Acte 5 : Où ça canarde
Une fois n’est pas coutume, il fait beau sur Hel. Grand beau. Un bon soleil bien énervé qui tape sur la tronche plus fort qu’un alcool frelaté.
Le croque-mort est déjà parti depuis un moment, affublé de son traditionnel costume et haut-de-forme.
Dans quelques minutes, il sera temps pour Ren de s’engager en direction de la mairie. Il sera aussi temps de prouver que le revolver qu’il tient d’une main sûre — bien que moite — n’est pas là pour la dissuasion.
Et une fois n’est toujours pas coutume, il a les idées claires. Les reins ont bien bossé et il est clean. Il inspire à pleins poumons cet air chargé d’odeurs de sable chaud, d’excréments de proto-lamas et de poussière.
Puis il souffle longuement.
C’est parti, mon kiki.
Classe…
Sitôt arrivé au milieu de l’artère principale de Maranth, premier coup de feu.
Première victime.
Un.
Ren reconnaît l’un des deux gars qui l’attendaient à la sortie des chiottes. Il sourit.
Seconde victime. Son pote, venu voir d’où provenait le coup de feu. Très vite suivi du troisième.
Deux, trois. À droite, premier étage de l’épicerie. Quatre.
Quatre cadavres avant la première riposte.
Des détonations venant de derrière la boutique du tanneur éclatent. De la poussière se soulève au pied du chasseur de prime. Ce dernier se jette à l’ombre un générateur, lequel encaisse une seconde balle.
Deux tireurs légèrement à gauche, à l’angle du tanneur. Quarante mètres.
Deux tirs. Ren avance derrière un autre couvert — un étal de légumes inconnus.
Cinq, six. Attention, douze mètres à droite. Sept.
Au même moment, le son d’une déflagration perce à travers les cris des civils fuyant la scène. Ren se retourne et voit les restes d’un homme s’écrouler et abreuver le sable du peu de sang non vaporisé qu’il reste.
Ok, il sait se servir de son gros engin. Pourquoi tu rigoles ? Attention au-dessus ! Neuf.
Une nouvelle explosion emporte une partie du mur au premier étage de l’armurerie. Deux cadavres tombent du trou béant laissé dans le bâtiment.
Bordel, mais c’est qui ce type ? Qui se trimbale avec…
… Derrière le speeder, deux gars avec carabine.
La première balle rate. La riposte ne se fait pas attendre, heureusement Ren a trouvé refuge à l’intérieur de ce qu’il reste de l’armurerie. Celle-ci est d’ailleurs vidée de la quasi-totalité de son contenu.
Mh, pas étonnant. Arkel tient à être seul dépositaire de l’autorité.
Woh. Elle est de toi cette phrase ?
Soudain une voix venue de dehors s’élève au-dessus des tirs.
— Haha ! Ouais ! Vous allez voir ce que Norbert a dans le ventre, tas d’cons !
Par un carreau encore en place, le chasseur de prime, occupé à recharger, assiste au spectacle.
Le vieil homme du saloon, ancien shérif, se tient fièrement debout au milieu de l’artère centrale. Exposé.
Il serre dans sa main droite, un bâton rouge dont la mèche est déjà allumée.
— Hey ! Les deux connards derrière votre trottinette, attrapez ça, c’est pour votre cul !
Du speeder, il ne subsiste rien après que la déflagration ait soufflé l’ensemble du décor sur dix mètres. Les restes mutilés des hommes d’Arkel se sont incrustés dans la poussière du sol.
Treize ?
— Vous en voulez d’autre, t’as d’guano ?
Joignant le geste à la parole, il allume un nouveau bâton de dynamite.
La violence… la violence trouve toujours un chemin. Privez les gens de leurs armes et faites-les travailler à la mine, ils utiliseront des explosifs.
Putain, il va se faire descendre ! On fait quoi ?
Chope-le !
Le plein enfin fait, Ren s’extirpe de sa cachette et se précipite vers le shérif. Il voit la mairie, elle n’est plus très loin. Et si Tage dit vrai, il ne lui reste que deux soudards à dessouder.
Mais cette fois, il n’est pas assez rapide. Un éclair illumine sa cornée tandis qu’il attrape le vieux Norbert par le col. Un liquide chaud inonde sa manche gauche.
Adieu Norbert.
La dynamite !
La dynamite ? La dynamite !
De toute évidence, si Ren n’avait pas accompli sa carrière de chasseur de prime, la pratique du football aurait pu être une option sérieuse.
D’un savant coup de pied, il envoie le bâton ardent sur le toit de la banque, du haut de laquelle saute immédiatement la quatorzième victime.
Le calme retombe.
Ren réduit les derniers mètres qui le séparent du perron de la mairie.
Il s’immobilise, les pieds bien ancrés dans le sol. Le revolver a regagné son holster. Ren est glorieux dans la lumière du soleil. Devant lui, l’imposante bâtisse paraît comme l’ultime rempart. Derrière, un champ de ruine et de mort que quelques courageux observent depuis leurs cachettes improvisées.
Sa voix raisonne dans tout Maranth :
— Arkel. Je sais que tu te planques là-dedans ! Sors et…
Une nouvelle détonation fait sursauter le chasseur de prime avant de se faire arroser de débris de verre dont certains l’entaillent sur le bras et les épaules. Suit un cadavre, ou plutôt la partie supérieure d’un cadavre qui s’échoue mollement au sol depuis le balcon du premier étage.
— BORDEL, PAPY ! FAIS GAFFE !
C’est pas Arkel. Quatorze.
— J’en étais où moi ? Ha oui, Arkel !
— Pas besoin de gueuler, je suis là, avorton.
En effet, dans l’encadrement de la porte, se tient une silhouette impressionnante.
L’homme à la carrure de bœuf avance d’un, puis deux pas, jusqu’à apparaître pleinement dans la lumière.
Il est laid. Une cicatrice en biais ravage un visage déjà disgracieux.
Sans grâce aucune, il lâche un glaviot dégueulasse à ses grolles.
— T’es qui ? Et pourquoi t’as buté mes potes ?
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