28 mars 2020 (A dangerous method)
Moi : « Bonjour, comment ça va aujourd’hui ?
L’autre : - Guten morgen.
Moi : - Oui, heu, guten, Ursula.
Elle : - Ce sera Madame von Grillplatz pour vous. Merci.
Moi : - Bonjour Madame von Grillplatz. (À voix basse) Dis donc p’tite Mag…, heu Marie-Apolline, elle est pas un peu relou ?
Elle (à voix basse) : - Je te l’avais dit.
Moi : - Bon alors les filles, bien dormi ? Il fait beau, les oiseaux chantent, tout va bien ?
Elle et l’autre : - NON.
Moi : - Que se passe-t-il ?
Elle : - Je n’ai pas bien dormi.
L’autre : - Elle me tape sur le système.
Moi : - Ouh là… Situation de crise. Bon, vous allez me dire ce qui ne va pas, l’une après l’autre, et on va tâcher de gérer ça, calmement. C’est la période rêvée pour apprendre à maîtriser ses émotions.
Elle et l’autre : - Les quoi ???
Moi : - Les émotions, c’est ce qu’on ressent. Et pour en analyser toutes les nuances, on va jouer sur les trois couleurs primaires de base, c’est-à-dire les quatre émotions que sont la colère, la tristesse, la joie et la peur.
L’autre : - Marie-Apolline, on sent très nettement par moments que ta propriétaire n’est pas prof de maths…
Moi : - En tout cas, faites-moi confiance : j’ai été dompteuse de tigres enragés dans une autre vie et il m’arrive encore de faire cours à des jeunes, donc on va trouver une solution d'apaisement. Alors, racontez-moi !
Elle : - Bah c’est simple : je t’ai déjà dit qu’Ursula parle en dormant. Le problème, c’est que la nuit dernière, elle a rêvé qu’elle était une tondeuse à gazon.
L’autre : - Pfff, et alors ?
Elle : - Et alors, je ne sais pas sur quelle hauteur de coupe tu étais réglée, mais t’as fait du bousin toute la nuit ! Et en plus t’as le sommeil lourd ! Tu peux pas rêver aux échangeurs de Lille sud comme tout le monde ?
L’autre : - Oh là là… Ce n’est que ça ? Il va falloir trouver une alternative au comptage de brins d’herbe. Ça finit par me prendre le chou, c’est tout ! Pas de quoi en faire une fuite d’huile !
Moi : - Oh là, hé ! On baisse d’un ton toutes les deux, et on surveille son langage. (D’une voix douce) Soyez calmes, tranquilles. Détendez-vous. Observez vos pensées. Soyez présentes pour vos pensées, en répétant votre nouveau mantra "Rien à foutre, rien à foutre…"
Elle et l’autre : - Rien à foutre, rien à foutre…
Moi : - Maintenant, inspirez à fond toute la force cosmique qui vous entoure, et expirez bien fort toute la merde qui est en vous.
L’autre : - Sie ist ein Idiot, nicht wahr?
Elle : - Nun ja, manchmal…
Moi : - Ne vous foutez pas de moi, j’ai compris le mot "idiote". (Après un silence) Bon, on peut considérer que l’incident est clos ?
Elle et l’autre : - Oui, grand gourou.
Moi : - Ne m’appelez pas "grand gourou", j’ai l’impression que vous parlez à un slip.
Elle et l’autre : - Oui, maîtresse.
Moi : - Maintenant dites-moi, Madame von Grillplatz, quel est le problème avec Mariepollinette ?
L’autre : - Je ne supporte plus son déni de réalité.
Elle : - Ça y est, elle remet ça !
L’autre : - Je suis désolée, mais ça s’appelle un déni de réalité.
Elle (la voix tremblante) : - Elle ne fait rien qu’à vouloir contrecarrer mes projets !
Moi : - Quels projets ? Dis-moi un peu.
Elle : - Eh bien, vu la facilité avec laquelle j’apprends l’allemand, je me suis dit que j’allais relever un nouveau challenge. J’aimerais apprendre autre chose.
Moi : - Mais c’est très bien, ça. Et donc ?
Elle : - Je voudrais devenir pianiste de jazz.
L’autre : - Voilà !!! Déni de réalité !
Moi : - Oui, là, en effet, je crois qu’Ursu… enfin Madame von Grizzly a peut-être un peu raison sur ce point.
L’autre : - C’est ça, et ce n’est pas parce que tu as une bonne mémoire de stockage des données que tu peux réussir en tout !
Elle : - Mais pourquoi vouloir briser mon rêve ? C’est pas bien d’avoir un peu d’ambition dans la vie ?
Moi : - Non, c’est pas ça, écoute… C’est juste que… que tu ne peux pas.
Elle : - Ah mais j’ai bien conscience de mon léger handicap.
Moi : - Léger handicap ?
Elle : - Ben oui. Mais Michel Petrucciani avait lui aussi un handicap. Il a montré que si on ne peut pas atteindre les pédales du piano avec les pieds, ce n’est pas grave.
L’autre : - Oui, mais s’il n’y avait que les pieds…
Elle : - Ben voilà, elle veut casser mon ambition. Michel Petrucciani, il pouvait, et pas moi ?
L’autre : - Petrucciani, c’était un génie, pour commencer.
Elle : - Tu vois comment elle me parle, parfois ?
Moi (en soupirant) : - Voilà où mène l’écoute en voiture des "Légendes du jazz" sur France Musique… Si j’avais su… »
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