Elle : « Alors, on va être publiées ?

Moi : - Comment ça, ″on″ ?

Elle : - Eh bien, en tant que co-auteur des textes, je pense qu’on peut utiliser le ″on″, le ″nous″, bref le collectif.

Moi : - On n’a même pas encore atteint la gloire que tu penses déjà à tirer la couverture à toi !

Elle : - Le salon du livre de Stuttgart, je le sens bien, pour l’an prochain…

Moi : - Un, c’est à Francfort qu’il y a un salon du livre, et deux, tu délires complètement, ma pauvre.

Elle : - ″Une petite dédicace, Madame ? C’est pour qui ? Ah moi, je vais bien, je dirais même plus, je baigne dans l’huile, hé-hé… Oui, c’est de l’humour… En effet, vous êtes perspicace, je suis à l’origine des nombreuses saillies drôlatiques du livre…″

Moi : - Quand tu voudras bien me prêter une oreille, enfin, une écoutille heu, bref… Quand tu voudras bien m’écouter un peu…

Elle : - Mmm, oui ?

Moi : - Sache qu’il y a peu de chances que je donne suite.

Elle : - Ben alors ? Stuttgart, le Panthéon et tout le reste ?

Moi : - Attends, tu vas comprendre… (Me saisissant de mon smartphone) Alors, Yzaki… Non, c’est pas l’aspirateur… Déjà, quand une maison d’édition porte le même nom qu’un aspirateur, c’est pas très bon signe…

Elle : - T’as quelque chose contre les machines, toi, maintenant ?

Moi : - Et puis la petite licorne comme logo, bof… Ensuite, écoute… ″ Des romans d’auteurs autochtones qui créent une forte dépendance.″

Elle : - Une forte dépendance ? J’imagine bien des lecteurs accros à mes aventures…

Moi : - NOS aventures. Ce que j’aime chez toi, c’est ta modestie, ton humilité…

Elle : - Bah ouais, Marcel, nous voilà !

Moi : - M’enfin c’est quoi des auteurs autochtones ? Et pis dans quelle catégorie veux-tu que le récit de nos péripéties trépidantes soit publié ? Ils se vantent de publier de nombreux genres : romance, loups-garous-vampires, milliardaire – milliardaire, c’est un genre littéraire, ça ? –, mariage – Mariage ? Pfff…–, suspense, et bien plus encore… Mais je ne vois pas ce qu’on vient faire là-dedans…

Elle : - Mariage, ça nous correspond assez bien, on est comme un vieux couple, non ? Mais loups-garous-vampires, tu m’expliques ?

Moi : - Les loups garous sont une figure récurrente des contes du Moyen-Âge. Il existerait des hommes pouvant se transformer en loups pour échapper à divers dangers. Ils hurlent à la mort et déterrent les cadavres.

Elle : - Ah ben voilà, je comprends ce que tu fabriques dans les cimetières.

Moi : - Mais je ne déterre aucun cadavre !

Elle : - Je ne sais pas, je ne suis jamais allée voir !

Moi : - Et je ne hurle pas à la mort !

Elle : - Non ? Et quand quelqu’un ose te faire une queue de poisson sur l’autoroute, tu t’es entendue ?!?

Moi : - Je ne hurle pas, je râle à bon escient.

Elle : - De toute façon, dans une Twingo, personne ne t’entend crier. Et les vampires alors, dis-moi ce que c’est ?

Moi : - Ce sont des suceurs de sang.

Elle : - Soit l’autre nom des moustiques, quoi ! Ce n’est QUE ça ?

Moi : - Mais non ! Les vampires possèdent une apparence humaine. Ils vivent essentiellement la nuit, ils ont peur du soleil et de l’ail. Ils sont immortels et ils gardent le même âge jusqu’à la fin des temps – ce qui signifie que lorsqu’on est vampirisé à 16-17 ans, on a des chtars sur la tronche et la peau grasse pour l’éternité.

Elle : - Ils ont une vie de merde, quoi.

Moi : - Une non-vie de merde, tu veux dire.

Elle : - Et avec du sang, on fait du boudin de littérature ?

Moi : - À peu près… Bon, tu comprends que je ne sois pas super enthousiaste pour souscrire à ce genre de plate-forme littéraire.

Elle : - Et moi, je n’aime pas beaucoup que tu sacrifies notre gloire à ton manque d’ambition !

Moi : - Qu’est-ce que t’as encore à rouspéter ?

Elle : - Il y a que j’aurais bien voulu voir Stuttgart ! Ça m’aurait changé d’air ! »