désirs tout en refusant tout développement spirituel ; son bonheur est une chose si superficielle qu’il parvient à parler de son repas préféré, mais jamais de la jouissance réel ; il a peur de la souffrance et veut la paix ; il voit la guerre comme forcément extérieur a soi ; profondément incapable de régler quelques problèmes intimes convenablement ; son impuissance à venir a bout aux narcotiques, etc.

Comme l’enfant : il ne cherche que le repos, le rire et le sourire. Tel est sa seule définition accessible du bonheur – voici ce qu’il cherche pour contrer ses douleurs, pour passer son temps et attendre la mort.

Pas de fierté de civilisation, pas de projection dans le temps, pas de responsabilité, pas de noblesse, rien de grand, rien qui ne le dépasse. En tout point, son attachement viscéral à la superficialité et sa justification si puérile est un comportement d’enfant capricieux, devenu incroyablement sensible à la frustration et à la souffrance. Il recouvre le tout d’un voile d’apparence et son aveuglement à tout ce qui est profond l’oblige à penser que « tout va bien », même si mille douleurs inconnues le mutile chaque jour.

La cause est multiple, bien sur. Intéressant tout de même la façon dont la modernité pense le passage naturel entre l’age enfant et l’age adulte. Dix mille ans d’évolution et de permanence dans ce domaine doit pourtant inspirer : disons qu’il y avait autre chose à trouver que le salariat et le baccalauréat. Une chose plus spirituelle, sur le contrôle des émotions, sur la réalité de l’être, sur le danger du langage ou de l’importance de l’existence.

Bref : nous gagnons beaucoup de temps, d’énergie et de vivacité à considérer les consommants, c’est-à-dire la grande majorité des êtres humains, comme des enfants qui joue au grand, des enfants irresponsables auquel ont aurait donnés trop, beaucoup trop de pouvoir.

De là au grand mépris, il n’y a qu’un pas…