Douce nuit
Une nuit intense. Quelques étoiles en guise de douces lueurs d'espoir. Un vent froid, grisant, mélancolique. Les phares des voitures défilent, tel un trait continu le long de la route que j'emprunte jusqu'au perchoir. Là haut, je m'installe, j'observe, et je médite. Dans mes oreilles, des sons cyniques, des sons amoureux, des sons frappés, des sons violents. Les notes passent comme les flots de cette rivière longeant la ville. Des larmes, pleines de sel, coulent le long de mes joues. Dans chacune d'elle, un sentiment, un moment ou un visage. L'hiver s'installe et revient avec lui le froid glacial, le froid social. Les gens sont mornes, gris, désagréables. Ils te bousculent, te crient dessus sans jamais se soucier de l'instant d'après. Chacun est focalisé sur sa propre survi, sans penser aux états d'âmes environnants.
Et moi, je suis là, allongé dans ma tour de bois, à observer l'immensité du ciel en pensant à l'avenir : de quoi sera fait demain ? Qui sera encore à mes côtés ? Qu'est-ce que j'ai loupé ? Tant de questions, si peu de réponse. J'aimerais tant que tu sois à mes côtés pour refaire le monde, la main dans la main, à rire de nos émois, à penser pourquoi pas, penser à nos ébats. On se baladerait sur la lune en méprisant l'agitation terrienne, le coeur sur la main, les mains sur nos corps. Que le temps est long ... La solitude commence à agir comme une multitude de petites lames qui me transpercerait la peau à grande vitesse. Pourtant, je suis entouré, désiré. D'étranges lutins mutins gravitent autour de moi, comme ces yo-yos lumineux que l'on avait petit.
Beaucoup de désirs, peu de fantasmes, et quelques réalisations. Beaucoup de stress, peu d'énergie et quelques doutes. En ce moment, le maître mot, c'est instabilité. Pourtant, curieusement, je n'ai jamais autant sû où je voulais aller. Je commence à m'accepter comme l'alien que je suis, et je me love dans les bras de mes semblables. Je souffle tel le loup sur les fantômes ténébreux qui tentent de noircir mes pensées. Je pose ma tête sur cette épaule réconfortante, je sers intensément cet autre étranger et j'avance tête relevée. C'est drôle à quel point certaines personnes peuvent changer ta vie en étant eux-même. Parfois, certains ne sont que de passage, comme un ouragant, pour te rappeler que rien n'est fixe, tout n'est qu'évolution : la vie est un voyage sans destination.
Dans peu de temps, la neige envahira les plaines immondes de cette campagne citadine. Un manteau de pureté pour cacher une épaisseur de merde suitante. On appelle ça Noël je crois. Période de trève, je m'en vais exécuter le bref balais des convenances mutuelles traditionnelles. A mes côtés, un corp baveux, inerte et bégayant : il titube en essayant tant bien que mal de tenir sa position de mâle par excellence. Il est accompagné d'une copie pâle d'un mirage espéré et déchu de ce qui aurait dû être une bulle intouchable. Sur le côté, le banc de touche. On y retrouve l'alcoolique dépendante de son téléphone et sa vie imaginaire au côté de son prince québécquois. Un verre, deux verres, puis vert. Silence radio. Et enfin, l'opposé : lui, c'est l'absence de nuance par excellence, la compassion inexistante, le jugement comme mantra. Vous voyez l'oncle mysogine et réac, idolateur de Jean-Marie inavoué, lêcheur de bite si cela peut servir d'une quelconque manière ses intérêts quitte à s'étouffer avec ? C'est lui. Finalement, je ne suis qu'une maigre copie de ce caennais populaire : je déteste les fêtes de famille. Mais ne vous y trompez pas, les plus belles fleurs poussent au milieu d'un purin irrespirable. Dans le fond de la pièce, une petite princesse fragile, perdue, au cerveau en ébullition, la tête dans la lune. Elle a déjà créé son monde imaginaire. Ma tendre opaline.
Aller, sers les dents, ça va aller. Cours, marche, arrêtes toi. Amuses toi, poses toi. Chantes, tais toi. L'absurdité du monde c'est ce qui donne naissance à ton labyrinthe : bienvenue dans le monde de la folie. Nages, prends le large, laisses éclater ta rage. Tournes la page.
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