Parler à mon père
Elle marche dans un champ baigné de lumière, où le vent murmure des souvenirs doux et mélancoliques. Tout autour d’elle, le paysage semble irréel : des collines dorées ondulent sous une brise légère, des fleurs éclatantes frémissent comme si elles chantaient une mélodie oubliée, et un sentier pavé de pierres anciennes serpente devant elle, la guidant vers une destination inconnue mais irrésistible. Elle ne sait pas vraiment comment elle est arrivée ici, mais son cœur est étrangement calme, sans trace de peur ou d’hésitation. Une seule pensée emplit son esprit : elle veut le voir, lui parler, une dernière fois.
Au bout du chemin, elle l’aperçoit enfin. Son souffle se coupe. Là, sous l’ombre apaisante d’un grand arbre, il est assis sur une vieille chaise en bois, comme s’il l’attendait depuis toujours. Il porte cette casquette usée qu’il adorait et qu’elle n’avait jamais supportée. Pourtant, à cet instant, tout semble parfait. Son sourire, tendre et chaleureux, est exactement comme elle s’en souvenait, peut-être même plus éclatant.
Elle s’arrête, son cœur battant à tout rompre, un mélange d’amour et de douleur qui menace de l’envahir. Elle hésite, comme si avancer briserait cet instant irréel. Mais lorsqu’il lève les yeux vers elle, ses pupilles pleines de cette chaleur paternelle qu’elle croyait perdue, ses jambes se mettent en mouvement, comme mues par une force invisible. Chaque pas semble effacer le poids des années, la douleur de l’absence.
Arrivée devant lui, elle s'arrête à quelques pas, incapable de prononcer un mot. Ses yeux se remplissent de larmes, mais il lui sourit toujours, d’un sourire qui fait fondre son cœur. Puis, il parle :
— Tu as bien grandi, dit-il, sa voix douce, comme une brise légère.
Elle se fige, les mots coincés dans sa gorge. Un frisson parcourt son corps. Elle aurait voulu répondre, mais son souffle se bloque, et les larmes dévalent ses joues.
— Mais toi, tu n’as pas changé, murmure-t-elle enfin, sa voix brisée par l'émotion.
Il rit doucement, un rire si familier qu’elle le reconnaît immédiatement, comme un écho du passé. Il tend la main vers elle, et elle la saisit avec une tendresse qui la surprend. Elle s’assoit à ses côtés, et ils restent là, tous deux, en silence, écoutant le vent qui chante à travers les arbres. Le monde semble suspendu, comme si rien ne pouvait briser cet instant.
Après un moment, elle prend une grande inspiration, prête à laisser sortir tout ce qu’elle a sur le cœur.
— Papa, je… je ne sais pas par où commencer. Il y a tellement de choses que j’aurais voulu te dire.
Il tourne doucement son regard vers elle, une lueur de compréhension dans ses yeux.
— Je suis là, dit-il, comme si cela allait de soi. Dis-moi tout ce que tu veux.
Elle ferme les yeux, se remémorant les années passées, les moments où elle aurait tant voulu l’avoir près d’elle. Elle parle alors, les mots sortant en rafales.
— J’ai fait de mon mieux, tu sais. Mais parfois, je me demande si je fais bien. Est-ce que tu serais fier de moi ? Je n’ai pas toujours su prendre les bonnes décisions. Il y a des choses que j’aurais voulu partager avec toi… Tu m’as tellement manqué.
Il la regarde en silence, l’écoutant avec une attention infinie. Puis il pose doucement sa main sur la sienne, la serrant légèrement.
— Tu as fait plus que bien, ma fille. Je suis fier de toi, plus que tu ne peux l’imaginer. Tous ces moments où tu pensais être seule, je t’ai vue. J’ai toujours été là, dans ton cœur, même quand tu ne le savais pas.
Les larmes qu’elle retenait se déversent alors sans qu’elle puisse les arrêter.
— Mais, papa… Je… je t’ai tellement cherché. J’aurais voulu avoir ton avis sur tout, tout ce que j’ai fait. J’aurais voulu entendre ta voix, te voir sourire quand je réussissais. J’aurais voulu que tu sois là pour me dire ce que tu pensais.
Il sourit de nouveau, un sourire paisible, comme un vieux souvenir retrouvé.
— Tu m’as toujours eu avec toi, même si tu ne me voyais pas. Chaque moment de ta vie, je l’ai vécu avec toi. Dans tes réussites, comme dans tes doutes. Quand tu m’as cherché, tu m’as trouvé.
Elle ferme les yeux, savourant ses mots, se laissant envahir par ce calme qu’elle n’a jamais connu.
— Tu veux me dire quelque chose de particulier ? lui demande-t-il, sa voix douce comme un murmure.
Elle hoche la tête, les mots venant enfin.
— J’aurais voulu te dire que je t’aime. Que je ne t’oublierai jamais. Que même quand je suis seule, j’entends encore ton rire, je sens ta présence. Mais je ne t’ai jamais dit à quel point tu comptais pour moi.
— Tu me l’as dit, ma fille. Chaque fois que tu m’as pensé, tu me l’as dit. Je l’ai entendu dans ton cœur.
Un silence confortable s’installe entre eux. Le soleil commence à décliner, teintant le ciel de teintes dorées. Elle sait que le moment approche, que le temps ici n’est pas le même que dans le monde d’où elle vient. Mais elle n’est pas prête à le laisser partir.
— Papa, est-ce que tu es vraiment parti ? demande-t-elle, la voix tremblante.
Il sourit doucement et prend sa main dans la sienne.
— Je ne suis jamais vraiment parti. Quand tu ris, quand tu pleures, je suis là. Dans le vent, dans la pluie, dans les étoiles qui veillent sur toi. Je suis dans chaque souffle de ton cœur. Et je serai toujours là, même quand tu ne me vois pas.
Elle ferme les yeux, un dernier sourire sur les lèvres, en sentant son amour l’entourer comme un manteau protecteur.
— Je t’aime, papa, murmure-t-elle.
— Je t’aime aussi, ma fille. Et je serai toujours là.
Alors que la lumière s’adoucit et que son image commence à se fondre dans le crépuscule, elle se sent apaisée. Il s’efface lentement dans la lumière, mais elle sait, profondément, qu’il ne part pas vraiment. Il est là, dans ce champ lumineux de son cœur, vivant pour toujours dans ses souvenirs, dans son amour. Elle n’est plus seule. Il est toujours là, murmure une voix au fond de son cœur. À jamais vivant dans ses souvenirs, dans son amour.
Tous ses mots que je n’ai jamais pu te dire… je t’aime papa ! Near.
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