Si vous voulez lire des histoires, passez votre chemin. On peut en lire beaucoup. Assez pour que vous ne soyez jamais obligé de revenir ici. Par dépit, sans doute.

Gormack Makgornick n'écrit pas les histoires. Il aime à dire que les écrivains ne sont rien d'autre que des faiseurs d'écrits vains.

Lui, c'est un raconteur.

Je l'ai rencontré là où on rencontre toujours Gormack. Là où on trouve toujours ceux qui ont quelque chose à dire. Il était au bar, une chope à la main. Il buvait en silence. De la mousse blanche s'accrochait obstinément à sa barbe grise, malgré les coups de manche.

Je me suis assis à côté de lui pour commander un café, et il m'a regardé en souriant. Gormack Makgornick sourit toujours, gardez-le à l'esprit. Mais il n'est pas de ceux qui sont joyeux. Son regard cerné de rides le trahit.

C'est lui, qui m'a parlé des habitants de Caer Edyn. Si vous vous demandez où se trouve ce village, voici ce qu'il m'a répondu :

J'ai oublié.

Comme un air de lassitude, dans sa voix ; de résignation et de peur.

Il est âgé. Très âgé. Beaucoup plus que ce que les hommes sont autorisés à vivre. Et il commence à oublier. Le temps finit toujours par l'emporter, même sur les hommes comme lui.

Il semblerait que les seules choses dont il se souvienne, ce sont ses histoires. Celles des habitants de Caer Edyn.

Si vous allez dans ce bar, asseyez-vous à côté de lui, et écoutez-le. Je ne peux pas vous dire comment vous y rendre, car je n'en ai aucune idée. C'est un endroit qu'on ne cherche pas.

Même si les années ont passé, et que le village n'existe plus, Gormack Makgornick se trouve toujours dans cette petite taverne, au bord de l'océan.

Si vous vous asseyez à côté de lui, il vous racontera des histoires d'une autre époque. D'un lieu lointain, où les Hommes vivaient de la mer. Où il arrivait que des créatures d'un autre temps surgissent. Peut-être qu'il affabule, parfois, que sa mémoire lui joue des tours. Mais je ne pense pas. Peut-être que je suis crédule. À vous de juger.

J'ai décidé d'immortaliser ses récits, pour qu'il continue de conter, quand sa voix se sera enfin éteinte. Même si mes écrits n'auront jamais la même saveur que son souffle. Ce sont ses paroles, retranscrites mot pour mot. Je n'ai pas la prétention de les déformer.

Car je ne suis qu'un simple faiseur d'écrits vains.

Et faites-moi plaisir. Si un jour vous tombez sur ce bar, asseyez-vous à côté de Gormack Makgornick, et offrez donc lui une bière. Il l'a bien méritée.