Chapitre 2-2
Il se racontait des histoires horribles sur des gardes verts, faits prisonniers par la résistance, qui auraient été cuits vivants dans des marmites de brocolis, mais Karl n’arrivait pas à y croire. La propagande et la contre-propagande battaient à plein volume. Bien qu’imaginer Hans Mader mourir ébouillanté dans une casserole de légumes lui plaisait bien,
Il s’amusait aussi parfois à imaginer, scénario digne d’un film d’horreur, la vengeance posthume de milliers de générations d’australopithèques qui, s’étant fait caguer à manger de la viande, de charogne le plus souvent, pour cesser de ressembler à des chimpanzés, reviendraient hanter et torturer les miliciens verts.
Mais pourquoi tant de haine dans la cervelle de ces herbivores ?
Dans le premier quart du vingt et unième siècle, comme son grand-père lui avait raconté, devant la mauvaise foi, les compromissions économiques, l’incompétence, la lâcheté, la médiocrité coupable et surtout l’hypocrisie de la classe politique en place, que ce soit à la tête des états comme à celle de l’Union européenne, certaines réactions désespérées et violentes pouvaient être compréhensibles, mais aujourd’hui, en 2091…
D’un autre côté, ce qui constituait jadis l’Allemagne, comme plus ou moins toute l’Europe, s’était décomposé en une multitude de zones vaguement ou pas du tout contrôlées par le gouvernement. L’anarchie régnait à tous les niveaux de la république. Qui dirigeait et qui contrôlait qui devenait des questions sans réponses simples possibles.
Seule la structure des gardes verts tenait encore debout, envers et contre tout, ou plutôt en vert et contre tous. Un peu comme les gardiens de la révolution en Iran, jusqu’à la guerre atomique qui vitrifia le pays et ses voisins, de Jérusalem à Riad. Là-bas aujourd’hui seuls survivaient encore les scorpions qui, paraît-il, ne se plaignaient pas d’un peu de silence, après trois millénaires de bordel.
Seule consolation, à part le bonheur des scorpions, de cette poussée subite de champignons nucléaires : plus personne ne se disputait la ville dite sainte de Jérusalem qui n’était plus que poussière de ruine. Un abcès de haine de moins sur terre. À quelque chose malheur est bon.
Vive la bombe atomique ! Une fois de plus.
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